Les patients atteints de gastroparésie sont prêts à prendre des risques énormes pour guérir

La gastroparésie est un trouble de la motilité caractérisé par un ralentissement du passage des aliments de l’estomac aux intestins (vidange gastrique retardée). Elle se produit quand la paire de nerfs qui relie le tronc cérébral au tractus gastro-intestinal (nerf vague) est endommagée ou ne fonctionne pas bien. Il est donc difficile pour le cerveau de transmettre des messages par le système nerveux pour assurer le fonctionnement normal des muscles de l’estomac. Par conséquent, les aliments restent dans l’estomac beaucoup plus longtemps qu’ils ne le devraient, ce qui entraîne des symptômes tels que des nausées, des vomissements, une perte d’appétit, des douleurs abdominales, des brûlures d’estomac, des régurgitations, un ballonnement, une faiblesse musculaire, des sueurs nocturnes et une sensation de plénitude après avoir ingéré une petite quantité de nourriture. De plus, puisque ces symptômes rendent difficile la consommation suffisante de nourriture, ils peuvent conduire à une perte de poids et à des carences nutritionnelles. Des périodes d’hypoglycémie sévères qui se produisent quand la nourriture reste dans l’estomac, suivies par une hyperglycémie sévère lorsque les aliments parviennent enfin à l’intestin grêle, sont une autre complication grave. La cause la plus courante de gastroparésie est le diabète (type 1 ou type 2), ce qui rend ces variations rapides de la glycémie encore plus dangereuses.

Les difficultés de la gastroparésie

La gastroparésie a souvent un impact négatif sur de nombreux aspects de la vie. Les symptômes débilitants constants et l’incapacité de manger des repas normaux peuvent rendre les patients déprimés et anxieux, et nuire à leur capacité de travailler et de participer à des activités sociales. Il s’agit d’une affection difficile à traiter, car il existe très peu de médicaments et d’interventions chirurgicales qui sont efficaces. Certains médicaments accélèrent la vidange de l’estomac, mais ils ne sont pas toujours efficaces. Généralement, les patients doivent se fier au traitement des symptômes, comme la nausée, plutôt qu’à celui de la cause.

Le point de vue du patient

Aux États-Unis, des chercheurs ont formulé un questionnaire axé sur les comportements liés à la prise de risques par rapport aux médicaments et l’ont donné à des patients atteints de gastroparésie.1 Ils ont également posé des questions sur les éléments suivants : données démographiques, types de symptômes et gravité, types de traitements recherchés pour améliorer leur gastroparésie, effets secondaires occasionnés par ces traitements, comorbidités, et craintes et préoccupations concernant la gastroparésie. Ils ont reçu des questionnaires remplis de 103 personnes, dont l’âge moyen était de 47,9 ans et dont 76 % étaient des femmes. Le diabète était la cause sous-jacente de la gastroparésie chez 37 % des répondants. D’autres causes comprenaient une infection virale ou bactérienne antérieure et une cause inconnue (idiopathique).

En ce qui concerne les symptômes, les patients ont indiqué que les nausées (37 %), les douleurs abdominales (27 %) et les vomissements (15 %) étaient les plus perturbateurs. Ils ont également signalé que la fréquence et l’imprévisibilité des symptômes étaient très gênantes. De nombreux répondants s’inquiétaient des effets à long terme de la gastroparésie, 30 % craignant que la gastroparésie ne raccourcisse leur vie et 44 % craignant que leurs symptômes ne disparaissent jamais.

Une guérison à tout prix

L’une des questions posées portait sur un médicament hypothétique qui pourrait soit guérir la gastroparésie du patient s’il le prenait pour le reste de sa vie, soit causer une mort subite et indolore pendant son sommeil. La question précisait que le médecin prescripteur n’aurait aucun moyen de savoir comment chaque patient réagirait au médicament, mais qu’il appuierait la décision de chacun. La question a ensuite porté sur le pourcentage des chances de guérison par rapport au risque de décès, et l’on a demandé aux patients de décider s’ils prendraient le risque. Les répondants ont indiqué qu’ils accepteraient, en prenant ce médicament hypothétique, une probabilité médiane de 13 % de mort subite pour une probabilité de 87 % de disparition de leurs symptômes. Cependant, en examinant le classement de la gravité des symptômes de gastroparésie, les chercheurs ont noté que les personnes jugeant leurs symptômes comme légers ont déclaré qu’elles risqueraient une probabilité médiane de décès de 6 %, celles dont la gastroparésie était modérée risqueraient une probabilité médiane de 8 % et celles dont les symptômes étaient graves étaient prêtes à accepter une probabilité stupéfiante de décès de 18 %. De plus, les personnes qui s’inquiétaient le plus des effets à long terme de la gastroparésie, comme le fait que cette maladie réduirait leur durée de vie ou causerait un cancer, étaient plus enclines à prendre des risques plus importants pour obtenir une guérison.

Les chercheurs ont également posé des questions sur les comportements liés à la prise de risques et à l’impulsivité en général, la situation d’emploi, le revenu annuel, l’accès à l’assurance maladie et l’assurance vie, et la médication actuelle; ils n’ont trouvé aucun lien important entre ces aspects et la volonté d’un individu de prendre des risques par rapport aux médicaments. Il n’existait pas non plus de différences importantes entre les femmes et les hommes.

Conclusion

La gastroparésie est une affection grave qui a de grandes répercussions sur la qualité de vie des personnes atteintes. De nombreux patients sont prêts à prendre des risques considérables si cela signifie qu’ils peuvent être guéris. De plus, la gastroparésie est considérée comme courante, touchant environ 4 % de la population,2 alors qu’une maladie rare touche moins de 0,05 % de la population. Nous avons grandement besoin d’options de traitements plus sûrs et plus efficaces pour cette affection, afin que les patients ne ressentent pas le besoin de prendre des risques importants pour obtenir un soulagement.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 209 – 2019
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1. Navas CM et al. The willingness of patients with gastroparesis to take risks with medications. Alimentary Pharmacology & Therapeutics. 2019;49(4):429-436.
2. Nassar Y et al. Gastroparesis in Non-Diabetics: Associated Conditions and Possible Risk Factors. Gastroenterology Research. 2018;11(5):340-345.