Les effets de la fibrose kystique et de la maladie de Fabry sur les intestins

Fibrose kystique

Lorsque l’on songe à la fibrose kystique (FK) et aux parties du corps qu’elle touche, les poumons et le système respiratoire viennent sans doute à l’esprit. Toutefois, cette maladie porte aussi atteinte à d’autres parties du corps.

La FK est une maladie génétique rare qui abrège la vie. Elle est causée par des mutations dans les deux copies (une de chaque parent) du gène de la protéine du régulateur de la conductance transmembranaire de la fibrose kystique (CFTR). Les gens qui ne possèdent qu’une seule copie fonctionnelle du gène sont porteurs, mais sont autrement normaux. Le CFTR contrôle la production de sueur, de fluides digestifs et de mucus. Lorsque celui-ci n’est pas fonctionnel, les sécrétions de mucus qui sont habituellement liquides deviennent plus épaisses. L’affection est diagnostiquée par un test de sudation, un test génétique et, dans certains pays, par le dépistage des nourrissons à la naissance.1,2,3,4

Bien que cette affection soit rare, environ un caucasien sur 25 est porteur du gène CFTR.2 Elle est plus fréquente chez les personnes d’ascendance nord-européenne et touche environ un nouveau-né sur 3 600; plus de 4 200 Canadiens en souffrent.5 Elle est moins fréquente chez les personnes d’ascendance africaine et asiatique. Au moins 2 000 mutations du gène CFTR ont été identifiées et plus de 89 % des Canadiens atteints de FK sont porteurs d’au moins une copie de la mutation la plus courante, deltaF508.5 Le nom fibrose kystique fait référence à la fibrose et aux kystes caractéristiques qui se forment dans le pancréas.6,7 Les patients atteints de fibrose kystique présentent une fonction pulmonaire réduite pouvant entraîner des infections respiratoires fréquentes.

La fibrose kystique exerce un effet négatif sur l’appareil gastro-intestinal (GI), perturbant tout particulièrement le fonctionnement du pancréas. Heureusement, grâce aux options thérapeutiques modernes, les patients atteints de fibrose kystique vivent plus longtemps et en meilleure santé. Cette prolongation de la durée de vie peut probablement être attribuée au fait que l’on s’assure qu’une alimentation adéquate soit adoptée chez les patients pour compenser le manque de nutriments absorbés par leur corps, et à l’utilisation croissante de nouveaux traitements médicaux.

Le pancréas produit la plupart des enzymes digestives nécessaires à la décomposition des aliments en composants absorbables. La production accrue de mucus empêche les enzymes digestives libérées par le pancréas d’aider l’organisme à absorber les nutriments, ce qui peut entraîner des carences en vitamines et une malnutrition.8 Une personne atteinte de FK devra probablement prendre des enzymes digestives à chaque repas et consommer plus de calories que la personne moyenne étant donné qu’une grande quantité d’aliments peut traverser le tube digestif sans être absorbée. Cette absorption inefficace donne lieu à des selles volumineuses contenant une quantité excessive de gras.

En raison de la diminution de la fonction pancréatique, une alimentation adéquate est essentielle à la santé et au bien-être des patients aux prises avec la fibrose kystique. Les patients peuvent travailler avec leur médecin, leur diététiste professionnel et d’autres spécialistes pour mettre au point un régime alimentaire qui favorise leur santé dans le cadre de leur maladie.

En plus du risque de malnutrition, les personnes atteintes de fibrose kystique sont plus susceptibles de développer un reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique,9 affection qui se traduit par le reflux de sucs digestifs et d’acide gastrique en raison d’un dysfonctionnement du sphincter situé entre l’œsophage et l’estomac (sphincter œsophagien inférieur), provoquant inconfort et douleur (brûlements d’estomac). Les personnes souffrant de fibrose kystique peuvent développer un RGO en raison du fonctionnement inadéquat de leur appareil gastro-intestinal.

