Détection du SII par l’urine
Les scientifiques ont découvert, dans l’urine, des signatures chimiques ou biomarqueurs qui sont associés au syndrome de l’intestin irritable (SII). Cela est non seulement prometteur pour la mise au point d’outils de diagnostic précis et moins invasifs, mais cela pourrait aussi offrir de nouveaux renseignements sur les mécanismes en cause dans la pathologie du SII.1
Caractérisé par des symptômes de douleurs abdominales, de ballonnements, de constipation et de diarrhée, le SII est l’une des affections gastro-intestinales les plus souvent diagnostiquées; pourtant, il demeure mal compris. Le SII est une maladie chronique qui peut faire son apparition à n’importe quel moment de la vie. Puisqu’il n’existe aucun test de laboratoire précis pour la maladie elle-même, les patients sont soumis à une série de questionnaires sur les symptômes et de tests pour exclure d’autres maladies de l’intestin. Ces tests d’exclusion peuvent comprendre l’analyse du sang et d’échantillons de selles, des tests d’allergie, des questions sur les selles et des coloscopies, pour n’en nommer que quelques-uns. Cela peut prendre quelques semaines ou quelques mois avant de pouvoir consulter un spécialiste, et le patient peut éprouver de l’embarras, de l’anxiété et de l’inconfort lorsqu’il est soumis aux tests mentionnés ci-dessus. Pour compliquer davantage le diagnostic précis du SII, les questionnaires sont de nature subjective et n’offrent pas toujours des réponses définitives, étant donné la variété des symptômes d’un patient à l’autre et leurs divergences dans le temps pour une même personne.
Des scientifiques de l’Université McMaster, en collaboration avec le Dr Premysl Bercik du Farncombe Family Digestive Health Research Institute, également professeur agrégé au département de médecine de la division de gastroentérologie à l’Université McMaster, ont identifié un groupe de biomarqueurs dans l’urine qui présentent des traits qui seraient caractéristiques du SII et qui diffèrent de ceux des témoins en santé. Nous avons eu la chance de parler avec l’auteur principal de l’étude, Philip Britz-McKibbin, professeur au département de chimie et de biologie chimique à l’université. Il nous a fait part de sa vision concernant les résultats de leurs recherches.
« Les principaux objectifs de l’étude étaient de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de l’affection, ainsi que d’identifier des biomarqueurs potentiels qui viendraient compléter les outils standard, et ce, dans le but d’améliorer le diagnostic en temps opportun et de permettre un meilleur suivi du traitement », a affirmé le professeur Britz-McKibbin.
Les scientifiques ont réuni un groupe de patients atteints du SII (n = 42) et un groupe témoin de participants en santé (n = 20). Après avoir recueilli des échantillons d’urine de façon répétée à deux occasions différentes, ils ont trouvé des quantités élevées de dix métabolites urinaires chez les patients souffrant du SII, comparativement au groupe témoin, y compris plusieurs composés inconnus qui ont été identifiés par la suite. Ces signatures étaient probablement associées à une modification de la fonction intestinale et à une inflammation du côlon de faible intensité, qui sont révélatrices du SII et d’une dégradation accélérée du collagène. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait choisi l’urine comme base du profilage, le professeur Britz-McKibbin a expliqué que « non seulement l’urine fournit un aperçu global du microbiote intestinal et des habitudes alimentaires, mais son prélèvement à titre d’échantillon biologique est le plus pratique et le moins invasif. On obtient ainsi l’observance des patients. »
« Contrairement aux échantillons de sang ou de selles, les échantillons d’urine sont plus faciles à obtenir et beaucoup plus accessibles. Les tests à base d’urine fournissent des renseignements sur la progression du SII, qui peut être surveillé facilement », poursuit le professeur Britz-McKibbin.
L’étude comportait certaines limites importantes : les participants étaient tous des adultes atteints du SII, souffrant d’autres maladies comme la dépression et prenant plus de médicaments d’ordonnance que les membres du groupe témoin. Le professeur Britz-McKibbin aimerait que les études à venir, y compris les études longitudinales, fassent appel à des patients récemment diagnostiqués et ayant moins de facteurs confusionnels, afin de potentiellement établir des liens de causalité avec la maladie.
Le profilage à base d’urine laisse également entrevoir la possibilité de mettre au point des outils de dépistage pour la détection précoce du SII, lesquels sont également nécessaires de toute urgence pour valider les interventions diététiques et traiter efficacement le SII chez chaque patient. « Nous espérons que, grâce à ces résultats, nous pourrons réduire le besoin de coloscopies et d’autres interventions invasives et coûteuses, tout en offrant aux gastro-entérologues de meilleurs outils de diagnostic et de surveillance thérapeutique », a conclu le professeur Britz-McKibbin.
Le professeur Britz-McKibbin a révélé qu’il participe à une autre étude qui sera publiée à l’automne 2019. De concert avec une équipe de scientifiques, il s’appuie sur les résultats des analyses d’urine pour détecter de nouveaux biomarqueurs qui peuvent différencier la maladie de Crohn de la colite ulcéreuse chez les enfants. Restez à l’affût!