La santé intestinale lors de voyages à l’étranger
Les voyageurs peuvent être exposés à de nombreuses maladies infectieuses surtout en visitant des régions en développement où les conditions sanitaires et de santé diffèrent de celles dictées par les normes de l’Amérique du Nord. Cet article se concentre sur deux affections qui touchent l’appareil digestif : la diarrhée des voyageurs et les hépatites infectieuses.
La diarrhée des voyageurs
La diarrhée des voyageurs (DV) touche de 20 à 50 % des personnes qui voyagent à partir de pays industrialisés vers des pays en développement à risque élevé (voir le tableau). Le mode de transmission le plus courant est l’ingestion d’aliments contaminés par des selles qui contiennent des virus, des bactéries pathogènes ou des parasites. Ces organismes infectieux colonisent le petit intestin ou le gros intestin. La plupart produisent des toxines qui augmentent le flux d’eau et d’électrolytes aux intestins (sécrétion). Un déséquilibre de fluides causé par une infection peut provoquer une production fortement accrue et inconfortable de selles (c.-à-d., la diarrhée).
La plupart des cas de DV se manifestent dans les deux semaines suivant l’arrivée à destination et pourraient encore se produire dans les deux semaines suivant le retour à la maison.3 Une infection par Escherichia coli entérotoxinogène (ECET), une bactérie pathogène, constitue la cause la plus courante de la diarrhée du voyageur, mais d’autres organismes peuvent aussi en être responsables; la plupart des personnes ne connaîtront jamais par quel organisme particulier ils ont été infectés. La DV est une maladie résolutive qui dure habituellement moins de sept jours.2 Cependant, 20 % des personnes qui souffrent de la DV seront alitées, de 8 à 15 % ne seront toujours pas guéries après une semaine et au moins 1 % seront hospitalisées.4 De plus, un épisode de DV ne confère pas de protection contre des infections futures et l’on peut donc connaître plus d’un épisode lors d’un seul voyage.3
Une diarrhée du voyageur légère se manifeste par le passage de trois selles molles ou plus sur une période de 24 heures, lesquelles sont accompagnées d’au moins un autre de ces symptômes : des crampes abdominales, la sensation d’un besoin immédiat d’aller à la selle (défécation impérieuse), des spasmes rectaux douloureux associés à un besoin immédiat d’aller à la selle même si peu de selles sont présentes (ténesme) et des nausées ou des vomissements.
Dix pour cent des voyageurs affectés peuvent présenter une fièvre ou des selles sanglantes, symptômes d’une infection plus grave.5 Certains types de microorganismes infectieux envahissent et endommagent la paroi intestinale, entraînant une inflammation et une réduction du passage de fluides des intestins au sang (absorption). Ces pathogènes invasifs entraînent généralement une dysenterie qui se traduit par un groupe de symptômes cliniques plus graves, notamment la fièvre, des frissons, des selles sanglantes, lesquels risquent de ne pas être atténués par certains antibiotiques.
Traitement
Il y a trois approches clés au traitement de la DV :
Hydratation : Il est généralement conseillé aux adultes et aux enfants plus âgés de boire de l’eau (toujours bouillie, embouteillée ou désinfectée, si encore en voyage) jusqu’à ce que leur urine soit claire ou pâle. Les plus jeunes enfants ont souvent besoin d’une solution spéciale de réhydratation orale qui contient des électrolytes. L’Agence de la santé publique du Canada recommande aux voyageurs d’inclure des sels de réhydratation orale dans la trousse de premiers soins qu’ils apportent.
