La médecine traditionnelle chinoise pour le traitement de la COVID-19 de longue durée

Cet article porte sur mon expérience personnelle, à titre de docteure en médecine traditionnelle chinoise, de la prise en charge de patients atteints de COVID-19 de longue durée (COVID longue; syndrome post-COVID-19).

Comme si développer la COVID-19 n’était pas suffisamment grave, certaines personnes continuent de souffrir de symptômes pendant plus d’un mois suivant leur infection, c’est-à-dire de cette redoutable COVID-19 de longue durée. Les symptômes de la COVID longue sont nombreux et variés : fatigue, troubles de la concentration et de la mémoire, maux de tête, essoufflement, toux, accélération de la fréquence cardiaque, douleurs articulaires, modifications du cycle menstruel, altération de l’odorat ou du goût, anxiété, dépression et symptômes digestifs tels que diarrhée, nausées et douleurs d’estomac.

Nous avons acquis tout un nouveau vocabulaire en lien avec cette pandémie, et nous pourrions donc facilement penser que la maladie chronique post-virale est également une chose nouvelle. Or, de nombreux virus provoquent des effets durables, notamment le virus d’Epstein-Barr (VEB) qui cause la mononucléose, le virus varicelle-zona qui cause la varicelle et le zona, et le virus de l’herpès simplex qui cause l’herpès oral et génital. Puisque les virus sont présents depuis des milliards d’années, bien d’autres ont également trouvé le moyen de se dissimuler dans notre corps, ne nous laissant pas gravement malades, mais pas exactement bien.

Syndrome GU

Les docteurs en médecine traditionnelle chinoise (MTC) diagnostiquent et traitent depuis longtemps les maladies prolongées découlant d’infections par des virus, des bactéries, des champignons ou des parasites. En fait, l’ancien diagnostic pour ce type de maladie était appelé syndrome gu. Le mot gu se traduit essentiellement par « possession », et il est représenté, en caractère chinois, par une image de trois vers à l’intérieur d’un récipient, symbolisant la façon dont les agents pathogènes persistants peuvent causer des symptômes durables.

L’affirmation d’un patient qui dit ne pas se sentir entièrement bien depuis qu’il a eu un rhume ou une grippe, par exemple, est l’une des informations les plus utiles pour aider à diagnostiquer le syndrome gu (pathogène persistant). Quoique ce genre de problèmes de santé n’ait jamais fait l’objet d’un diagnostic médical officiel, cela est grandement attribuable au fait que nous n’avons pas connu beaucoup de pandémies mondiales dans l’histoire moderne. Cependant, aujourd’hui, une grande majorité de la population mondiale a été personnellement touchée par la COVID, de sorte que le traitement du syndrome gu est plus important que jamais.

Il existe deux principaux types de syndrome gu : le gu cérébral et le gu intestinal. Le gu cérébral porte atteinte au système nerveux et provoque des symptômes tels que maux de tête, douleurs, anxiété et dépression. Le gu intestinal touche l’appareil digestif et provoque des symptômes tels que ballonnements, gaz, diarrhée, constipation, perte d’appétit, douleurs abdominales et brûlures d’estomac. Le gu intestinal et le gu cérébral se manifestent souvent ensemble, et l’un ou l’autre peut provoquer de la fatigue et une sensation de tête brumeuse.

Traitement de la COVID de longue durée

Un praticien de la MTC qui traite une personne souffrant d’une COVID longue doit commencer par établir un diagnostic : il pose des questions à son patient, l’écoute, l’observe et le palpe. Ces méthodes de faible technicité ainsi que le langage diagnostique propre à la MTC ont permis aux praticiens de traiter la COVID longue bien avant qu’elle ne porte un nom.

La COVID longue présente des caractéristiques communes, mais, étant donné que l’expérience d’un patient peut être très différente de celle d’un autre, les traitements de MTC sont personnalisés. Il est donc très difficile de créer des protocoles de traitement qui sont efficaces pour tous. Cependant, l’acupuncture peut être très utile pour soulager la douleur et calmer le système nerveux, tandis que les herbes sont généralement nécessaires pour renforcer l’organisme et s’attaquer au virus persistant. Les herbes chinoises sont rarement offertes seules, mais plutôt formulées en combinaison, ce qui permet de mieux traiter la personne dans son ensemble. La formule s’attaque à un large éventail de problèmes, plutôt que de traiter un seul symptôme ou une seule préoccupation.

