Faim et appétit

Les systèmes complexes qui nous encouragent à manger

Chaque action du corps — que ce soient les battements du cœur, la contraction des muscles des jambes pour marcher, le traitement par le cerveau du contenu d’une conversation ou le mouvement d’un bras pour se gratter le nez — exige de l’énergie. Nous tirons cette énergie des calories contenues dans les aliments, soit directement, soit à partir des stocks emmagasinés dans notre corps sous forme de glycogène (dans le foie et les muscles) ou de graisse. Comme il est extrêmement important pour notre survie d’avoir suffisamment d’énergie et de nutriments, notre corps envoie des messages de faim qui nous encouragent à manger.

Définition de la faim

Il existe de nombreuses façons de définir la faim. Lorsque les décideurs politiques ou les groupes d’aide internationaux parlent de la faim, ils font généralement référence à l’impossibilité de manger pendant une période prolongée, généralement en raison d’un manque d’accessibilité, d’une pénurie ou de la pauvreté. Bien que cela soit plus rare au Canada que dans les pays en développement, il y a quand même des Canadiens qui luttent contre ce type de faim, comme ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté et ceux qui habitent dans des régions éloignées ayant un accès inadéquat à la nourriture.

En général, le type de faim auquel nous pensons le plus souvent est celui que tous connaissent : l’inconfort temporaire lié au besoin de manger, y compris des symptômes tels que les grondements d’estomac, de légers étourdissements et parfois des sautes d’humeur, des vertiges et des nausées. Nous nous concentrerons sur ce type de faim.

Qu’est-ce que la faim?

Un système complexe de signaux physiques et hormonaux est à l’origine de ce que nous appelons la faim. Il touche de nombreuses parties du corps, notamment le cerveau, le système nerveux, le pancréas, l’estomac et le reste du tractus intestinal.1 Deux hormones principales jouent un rôle dans les signaux de la faim : la ghréline et la leptine.2 Lorsque vous n’avez pas mangé depuis un certain temps, l’estomac (et d’autres parties du tube digestif, à un moindre degré) produit de la ghréline, ce qui augmente l’appétit, la motilité gastrique et la sécrétion d’acide gastrique. Les taux de ghréline atteignent leurs niveaux les plus élevés juste avant les repas, lorsque votre taux de sucre dans le sang est faible et que votre estomac est vide. D’autre part, lorsque vous avez suffisamment mangé, les cellules adipeuses sécrètent de la leptine, laquelle interagit avec le cerveau pour signaler que vous avez amplement de calories en réserve et qu’il est donc temps d’inhiber les signaux de la faim. Une grande variété d’autres hormones, comme l’insuline et le cortisol, sont impliquées dans les signaux de la faim et de l’appétit.3

Faim, appétit et envies

Voici un phénomène courant, surtout pendant les vacances : on se sent bourré après avoir fini le souper, puis quelqu’un apporte le dessert et on a soudainement l’impression d’avoir un second estomac. Il ne s’agit pas d’une véritable faim, laquelle survient lorsque le corps a besoin de nutriments pour fonctionner, mais plutôt de l’appétit.

La faim est physiologique. Elle se produit en raison de changements biologiques dans l’ensemble du corps, qui indiquent que vous devez manger pour maintenir votre niveau d’énergie. En revanche, l’appétit est simplement le désir de manger. Il peut être le résultat de la faim, mais d’autres causes sont souvent à l’origine, telles que des conditions émotionnelles ou environnementales. Par exemple, des sentiments de stress, de bouleversement ou d’ennui ou encore l’exposition à des aliments qui ont l’air délicieux ou dont l’odeur est alléchante peuvent augmenter l’appétit même si vous n’avez pas vraiment faim. Être stressé, déprimé ou distrait peut aussi vous faire perdre l’appétit, même si votre corps a faim. L’appétit peut également être un comportement appris. Par exemple, le désir de manger toujours à la même heure chaque jour est plus souvent une question d’appétit que de faim, ou tout simplement une question de routine.

Un simple test peut vous dire si c’est votre faim ou votre appétit qui entre en jeu — songez à un aliment sain que vous ne détestez pas, mais que vous n’aimez pas particulièrement. Si vous mangeriez cet aliment, vous avez probablement faim, mais si vous ne le mangeriez pas, mais qu’au lieu vous consommeriez volontiers cette brioche à la cannelle de la boulangerie devant laquelle vous venez de passer, c’est probablement l’appétit qui vous motive.

Une envie, c’est le désir de manger un aliment particulier. Elle stimule votre appétit et peut se produire que vous ayez faim ou non. Bien que certaines personnes pensent que les envies sont un signe que votre corps a besoin de certains nutriments de cette nourriture, peu de recherches viennent appuyer cette croyance. Le type d’aliments dont les gens ont le plus souvent envie est rarement riche en nutriments dont le corps pourrait avoir besoin; il est plutôt souvent riche en sucre et en sel.4 Cependant, les carences nutritionnelles peuvent jouer un rôle dans le pica, un trouble qui provoque une envie de consommer des aliments non nutritifs, tels que de la glace et de la terre. Bien que ce ne soit pas toujours le cas, de nombreuses personnes atteintes de pica présentent une carence en minéraux comme le fer ou le zinc.5

Faim contre appétit

faim appétit
dans le corps dans le cerveau
énergie par plaisir
besoin envie
n’importe quel aliment suffit envie d’aliments spécifiques
graduel soudain
aucun déclencheur déclencheur souvent en cause