Maîtrise des symptômes : Le lopéramide (Imodium®) peut soulager les symptômes de la DV en réduisant les contractions musculaires qui acheminent les selles à travers les intestins; un tel médicament n’est cependant pas recommandé au cours des premiers stades de l’infection puisqu’il est important d’évacuer du corps les organismes en cause. Le lopéramide ne convient pas aux enfants de moins de deux ans ou aux voyageurs présentant de la fièvre ou des selles sanglantes.6
Antibiotiques : Les antibiotiques tuent les bactéries néfastes ou les parasites qui causent l’infection, réduisent la quantité de selles éliminées et réduisent la durée des symptômes d’environ la moitié. Certaines études suggèrent qu’une combinaison d’antibiotiques et de lopéramide est plus efficace que les antibiotiques pris seuls.7
Complications
Quoique rarement, la DV peut entraîner de sérieuses complications ou déclencher des problèmes intestinaux chroniques. Des études démontrent que le syndrome de l’intestin irritable post-infectieux (SII-PI) touche environ 10 % des personnes atteintes de la DV. Le SII-PI est caractérisé par une gêne ou une douleur abdominale de longue durée liée à un changement des habitudes intestinales. Il est souvent accompagné d’une diarrhée prolongée se produisant au moins trois jours chaque mois, bien qu’il puisse aussi se manifester sous forme de constipation. Les symptômes persistent généralement pendant de nombreuses années, s’améliorant graduellement avec le temps.
Le syndrome de Guillain-Barré, une complication très rare de la DV, est un trouble neurologique qui provoque une faiblesse et parfois un engourdissement des extrémités et qui peut persister pendant des mois, voire des années. L’arthrite réactionnelle est une autre complication rare, mais grave, qui se manifeste par une inflammation légère à grave des articulations, surtout celles des extrémités inférieures, et qui peut durer pendant des mois.
Prévention
Des habitudes alimentaires prudentes et de bonnes pratiques d’hygiène personnelle aideront à prévenir une infection. Lors d’un séjour dans un endroit à risque élevé :
- Buvez uniquement des boissons bouillies, embouteillées ou gazeuses. L’alcool présente aussi un faible risque de contamination. N’ajoutez pas de jus ou de glace aux boissons puisqu’ils peuvent être une source de contamination et que la congélation ne tue pas la plupart des microorganismes. Assurez-vous que les boissons embouteillées ont été scellées en usine.
- Évitez les légumes et les fruits crus sauf s’ils peuvent être pelés (pommes, kiwis, etc.).
- Consommez seulement des viandes ou du poisson fraîchement cuits et cuits à fond. Les aliments servis par les marchands ambulants comportent un risque élevé de contamination. Les repas servis au restaurant sont habituellement plus sûrs, mais l’eau utilisée pour nettoyer les aliments et les ustensiles de cuisine peut être une source de contamination. Les repas maison sont les plus sûrs, quoique rien ne soit à toute épreuve.
- Lavez-vous les mains avec du savon et de l’eau avant de manger. Les agents désinfectants pour les mains à base d’alcool et ne contenant pas d’eau pourraient également être efficaces si les mains ne sont pas visiblement sales.8
Traitements prophylactiques
Même les voyageurs les plus avertis font parfois une erreur ou un choix alimentaire risqué et certaines personnes (telles que celles de groupe sanguin O ou ayant un patrimoine génétique particulier) sont plus susceptibles que la population générale à une infection par certaines bactéries. Les personnes qui prennent un médicament servant à éliminer l’excès d’acidité gastrique, tel que l’inhibiteur de la pompe à proton (IPP) pour le traitement du reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique, et les voyageurs souffrant d’une maladie chronique, y compris une maladie rénale et le diabète, sont plus susceptibles de contracter la DV ou de connaître d’autres conséquences graves.7 Il existe heureusement des traitements prophylactiques :