Dans le cas de la COVID longue ou de tout autre pathogène persistant, il est important de modifier périodiquement le traitement puisque, comme tout organisme vivant, les coronavirus s’adaptent. Le praticien de la MTC ne change pas toute la formule, mais il peut remplacer quelques herbes par d’autres. Ainsi, nous pouvons utiliser les mécanismes de défense et les composés des plantes pour mener nos combats.

Une étude de cas

Jennifer* est une femme de 41 ans qui a contracté la COVID-19 en avril 2022. Elle est restée alitée pendant trois jours et, bien qu’elle ait récupéré de la plupart de ses symptômes en une semaine, six semaines plus tard, elle souffrait toujours de fatigue, de difficultés de concentration, d’essoufflement, d’une voix faible, de douleurs thoraciques, d’absence d’appétit, de nausées et de perte de poids. Elle était déjà mince au départ, donc sa perte d’environ dix livres l’a laissée en sous-poids et faible.

Son médecin lui avait prescrit des antibiotiques, en guise de précaution, ainsi qu’un inhalateur et des radiographies de la poitrine. Les résultats de ses analyses sanguines n’ont rien révélé de particulier, l’inhalateur n’a rien donné et les radiographies du thorax étaient claires. C’est alors qu’elle a décidé de voir si la médecine traditionnelle chinoise pouvait l’aider, étant donné qu’elle m’avait déjà consultée dans le passé pour d’autres problèmes de santé.

En plus de lui poser beaucoup de questions, j’ai également examiné sa langue et pris son pouls. Les praticiens de la MTC vérifient la couleur, l’enduit, la forme, la taille et les marques de la langue pour avoir une idée de l’état de l’organisme, en particulier de l’appareil digestif. Une langue saine doit être rose, munie d’un fin enduit blanc et avoir une taille qui convient à la bouche. Celle de Jennifer était pâle, gonflée, avait des marques festonnées sur les côtés (parce qu’elle était trop grande et poussait contre l’intérieur des dents en laissant des empreintes) et avait un enduit blanc plus épais.

J’ai déterminé qu’elle avait à la fois le syndrome gu cérébral et le syndrome gu intestinal. Nous avons fait de l’acupuncture et je lui ai donné une formule à base d’herbes. Une semaine plus tard, elle est revenue et la plupart de ses symptômes s’étaient atténués. Elle commençait à reprendre du poids et avait même participé à un tournoi de football (contre ma recommandation). Nous avons fait une autre séance d’acupuncture, et je lui ai donné d’autres herbes. Deux semaines plus tard, elle est revenue pour un traitement. Elle n’avait plus d’herbes et se sentait à nouveau fatiguée, ayant repris toutes ses activités trop tôt. Nous avons repris le traitement et je lui ai rappelé que le rétablissement prend du temps, même si la résolution de la plupart de ses symptômes de COVID longue avait été relativement rapide et qu’elle avait pu recommencer son régime d’exercice et ses activités quotidiennes. Après avoir fait deux autres séances d’acupuncture et pris des herbes pendant un autre mois, elle était complètement rétablie.

Bien que d’autres de mes patients souffrant de COVID longue ont mis plus de temps à se rétablir, notre corps est conçu pour guérir. Les virus existent depuis des milliards d’années et ils ont, à bien des égards, le dessus sur nous. Cependant, la médecine traditionnelle chinoise est utilisée depuis des milliers d’années pour nous soutenir et nous aider à nous remettre de nouvelles maladies, comme la COVID-19 de longue durée.

* Le nom et certains détails particuliers du patient ont été modifiés pour protéger son identité.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 223 – 2022
Melissa Carr, Dr.TCM, B. Sc.
La Dre Carr est docteure agréée en médecine traditionnelle chinoise à Vancouver et est titulaire d’un B. Sc. en kinésiologie. Elle combine les approches orientales et occidentales, traditionnelles et modernes, pour aider ses patients à recouvrer la santé. www.activetcm.com
Note de la rédaction : À ce jour, il existe très peu de consensus sur la définition, le diagnostic ou l’évaluation du syndrome post-COVID-19. Nous vous recommandons de rechercher une prise en charge appropriée de vos symptômes auprès d’un professionnel de la santé qualifié. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a, depuis 2019, approuvé les termes de la MTC dans sa Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-11).
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