La diarrhée qui tue
La cause pourrait vous étonner
La maladie cœliaque est une affection gastro-intestinale auto-immune qui touche environ 1 % de la population nord-américaine.1 On en ignore la prévalence mondiale à cause du manque de sensibilisation et de dépistage dans les pays en développement, et du nombre insuffisant de recherches. Un groupe international de chercheurs a récemment achevé une étude qui, espèrent-ils, saura stimuler le débat et permettra dans un premier temps de mieux comprendre et de réduire l’impact de la maladie cœliaque à l’échelle mondiale, surtout dans les pays plus pauvres de l’Afrique et de l’Asie, où d’après les chercheurs, se produit le plus de mortalité infantile évitable liée à la maladie cœliaque.2
Le fait de consommer de la gliadine, une protéine du grain trouvée dans le gluten, déclenche chez les personnes atteintes de la maladie cœliaque une réponse immunitaire inhabituelle qui entraîne l’aplatissement et la transformation des millions de projections filiformes microscopiques (villosités) qui tapissent la paroi interne de l’intestin grêle. Puisque les villosités sont responsables de l’absorption de nutriments présents dans les aliments, les personnes atteintes de la maladie cœliaque peuvent souffrir de carences alimentaires. Les symptômes de la maladie cœliaque comprennent l’anémie ferriprive, la diarrhée, la perte de poids, la fatigue, l’essoufflement, les crampes, les ballonnements, l’irritabilité et les problèmes de peau. Quoiqu’il n’existe aucun remède, le traitement de la maladie cœliaque est très simple : ne consommer absolument aucun gluten (puisqu’une seule molécule de gluten peut déclencher la réponse immunitaire). Dans la plupart des cas, un régime totalement exempt de gluten permet à l’intestin de se réparer et de s’en remettre complètement.
Une maladie cœliaque non traitée peut cependant s’avérer très dangereuse, particulièrement pour les enfants. Dans les pays plus pauvres, les enfants souffrent couramment de diarrhée chronique et de malnutrition occasionnées, entre autres, par des maladies infectieuses ou des maladies d’origine alimentaire; il n’est cependant pas une pratique courante de dépister la maladie cœliaque chez ces populations. Le fait que la plus grande partie de l’aide internationale parvient sous forme de suppléments nutritionnels à base de gluten accentue le problème. Ces aliments aggravent les symptômes chez les enfants atteints de la maladie cœliaque et peuvent entraîner la mort.
Les chercheurs de cette étude récente ont utilisé des données existantes visant des enfants de tous pays, âgés de moins de cinq ans, recueillies entre 1970 et 2010. Ils n’ont trouvé aucun rapport qui puisse indiquer que certaines populations seraient exemptes de la maladie cœliaque. Ils ont analysé les estimations de la prévalence au sein de populations, la probabilité de non-diagnostic, et la probabilité de mortalité chez les enfants n’ayant pas reçu de diagnostic. Le modèle ainsi obtenu suggère qu’environ 2,2 millions d’enfants âgés de moins de cinq ans vivaient avec la maladie cœliaque en 2010 et que 42 000 d’entre eux pourraient en mourir chaque année. D’après des données préexistantes de 2008, les chercheurs ont aussi estimé que la maladie cœliaque était responsable de 4,2 % des 1,04 million de décès liés à la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans, et ce, à l’échelle mondiale.
Ces résultats sont particulièrement bouleversants lorsque l’on considère à quel point il serait facile de traiter ces enfants. Ils n’ont pas besoin de chirurgies ou de médicaments coûteux; le simple fait d’éviter le gluten pourrait leur sauver la vie. Les auteurs de l’étude recommandent que des recherches additionnelles soient menées sur la maladie cœliaque partout dans le monde et que de nouvelles stratégies de sensibilisation et de gestion du patient soient utilisées dans les pays en développement. Il y aurait lieu d’adopter de nouvelles lignes directrices pour la distribution de l’aide alimentaire internationale, surtout destinée aux enfants souffrant de malnutrition, et de nouvelles stratégies relatives à la santé publique. Ces dernières ne pourraient inclure, sinon les tests diagnostiques de base utilisés dans les pays occidentaux (puisque cela serait économiquement irréaliste), au moins l’essai d’un régime temporaire exempt de gluten découlant d’un diagnostic provisoire chez les enfants qui présentent une diarrhée persistante, une malnutrition et un développement insuffisant.
Les résultats de cette étude laissent entendre que la maladie cœliaque est un problème de santé mondial qui, bien qu’évitable, contribue à la souffrance et à la mortalité chez les enfants.