Aliments réconfortants
L’axe intestin-cerveau est toujours un secteur de recherche fascinant qui se penche sur la façon dont le cerveau communique avec le système nerveux entérique (plutôt indépendant) de l’appareil gastro-intestinal (GI). Dans le bulletin Du coeur au ventreMC, numéro 182, nous avons parlé de nos « autres » papilles gustatives, celles qui tapissent le tractus GI et qui influent sur la façon dont nous percevons les aliments. Et maintenant, dans le cadre d’une petite étude novatrice publiée dans le Journal of Clinical Investigation,1 des scientifiques ont découvert que les aliments gras peuvent créer un sentiment de bien-être, ou à tout le moins atténuer la tristesse, même si l’on ne peut pas les goûter, les sentir ou même savoir qu’on les consomme.
Vous vous demandez peut-être : « Comment peut-on avoir découvert cela? » La réponse se trouve chez les douze braves participants qui se sont soumis volontiers à des séances de jeûne, de manipulations émotionnelles, de prises d’images cérébrales et d’infusions intragastriques! Les scientifiques savent depuis longtemps qu’il existe un lien entre l’humeur et le comportement alimentaire, et l’étude en question visait à explorer les mécanismes précis qui en sont responsables.
Dès le réveil, pendant quatre jours distincts, les chercheurs ont muni les douze participants d’une sonde d’alimentation gastrique (fixée au visage et passant par la bouche pour s’acheminer à travers l’œsophage et arriver à la partie supérieure de l’estomac). Les chercheurs ont commencé la partie du test portant sur l’induction d’émotions (voir l’encadré) trois minutes avant l’administration de 250 mL, soit d’acide gras (acide dodécanoïque), soit de solution saline. À quatre moments fixes pendant le test, les participants ont coté leur faim, leur plénitude, leurs nausées et leur humeur. Ils ne connaissaient pas l’objectif de l’étude et ne savaient pas ce que contenaient les infusions gastriques administrées, aidant ainsi à prévenir des réponses subjectives. Lorsque l’émotion induite était la tristesse et que l’infusion contenait une solution d’acide gras, les participants ont signalé une moins grande faim et une humeur plus positive comparativement aux journées où ils ont reçu l’infusion de saline (le témoin).
Les chercheurs ont aussi examiné le cerveau des patients en utilisant une imagerie par résonance magnétique (IRM) dont le processus commençait avant l’administration des infusions intragastriques et se poursuivait pendant 40 minutes pour chaque test. Ils ont constaté que l’infusion d’acide gras semblait avoir un effet sur les endroits du cerveau associés à l’humeur.
Les chercheurs ont un véritable coffre à surprise à leur disposition qui contient des outils d’étude provenant d’études antérieures. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont utilisé ce que les scientifiques appellent des méthodes « validées » pour engendrer certaines émotions. Cela signifie que des études précédentes ont déjà démontré que faire X provoquera l’émotion Y chez un participant d’étude typique. Pour induire la tristesse, les chercheurs ont demandé aux participants d’écouter onze pièces de musique classique, chacune pendant une minute, tout en visualisant dix images projetées de différentes expressions faciales, lesquelles étaient continuellement présentées pendant cinq secondes chacune selon un ordre aléatoire. Pour induire des émotions neutres, les participants ont écouté de la musique étant validée comme neutre tout en visualisant des images d’expressions neutres.
Conclusion
Cette poutine grasse peut sembler, sentir et goûter délicieuse pendant que vous la déguster, mais cette étude suggère que même en l’absence de ces sensations, vos intestins communiquent tout de même son contenu à votre cerveau, vous rendant plus satisfait et diminuant la sensation de faim.
Cette étude est de très petite envergure et ce n’est pas l’intention des chercheurs d’encourager des habitudes alimentaires malsaines. Après tout, l’activité physique peut aussi avoir un effet positif sur l’humeur! Certaines affections GI telles que le syndrome de l’intestin irritable (SII) sont associées à des affections psychologiques telles que la dépression et l’anxiété, et les problèmes de suralimentation sont parfois associés à des problèmes de régulation de l’humeur. Cette étude contribue au nombre croissant de travaux de recherche à partir desquels les fournisseurs de soins de santé peuvent en apprendre plus sur certaines affections GI et psychologiques et les options de traitement pour celles-ci.