SII ou prolifération bactérienne de l’intestin grêle?
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est l’affection gastro-intestinale la plus souvent diagnostiquée et sa prévalence chez certaines populations serait aussi élevée que 30 %. On estime qu’il touche 20 % des Canadiens. Les troubles fonctionnels de l’intestin, y compris le SII, comptent pour 50 % des visites chez les gastroentérologues. Les symptômes du SII comprennent les douleurs abdominales, le ballonnement et des changements aux habitudes intestinales tels que la diarrhée, la constipation ou des selles qui alternent entre les deux consistances extrêmes.
Les symptômes du SII sont semblables à ceux des patients souffrant d’une prolifération bactérienne de l’intestin grêle (PBIG). Le corps possède des mécanismes pour aider à prévenir les bactéries naturellement présentes dans le côlon de migrer dans l’intestin grêle. La raison pour la défaillance occasionnelle de ces mécanismes est inconnue. Il existe un test respiratoire spécialisé pour évaluer cette prolifération, désigné test respiratoire au lactulose ou TRL.
Les personnes chez lesquelles l’on a diagnostiqué le syndrome de l’intestin irritable pourraient-elles vraiment être atteintes de PBIG? Des chercheurs en Californie ont voulu évaluer l’association de la prolifération avec le SII et vérifier si le traitement d’une prolifération réduit les plaintes intestinales.
Une étude menée au centre médical Cedars-Sinai comportait 448 sujets recommandés par leur médecin pour un dépistage de la PBIG. À l’aide des questionnaires remplis par les sujets, les chercheurs ont déterminé que 202 sujets étaient atteints du syndrome de l’intestin irritable selon les critères standards de symptômes (voir l’encadré). De ce groupe, 157 (78 %) ont testé positifs pour une prolifération bactérienne dépistée à l’aide du TRL.
Les médecins des sujets positifs leur ont prescrit une antibiothérapie de dix jours (p. ex., néomycine, ciprofloxacine, Flagyl (métronidazole) ou doxycycline) afin d’éradiquer la prolifération bactérienne. Des 157 sujets qui avaient initialement qualifié pour l’étude, 47 ont été renvoyés par leur médecin pour un TRL de suivi et ont dû remplir un deuxième questionnaire – sans connaître les résultats de leur TRL. De ces 47 sujets, 25 ont connu une éradication complète de la PBIG et 22 ont connu une éradication partielle. L’antibiothérapie a réduit de façon significative la production d’hydrogène chez tous les 47 sujets, avec une réduction plus importante de la production d’hydrogène observée chez les sujets dont la PBIG était complètement éradiquée.
L’étude a démontré que les 25 sujets (48 %) qui avaient été renvoyés par leur médecin et chez qui l’éradication de la PBIG était réussie ne répondaient plus aux critères de Rome pour le SII. Aucune différence n’a été observée chez les sujets dont l’éradication de la PBIG n’était pas réussie.
Les chercheurs ont donc conclu d’après cette étude à petite échelle que les sujets atteints du SII semblent avoir une prévalence élevée de PBIG et qu’une antibiothérapie semble améliorer considérablement les symptômes.
Il est important de souligner que les antibiotiques peuvent uniquement aider les patients atteints du SII qui ont testé positifs pour la PBIG au moyen d’un test respiratoire au lactulose. Le SII n’est habituellement pas traité à l’aide d’antibiotiques. Lorsqu’on réfléchit à l’existence d’une prévalence du SII aussi élevée que 30 % dans la société, il serait irresponsable de traiter les patients atteints de SII à l’aide d’antibiotiques sans premièrement confirmer la présence d’une prolifération bactérienne. Les chercheurs soulignent que « des études contrôlées sont nécessaires afin d’examiner ce phénomène en profondeur ».