Des changements à l’alimentation peuvent grandement aider à combattre la malnutrition chez les patients atteints de fibrose kystique, mais le RGO est un peu plus difficile à traiter. En prêtant attention aux aliments qui déclenchent leur RGO et aggravent leurs symptômes, les patients peuvent déterminer avec plus de précision les aliments qu’ils devraient éviter.10 Il est probable que la plupart d’entre eux auront besoin d’un traitement médicamenteux. Pour obtenir des renseignements sur la gestion du RGO, demandez notre brochure sur ce sujet ou consultez notre site Web.

Un petit nombre de patients atteints de FK, environ 1 %, développent une invagination. Celle-ci est une affection médicale caractérisée par le repliement d’une partie de l’intestin sur une section avoisinante. Elle se produit généralement dans l’intestin grêle et, plus rarement, dans le côlon. Les symptômes comprennent des douleurs abdominales intermittentes, des vomissements, des ballonnements abdominaux et des selles sanguinolentes. Elle entraîne souvent une occlusion de l’intestin grêle, nécessitant une intervention chirurgicale chez la majorité des patients.11

Quoiqu’il n’existe actuellement aucun remède contre la fibrose kystique, les services de tests génétiques préventifs peuvent aider les parents potentiels à déterminer le risque de transmettre cette maladie ainsi que d’autres maladies héréditaires à leurs futurs enfants. Un régime alimentaire approprié et les soins de professionnels font en sorte que les patients atteints de fibrose kystique peuvent maintenant vivre mieux et en meilleure santé que jamais auparavant, grâce aux améliorations à leur appareil digestif et à leur qualité de vie globale.

Maladie de Fabry

La maladie de Fabry est une autre maladie rare associée à des manifestations GI. Il s’agit d’un trouble génétique qui entraîne la perte ou la réduction de l’activité de l’enzyme a-galactosidase, nécessaire à la dégradation de certaines substances grasses présentes dans les membranes cellulaires (globotriaosylcéramide ou Gb3).12 La progression de la maladie est provoquée par l’accumulation de Gb3 dans les compartiments de la cellule servant de centre de recyclage (lysosomes) et peut entraîner une déficience de plusieurs organes majeurs.

La maladie de Fabry est un trouble lié au chromosome X puisque le gène codant pour l’a-galactosidase se trouve sur le chromosome X (l’un des deux chromosomes qui détermine le sexe), son apparition clinique se produisant généralement pendant l’enfance ou l’adolescence.12,13,14 Si une mère est atteinte de la maladie de Fabry, alors tous ses fils (XY) développeront cette maladie et ses filles (XX) recevront chacune une copie du gène. Si la mère n’a qu’une seule copie (statut de porteuse), alors ses enfants de sexes féminin et masculin ont 50 % de risque d’hériter de son gène défectueux; tout garçon qui reçoit le gène développera la maladie de Fabry. Si le père possède le gène, il est alors atteint de la maladie de Fabry, et toutes ses filles hériteront du gène défectueux tandis qu’aucun de ses fils n’en héritera. Une femme doit recevoir une copie du gène de chacun de ses parents pour développer la maladie de Fabry. La gravité de la maladie de Fabry dépend également du sexe, les hommes étant, dans la majorité des cas, plus gravement touchés que les femmes.12,13 Environ un Canadien sur 40 000 à 60 000 souffre de la maladie de Fabry.14

Les cellules nerveuses, cardiaques et rénales ainsi que celles tapissant les vaisseaux sanguins (endothélium) sont particulièrement touchées par l’accumulation de Gb3, de sorte que la morbidité et la mortalité sont accrues en raison de l’insuffisance rénale, des maladies cardiaques ou de l’apparition précoce d’un accident vasculaire cérébral.12 L’espérance de vie chez les personnes atteintes de la maladie de Fabry et non traitées est sensiblement diminuée : bon nombre d’hommes succombent à la maladie avant leur cinquième décennie et la durée de vie de la plupart des femmes est diminuée de 15 ans par rapport à celle de la population générale.12 Par conséquent, un diagnostic opportun et précis de même que l’initiation subséquente d’un traitement pour modifier la maladie sont essentiel à l’obtention de résultats optimaux.

