Pancréatite : Le rôle des fibres
La pancréatite est une inflammation du pancréas. Il existe deux principaux types de pancréatite : aiguë (apparition soudaine) et chronique (maladie de longue durée). L’inflammation peut endommager le tissu pancréatique et occasionner des symptômes tels que des douleurs abdominales, des nausées, une perte de poids, le diabète et une malabsorption.
Vous avez peut-être déjà entendu parler du rôle des gras dans la gestion de la pancréatite, mais qu’en est-il du rôle des fibres? Y en a-t-il un? De nouvelles recherches démontrent que les fibres pourraient très bien jouer un rôle important dans la gestion des troubles pancréatiques, y compris les pancréatites aiguë et chronique. Les dernières preuves dans ce domaine restent controversées, et d’autres études s’imposent pour confirmer ces résultats, mais il est toujours intéressant de voir ce qu’elles suggèrent. Poursuivez votre lecture pour en connaître plus sur ce que la science a révélé jusqu’à présent sur la gestion nutritionnelle de la pancréatite, et savoir comment vous pouvez appliquer ces découvertes à votre vie et à vos habitudes quotidiennes.
Pancréatite aiguë
Lorsqu’une personne est hospitalisée pour une pancréatite aiguë, le médecin prescrira un régime alimentaire « nil per os » (NPO), ce qui signifie « rien par la bouche » en latin. Elle recevra amplement de liquides par voie intraveineuse (IV) pour rester hydratée, puisque l’affection est souvent accompagnée de symptômes de nausées, de vomissements et de douleurs abdominales qui empêchent de manger ou de vouloir manger. Un pancréas enflammé est stimulé par l’ingestion de nourriture, d’où le déclenchement de ces symptômes indésirables. S’il s’agit d’un cas léger, le régime alimentaire peut graduellement passer d’une forme liquide à une forme solide (un régime à faible teneur en gras et possiblement à faible teneur en fibres, ou un régime régulier, selon la tolérance) au cours des quelques jours suivants, et dans les cas très légers, dans les 24 heures.1 L’objectif final est de reprendre un régime alimentaire régulier avec le temps. Dans les cas de pancréatite aiguë grave, un soutien nutritionnel (p. ex., l’alimentation par sonde) est nécessaire pour les personnes qui ne sont pas en mesure de tolérer (ou chez lesquelles on envisage un tel problème) une alimentation par voie orale dans un avenir proche.2 En effet, ces personnes auront des besoins énergétiques et protéiques accrus qui ne pourront être satisfaits que par un soutien nutritionnel. La nutrition est également essentielle pour préserver la fonction de la barrière intestinale. Lorsque celle-ci est compromise, une translocation de bactéries peut se produire à travers la barrière et provoquer une infection du pancréas et, dans le pire des cas, le syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS).1
Il a été démontré que les fibres, en particulier les fibres prébiotiques, aident à préserver la fonction et l’intégrité de la barrière intestinale. Cela aide à empêcher la translocation des bactéries pouvant mener à un risque accru d’infection, phénomène qui a été observé dans des cas de pancréatite aiguë.1 Un régime alimentaire riche en prébiotiques est associé à de plus faibles taux d’infection pancréatique, d’hospitalisations, de SRIS et de défaillances polyviscérales.1 Une étude randomisée à double insu menée auprès de 30 participants souffrant d’une pancréatite aiguë grave a révélé que ceux qui recevaient un soutien nutritionnel (alimentation par sonde) sous forme de formule prébiotique profitaient d’un séjour hospitalier plus court et avaient moins de complications que ceux qui recevaient un soutien nutritionnel standard sans prébiotiques.3 Les prébiotiques sont une source alimentaire pour nos bactéries intestinales saines. Ils nourrissent et stimulent la croissance des bonnes bactéries qui colonisent l’intestin, contribuant à garder le système immunitaire fort et sain. Les aliments riches en prébiotiques comprennent les asperges, les artichauts, les haricots, les bananes, l’ail, les pois verts, l’avoine et les oignons. Du gruau avec une banane et un frappé ou des barres aux bananes et à l’avoine sont des aliments riches en prébiotiques qui pourraient être plus faciles à tolérer pendant le rétablissement. Les prébiotiques sont également disponibles sous forme de suppléments, source acceptable. Cependant, si vous pouvez tolérer les prébiotiques sous forme d’aliments, pourquoi ne pas commencer par-là? Vous obtenez ainsi tous les nutriments bénéfiques présents dans la nourriture, et non seulement le prébiotique isolé retrouvé dans le supplément.