L’effet des maladies et des troubles gastro-intestinaux sur la faim et l’appétit

Certains troubles digestifs peuvent entraîner une perte d’appétit. Bien que vous deviez manger pour fournir suffisamment de nutriments à votre corps, ces affections peuvent entraîner une diminution de l’envie de le faire pour diverses raisons. Les personnes qui souffrent de nausées fréquentes sont souvent aux prises avec un manque d’appétit. Il est difficile de penser à manger quoi que ce soit lorsque l’estomac est dérangé. Les personnes qui éprouvent régulièrement de fortes douleurs abdominales, de la diarrhée ou de la constipation peuvent associer la consommation de nourriture à ces symptômes et elles veulent donc éviter de manger. La gastroparésie est une affection qui fait que la nourriture reste trop longtemps dans l’estomac, ce qui peut modifier les signaux normaux de la faim et rendre difficile de manger suffisamment.

Les facteurs qui influencent la faim

Ce que vous mangez peut avoir un effet important sur votre faim et votre appétit. Les aliments qui contiennent une grande quantité de protéines, de graisses, de fibres et de glucides complexes ont tendance à être plus rassasiants. Cela est dû au fait qu’ils se digèrent plus lentement et donc demeurent plus longtemps dans l’estomac, ce qui veut dire que leurs nutriments sont libérés plus lentement dans le sang. Les aliments hautement transformés, en particulier ceux qui contiennent beaucoup de sucres simples, peuvent vous donner très faim, car ils entraînent des fluctuations rapides du taux de sucre dans le sang. En général, la glycémie augmente rapidement après la consommation d’aliments transformés, puis chute rapidement peu de temps après, contrairement à la libération lente et soutenue du glucose provenant des glucides complexes.

De plus, les facteurs liés au mode de vie, tels que l’exercice et le stress, peuvent avoir une incidence sur la faim et l’appétit. Si vous faites fréquemment de l’exercice, vous aurez probablement une plus grande faim, puisque votre corps a besoin davantage de calories et de nutriments pour fonctionner. Cependant, l’exercice occasionnel peut supprimer l’appétit chez certaines personnes.6 L’humeur peut avoir une énorme influence sur l’appétit. Par exemple, des sentiments de stress, d’ennui ou de dépression et des émotions fortes peuvent influer sur votre appétit. Chez certaines personnes, bon nombre d’états émotionnels peuvent donner lieu à un appétit accru, tandis que chez d’autres, les émotions fortes réduisent sensiblement l’appétit.

Les médicaments peuvent également influer sur le niveau d’appétit. Dans certains cas, il s’agit d’un effet secondaire, dans d’autres, votre médecin peut vous prescrire un médicament expressément pour réduire ou augmenter votre appétit.

Dysrégulation des signaux de la faim

La faim et l’appétit sont des systèmes complexes. Quoiqu’ils fonctionnent généralement bien, ils peuvent parfois éprouver des difficultés. Les facteurs génétiques, les influences environnementales, les hormones, les affections de santé mentale et bien d’autres aspects peuvent causer des ravages sur les signaux normaux de la faim. Au Canada, le problème le plus courant en matière de régulation de la faim et de l’appétit est la maladie chronique du surpoids et de l’obésité. Les causes de cette affection sont nombreuses et variées, mais l’obésité est souvent liée à des problèmes de la régulation hormonale de la faim et de l’appétit.7

À l’inverse, certaines personnes souffrent d’un appétit fortement réduit. Les gens touchés par certains troubles et maladies, tels qu’infections, troubles hormonaux, cancer, diabète et VIH/SIDA, peuvent connaître une diminution de l’appétit, un effet secondaire potentiellement très dangereux. Les personnes qui ne mangent pas assez risquent de développer des symptômes comme la fatigue, l’irritabilité, des carences nutritionnelles, des déséquilibres électrolytiques, une perte de poids et, dans les cas de famine prolongée, la perte de tissus vitaux, le syndrome de renutrition inappropriée et la mort.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 213 – 2020
Photo : © deagreez | Bigstockphoto.com
1. Davis J et al. Hunger, ghrelin and the gut. Brain Research. 2018;1693(Pt B):154-158.
2. Klok MD et al. The role of leptin and ghrelin in the regulation of food intake and body weight in humans: a review. Obesity Reviews. 2007;8(1):21-34.
3. Austin J et al. Hormonal regulators of appetite. International Journal of Pediatric Endocrinology. 2009:141753.
4. Martin CK et al. Food Cravings: A Central Construct in Food Intake Behavior, Weight Loss, and the Neurobiology of Appetitive Behavior. Handbook of Behavior, Food and Nutrition. 2011.
5. Rabel A et al. Ask about ice, then consider iron. Journal of the American Association of Nurse Practitioners. 2016;28(2):116-20.
6. Douglas JA et al. Acute effects of exercise on appetite, ad libitum energy intake and appetite-regulatory hormones in lean and overweight/obese men and women. International Journal of Obesity. 2017;41(12):1737-1744.
7. Mishra AK et al. Obesity: An overview of possible role(s) of gut hormones, lipid sensing and gut microbiota. Metabolism. 2016;65(1):48-65.
8. MacCormack JK et al. Feeling Hangry? When Hunger Is Conceptualized as Emotion. American Psychological Association. 2019;19(2):301–319.
9. Raichle ME et al. Appraising the brain’s energy budget. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. 2002;99(16):10237-9.