Vaccination : Dukoral® est un vaccin à prise orale (administré par la bouche) qui aide à prévenir la diarrhée du voyageur causée par ECET chez les adultes et les enfants de deux ans et plus. Il protège aussi contre le choléra, une autre infection bactérienne trouvée dans certaines régions en développement. Dans le cadre d’un essai sur le terrain, le vaccin Dukoral® a démontré un taux de protection de 67 % contre certaines souches d’ECET pendant une période de trois mois. Un deuxième essai se penchant sur des touristes de la Finlande en voyage au Maroc a montré une efficacité de 52 % contre n’importe quelle souche d’ECET. L’efficacité de la protection pour tous les cas de DV variera selon la prévalence d’ECET dans la région visitée ou la saison.11
Sous-salicylate de bismuth : Une étude a conclu que cette substance, l’ingrédient actif du Pepto-Bismol®, réduit le taux de DV de 40 % à 14 %, ce qui représente un taux de protection de 65 %. L’effet protecteur se produit avec des doses fréquentes et régulières (normalement deux comprimés pris jusqu’à quatre fois par jour) pour toute la durée du voyage. Cependant, le sous-salicylate de bismuth comporte toute une gamme d’effets secondaires potentiels et ne convient donc pas à tout le monde, n’étant notamment pas recommandé pour les enfants et pour les femmes enceintes.9
Probiotiques : Les probiotiques sont des microorganismes vivants, habituellement des bactéries ou des levures, ingérés en vue de maintenir un microbiome sain dans le côlon et de prévenir une colonisation par des microorganismes néfastes. Ils sont efficaces dans le traitement de certains troubles diarrhéiques et ils continuent de faire l’objet d’études. D’intérêt particulier, une étude sur la levure probiotique Saccharomyces boulardii (Florastor®) a révélé qu’elle a un effet protecteur contre la diarrhée du voyageur. Les preuves à l’appui de l’efficacité de certaines autres souches de probiotiques contre la DV sont limitées et suggèrent que l’efficacité des probiotiques varie grandement selon la destination du voyageur.10 Si vous choisissez de prendre des probiotiques en raison d’un voyage, trouvez-en qui contiennent une quantité suffisante de microorganismes pour produire un effet bénéfique sur la santé et qui ne requièrent aucune réfrigération.
Des preuves de recherche semblent indiquer que certains antibiotiques ont aussi un effet préventif contre la diarrhée du voyageur, mais les spécialistes de ce domaine ne recommandent pas l’utilisation prophylactique des antibiotiques sauf si une personne est à risque élevé de contracter la DV ou de souffrir de ses complications (p. ex., les personnes dont le système immunitaire est opprimé).
Consultez votre médecin de famille ou une clinique locale santé-voyage bien avant la date prévue de votre voyage à un endroit à risque élevé afin d’obtenir des conseils personnalisés, des médicaments ou des immunisations. De même, n’attendez pas d’être en voyage pour acheter ces produits prophylactiques puisqu’ils pourraient ne pas être disponibles dans le pays que vous visitez – préparez-vous pour éviter d’être déçu.
Les hépatites infectieuses
Hépatite A
Le virus de l’hépatite A (VHA) se transmet lorsqu’une personne ingère des aliments ou des boissons, y compris de l’eau, contaminés par des selles qui renferment le virus. Les symptômes apparents se manifestent plus couramment chez les adultes et les enfants plus âgés, et peuvent être confondus avec ceux de la grippe, notamment la fatigue, la fièvre, la douleur abdominale, la nausée et la perte d’appétit.1 D’autres symptômes sont l’urine foncée et la jaunisse.
La majorité des patients se rétablissent dans les deux mois suivant l’infection, mais de 10 à 15 % des patients connaîtront une rechute dans les six premiers mois suivant l’infection initiale. Le VHA entraîne l’enflure du foie, mais ne provoque pas une maladie chronique et ne cause pas de dommage permanent au foie.
Si vous soupçonnez souffrir d’une infection par le VHA, consultez un médecin afin d’obtenir un bon diagnostic et évitez de transmettre la maladie à d’autres personnes en prenant des précautions d’hygiène personnelle telles que le nettoyage fréquent des mains. Le traitement comprend habituellement le repos et la consommation de beaucoup de liquides (pas d’alcool) et de repas réguliers. Après la contraction du VHA, votre système immunitaire fabrique des anticorps, écartant pour toujours la possibilité d’une autre infection.
