MII et à la maladie du foie

La maladie inflammatoire de l’intestin (MII) est souvent associée à d’autres maladies qui se développent en même temps que les manifestations intestinales et périanales. Ces autres maladies sont appelées des manifestations extra-intestinales de la MII. Les systèmes organiques extra-intestinaux qui pourraient être touchés par la MII sont énumérés dans le Tableau 1 ci-dessous. L’association de ces manifestations avec la MII est reconnue depuis bon nombre d’années, mais ces manifestations ne sont pas très connues en termes de mécanismes ou de changements cellulaires qui se produisent lorsque la maladie se développe.

TABLEAU 1: Systèmes organiques extra-intestinaux touchés par la maladie inflammatoire de l’intestin

  • Hépatobiliaire
  • Musculo-squelettique
  • Dermatologique
  • Oculaire
  • Génito-urinaire
  • Vasculaire et hématologique
  • Cardiaque
  • Pulmonaire
  • Endocrinien et métabolique

Environ 36 % des patients ayant reçu un diagnostic de MII présentent au moins une manifestation extra-intestinale connexe. Certaines des manifestations extra-intestinales les plus communes de la MII sont reliées à la colite active et peuvent affecter les joints, la peau, les yeux ou la muqueuse interne de la bouche. D’autres manifestations qui sont plus couramment associées au dysfonctionnement de l’intestin grêle sont les calculs biliaires, les calculs rénaux et l’obstruction de la voie urinaire. Le présent article sera uniquement axé sur les manifestations extra-intestinales qui sont associées à la MII et à la maladie du foie.

TABLEAU 2: Manifestations hépatobiliares de la maladie inflammatoire de l’intestin

COMMUNES:

  • Stéatose hépatique
  • Cholélithiase

PEU COMMUNES:

  • Angiocholite sclérosante primitive
  • Péricholangite
  • Cirrhose cryptogénétique
  • Hépatite auto-immune

La maladie du foie et la maladie du canal biliaire sont présentes chez presque la moitié des patients souffrant de MII chronique, mais ne sont habituellement pas associées à une maladie du foie cliniquement significative. Le Tableau 2 énumère les manifestations hépatobiliaires communes et peu communes de la MII.

Manifestations hépatobiliaires communes de la MII

La stéatose hépatique (gras) figure parmi les manifestations hépatobiliaires les plus communes de la MII que l’on trouve chez les patients atteints de maladie de Crohn et de colite ulcéreuse. Elle se caractérise par de grandes accumulations de gouttelettes de lipides dans les cellules hépatiques que l’on peut voir en analysant des tissus provenant d’une biopsie du foie. La stéatose hépatique peut aussi être détectée en faisant une échographie abdominale, le foie apparaissant gros et « gras ». Il n’y a généralement aucun signe ni symptôme, ni aucune anomalie constatée en laboratoire qui suggèrent une infiltration de lipides dans le foie. De plus, la stéatose hépatique est habituellement bénigne et n’entraîne habituellement pas d’autres complications. Toutefois, il convient de noter que l’infiltration de lipides peut être directement liée à la gravité de la MII de même qu’à la malnutrition et à l’usage de corticostéroïdes. À mesure que la MII s’améliore et qu’un meilleur état nutritionnel est maintenu, l’infiltration des lipides peut s’atténuer et même être réversible.

La cholélithiase, soit la formation de calculs biliaires, se classe au deuxième rang des manifestations hépatobiliaires de la MII par rapport à sa fréquence, et elle est plus courante chez les patients atteints de maladie de Crohn que chez ceux atteints de colite ulcéreuse. La formation de calculs biliaires se produit lorsqu’il y a absorption diminuée des acides biliaires et qu’ils sont sécrétés à nouveau. Les sels biliaires gardent le cholestérol en solution et si leur quantité est réduite, le cholestérol précipite la formation de calculs biliaires. Ces calculs se ramassent dans la vésicule biliaire et provoquent une inflammation ou une distension, qui peut donner lieu à des douleurs importantes du côté supérieur droit de l’abdomen. Des nausées, des vomissements, des sueurs et la pâleur peuvent aussi accompagner une attaque. La gravité et la durée peuvent dépendre de nombreux facteurs. Lorsque la douleur abdominale et le ballonnement sont soulagés en passant des selles, cela suggère que la douleur provient de l’intestin et non pas de calculs biliaires. Une échographie abdominale établira la présence de la formation de calculs biliaires. Pour ceux qui éprouvent des symptômes de calculs biliaires, il existe des interventions médicales et chirurgicales à leur disposition. Pour ceux qui ont des calculs biliaires mais qui sont asymptomatiques, une diète riche en fibre alimentaire et faible en gras est recommandée.