Les symptômes de nature gastro-intestinale peuvent être parmi les premiers à se manifester chez les personnes atteintes de la maladie de Fabry. Dans le sondage européen sur l’évolution de la maladie de Fabry (Fabry Outcome Survey) menée auprès de 342 personnes en 2007, 52 % des patients adultes ont déclaré avoir des problèmes gastro-intestinaux.15 Une douleur intense dans les quelques minutes suivant l’ingestion d’aliments et une diarrhée non accompagnée de sang ni de mucus sont les problèmes les plus souvent signalés, presque tous les patients éprouvant ces symptômes à un moment donné au cours de la maladie.13,14,15 Bien que la diarrhée soit courante chez jusqu’à 20 % des patients, il existe un sous-groupe de patients composé surtout de femmes, qui connaissent également une constipation débilitante.16 Parmi les autres symptômes moins courants du tractus GI supérieur, l’on compte les ballonnements, les nausées et les vomissements.

La similitude des symptômes digestifs avec ceux d’autres troubles entraîne de nombreux diagnostics erronés – syndrome de l’intestin irritable, appendicite et maladies auto-immunes, entre autres – ainsi que des traitements inappropriés.13,16 Ainsi, les médecins devraient porter une attention particulière aux personnes qui souffrent de troubles digestifs depuis longtemps sans diagnostic concret, s’assurant d’explorer leurs antécédents familiaux afin qu’un traitement puisse être entamé si la maladie de Fabry est décelée.

Le dérèglement du système nerveux de l’intestin causé par l’accumulation de Gb3 dans ses neurones est probablement à l’origine d’un grand nombre des symptômes intestinaux associés à la maladie de Fabry.13,16 La diminution des contractions ondulatoires qui déplacent le contenu à travers le tube digestif (péristaltisme) et des contractions spastiques de la paroi intestinale musculaire entraînent un grand nombre des symptômes observés.13,16 Le mouvement plus lent du contenu à travers les intestins peut également donner lieu à une prolifération bactérienne et contribuer aux cas de diarrhées signalés. De plus, des altérations des vaisseaux sanguins de l’intestin causées par l’accumulation de Gb3 dans l’endothélium perpétuent les problèmes GI.12,16

Il existe des traitements médicaux pour cibler les nombreux problèmes digestifs associés à la maladie de Fabry. Le traitement à la métoclopramide permet d’améliorer nettement l’état des patients qui éprouvent des nausées et des vomissements en raison d’une mauvaise régulation de la vidange de l’estomac.13,17 Dans certains cas, des neuromodulateurs comme la carbamazépine peuvent aider à réduire la douleur abdominale.16 Des antibiotiques comme la tétracycline visant à maîtriser la prolifération bactérienne peuvent, en combinaison avec des probiotiques, l’élimination de certains aliments, et un changement dans l’horaire et la quantité des repas, combattre une diarrhée persistante.16,17 Lorsque des complications graves se produisent, telles que des occlusions ou des perforations intestinales, une chirurgie peut être nécessaire.

Le traitement entrepris en cas de diagnostic positif de la maladie de Fabry devrait se concentrer sur le problème sous-jacent qui entraîne les complications, c’est-à-dire l’accumulation de Gb3 dans divers types de cellules. Il est nécessaire d’amorcer un traitement enzymatique substitutif (TES) le plus tôt possible afin de prévenir la progression des lésions dans plusieurs organes et leur dommage à long terme. L’Initiative canadienne de recherche sur la maladie de Fabry (ICRMF) a été créée en 2007 en tant que registre national pour surveiller l’évolution naturelle de la maladie ainsi que les résultats des TES.14 Plusieurs rapports suggèrent maintenant que le TES à long terme peut mener à une stabilisation des patients, à une régression possible de la maladie, ainsi qu’à une amélioration de la santé et à une disparition des symptômes gastro‑intestinaux.18,19,20,21


Ganive Bhinder, Ph. D.
Membre du conseil, Société canadienne de recherche intestinale
Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 209 – 2019
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