L’hépatite A peut heureusement être prévenue puisqu’il existe des vaccins qui empêchent l’infection au VHA. Il est rare de contracter le VHA en Amérique du Nord à moins de l’attraper d’un membre du ménage atteint de la maladie à son retour d’un voyage dans un endroit à risque élevé. La vaccination contre l’hépatite A ne fait pas partie du programme d’immunisation subventionné par l’État au Canada, mais on peut faire l’achat du vaccin à la plupart des cliniques santé-voyage ou chez les médecins de famille. Twinrix® est un vaccin qui procure une immunisation contre l’hépatite A et l’hépatite B (voir la page suivante). Il existe aussi un vaccin uniquement contre l’hépatite A pour les personnes ayant déjà reçu le vaccin contre l’hépatite B.
Hépatite B
L’hépatite B touche plus de 350 millions de personnes à l’échelle mondiale et est très courante en Asie, en Afrique, dans les îles du Pacifique Sud, dans la majorité du Moyen-Orient, en Europe orientale, en Amérique du Sud et en Amérique centrale.
Après exposition au virus de l’hépatite B, l’infection se manifeste comme une hépatite B aiguë. Moins de 5 % des adultes atteints d’hépatite B aiguë développent une hépatite B chronique, mais jusqu’à 90 % des nouveau-nés et des enfants qui contractent le virus de l’hépatite B deviennent chroniquement infectés. Les chercheurs estiment que 0,7 à 0,9 % de la population canadienne est atteinte d’hépatite B chronique. À l’échelle mondiale, de 500 000 à 700 000 personnes meurent de l’hépatite B chaque année en raison des complications d’une cicatrisation grave du foie (cirrhose) ou d’un cancer du foie.
Symptômes et transmission
Certaines personnes infectées connaissent des symptômes non spécifiques tels qu’une légère fatigue ou un malaise de l’abdomen, mais plusieurs autres personnes ne ressentent aucun symptôme et pourraient ne pas savoir qu’elles sont atteintes de la maladie. Souvent, l’hépatite B n’est pas accompagnée de symptômes perceptibles jusqu’à ce qu’elle parvienne à un stade avancé. On peut donc vivre avec l’hépatite B pendant plusieurs années sans le savoir et venir à avoir des dommages au foie et à infecter d’autres personnes.
L’hépatite B est transmise lorsque du sang ou un autre liquide organique (salivaire, séminal ou vaginal) provenant d’une personne infectée par le virus pénètre le corps d’une personne non infectée. Les activités à risque élevé comprennent le contact sexuel avec une personne infectée, le fait d’avoir de multiples partenaires sexuels, l’obtention d’un tatouage ou d’un perçage corporel avec des instruments non stérilisés et le partage d’accessoires contaminés associés à la consommation de drogues. Un contact direct avec le sang peut se produire avec le partage d’articles d’hygiène personnelle (tels que rasoirs et brosses à dents) et au contact avec des plaies ouvertes. L’hépatite B ne se transmet pas par contact simple, c’est-à-dire en toussant, en éternuant, en donnant des caresses ou en partageant de la nourriture.
Bien que l’hépatite B chronique ne puisse pas être guérie, d’excellents traitements sont disponibles et des stratégies claires sont utilisées pour prévenir et diminuer les complications ainsi qu’éviter la propagation de la maladie.
Vaccination
Si vous n’avez pas été vacciné en enfance ou en adolescence dans le cadre d’un programme courant de vaccination, consultez votre médecin ou une clinique de voyage-santé afin d’être vacciné, et ce, bien avant votre date de départ vers un endroit à risque élevé (au moins trois semaines avant de partir). Vous pourriez économiser du temps et de l’argent en obtenant Twinrix®, un vaccin efficace et sans danger qui confère une immunité pour la vie contre les virus de l’hépatite A et l’hépatite B.