Manifestations hépatobiliaires peu communes de la MII

L’angiocholite sclérosante primitive et la péricholangite sont deux manifestations relativement peu communes de la MII. Ces maladies hépatobiliaires se caractérisent par l’inflammation ou la cicatrisation des canaux biliaires à l’intérieur du foie (intrahépatiques) et à l’extérieur du foie (extrahépatiques). L’angiocholite sclérosante primitive se produit chez approximativement 1 à 5 % des patients atteints de MII. Elle est plus courante chez les hommes que chez les femmes, et est plus souvent associée à la colite ulcéreuse qu’à la maladie de Crohn. L’angiocholite sclérosante primitive peut causer un rétrécissement du canal biliaire et l’ictère. Par contre, la péricholangite se produit chez environ 30 % des patients atteints de MII. Elle consiste en l’inflammation des cellules entourant les petits canaux biliaires à l’intérieur du foie, mais n’endommage pas les cellules hépatiques ou les canaux biliaires, et elle n’évolue habituellement pas vers des maladies plus graves.

La cirrhose (cicatrisation du foie) peut survenir chez jusqu’à 20 % des patients et de nombreux facteurs peuvent y contribuer. Elle peut être le résultat d’une hépatite virale due à une transfusion sanguine, de la malnutrition, de la toxicité d’un médicament, d’une hépatite auto-immune et de la cholangite sclérosante. La cirrhose est souvent bien compensée et le foie continu de bien fonctionner. La cirrhose devient de moins en moins fréquente en raison des thérapies améliorées et de la prévention de la transmission de l’hépatite virale dans les produits sanguins.

L’hépatite auto-immune est une affection dans laquelle une personne développe une immunité à ses propres cellules hépatiques, ce qui entraîne l’inflammation. Elle peut se produire seule ou être parfois associée à la colite ulcéreuse. Le diagnostic se fait en mesurant les enzymes hépatiques sériques, et s’il y a lieu, en prélevant une biopsie du foie. L’hépatite auto-immune est traitée indépendamment de la MII.

Il existe d’autres facteurs propres à la MII qui pourraient accroître le risque pour les patients atteints de développer des calculs biliaires. Le premier facteur est la résection iléale ou une chirurgie de dérivation qui perturbe la voie par laquelle les sels biliaires circulent et abaisse donc la concentration de sels biliaires, d’où la formation de calculs biliaires. La formation de calculs biliaires se produit chez 13 à 34 % des patients qui ont subi une telle chirurgie. Toutefois, la colite qui ne touche pas l’intestin grêle ne semble pas accroître le risque. Deuxièmement, l’alimentation parentérale donne lieu à une vésicule biliaire dilatée et paresseuse, d’où la formation de calculs parce qu’il n’y a aucune nourriture prise oralement pour faire contracter la vésicule biliaire. Bien que les maladies du foie associées à la MII ne soient pas communes et ne soient habituellement pas sérieuses, les patients atteints de MII devraient être suivis de près et faire l’objet de tests de dépistage de maladies du foie, s’il y a lieu. Il est important d’être conscient de ces manifestations extra-intestinales parce qu’elles sont souvent la première raison


Natalie Rock, B.Sc.Inf., IA, Infirmière de recherche clinique en hépatologie, Département de médecine, Université de la Colombie-Britannique,Vancouver General Hospital and Health Sciences Centre
Publié pour la première fois dans le bulletin The Inside Tract® numéro 104 – Novembre/Décembre 1997
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