Pancréatite chronique
Le risque de malnutrition est plus élevé dans le cas de la pancréatite chronique. Cela est attribuable à la malabsorption qui découle d’une diminution des taux d’enzymes pancréatiques ou de leur activité, substances nécessaires à la digestion des aliments et favorisant une absorption optimale.1 Cependant, une supplémentation en enzymes pancréatiques peut aider. Les personnes souffrant d’insuffisance pancréatique prennent ces enzymes avec leurs repas pour optimiser l’absorption des nutriments. Bien que certains aliments contiennent des enzymes digestives naturelles (p. ex., l’ananas), celles-ci ne sont pas en quantité suffisante pour prévenir la malabsorption en cas de pancréatite chronique. De plus, notre organisme a besoin d’un mélange d’enzymes pour décomposer tous les macronutriments (protéines, glucides et gras), combinaison que l’on ne peut retrouver dans un seul aliment. Bien mastiquer les aliments, bien prendre le temps de manger et prendre de petits repas fréquents (p. ex., manger la moitié d’un sandwich, puis l’autre moitié quelques heures plus tard) peut également aider à optimiser l’absorption, puisque cela donne plus de temps au corps pour traiter et digérer correctement les aliments.
Les gras peuvent stimuler le pancréas et déclencher des douleurs abdominales; cependant, les experts de la santé recommandent toujours d’essayer d’en consommer un peu. Le fait d’éviter complètement les gras peut les rendre encore plus difficiles à tolérer lorsque vous les ajouterez à votre alimentation, puisque l’enzyme qui les décompose (la lipase) requiert la présence d’un peu de gras pour rester active et en bon état de fonctionnement.4 En outre, les gras sont essentiels à la bonne santé et à l’absorption des vitamines liposolubles, c’est-à-dire A, D, E et K. La quantité de gras recommandée en tant que macronutriment est de 20 à 35 % de l’apport calorique quotidien total; pour une personne souffrant de pancréatite chronique, la quantité se situe à environ 30 %. Étant donné que, dans le régime cétogène, jusqu’à 80 % des calories totales proviennent des gras, il est important de savoir que ce régime ne représente pas une bonne option alimentaire pour les personnes atteintes de pancréatite.
Les fibres peuvent réduire l’activité des enzymes pancréatiques chez les personnes souffrant d’une insuffisance d’enzymes pancréatiques. L’association entre un régime riche en fibres et la diminution de l’activité des enzymes pancréatiques a été démontrée principalement par des études en laboratoire (in vitro), et, par conséquent, des études chez les humains (in vivo) sont nécessaires pour corroborer ces résultats.1 Un régime riche en fibres chez les personnes atteintes d’une insuffisance pancréatique exocrine peut également augmenter l’excrétion des gras dans les selles, ce qui signifie que moins de gras seront absorbés et utilisés par l’organisme. Les fibres peuvent également stimuler le pancréas par un mécanisme neurohormonal indéfini, ce qui peut mener au déclenchement de symptômes.1 Une fois de plus, ces résultats ne décrivent que des associations, et des recherches plus poussées s’imposent avant d’apporter des changements draconiens. Cela dit, un régime à très haute teneur en fibres (> 50 g/jour) peut ne pas être une bonne idée, surtout s’il y a déclenchement de symptômes additionnels.
Dix objectifs nutritionnels en cas de pancréatite
- prendre des repas ayant une valeur nutritionnelle adéquate
- corriger les carences nutritives (p. ex., vitamines A, D, E, K)
- limiter la malabsorption (p. ex., enzymes pancréatiques)
- empêcher une perte de poids
- prendre de petits repas fréquents pour optimiser la digestion et l’absorption
- gérer les symptômes (douleurs abdominales, ballonnements, nausées, vomissements, diarrhée, stéatorrhée) en choisissant des aliments bien tolérés
- préserver la fonction et l’intégrité de la barrière intestinale (p. ex., prébiotiques)
- éviter les restrictions alimentaires inutiles (p. ex., régime à très faible teneur en gras)
- contrôler la glycémie au besoin (risque accru de diabète avec pancréatite chronique)
- éviter l’alcool
Conclusion
La pancréatite est une maladie complexe et sa gestion nutritionnelle varie en fonction de sa nature, soit aiguë ou chronique. Bien qu’il reste encore beaucoup à apprendre sur les fibres dans le contexte de la pancréatite, un régime pauvre en fibres est recommandé dans les premiers stades de la pancréatite aiguë jusqu’à ce que les symptômes s’apaisent. Par la suite, les fibres prébiotiques pourraient être favorisées en cas de pancréatite aiguë pour préserver l’intégrité de la barrière intestinale et réduire le risque d’infection et d’autres complications. Il peut être prudent d’éviter un régime à très haute teneur en fibres dans les cas de pancréatite chronique, puisque les fibres peuvent réduire la fonction des enzymes pancréatiques, augmenter la malabsorption des gras et déclencher des symptômes. Finalement, il sera intéressant de voir ce que les futures recherches révéleront, et si l’utilisation de fibres prébiotiques deviendra la norme dans le traitement de la pancréatite aiguë.