Régime appauvri en FODMAP

Nouvelle méthode pour le soulagement des symptômes du SII?

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est l’affection gastro-intestinale la plus courante dans le monde entier, touchant environ 13 à 20 % des Canadiens. Les symptômes de ce trouble fonctionnel souvent débilitant comprennent la douleur abdominale, le ballonnement et la constipation ou la diarrhée. Les symptômes présentés par les patients souffrant du SII peuvent varier considérablement et il n’existe pas d’approche de gestion universelle. Par conséquent, de nombreuses personnes tentent de se traiter elles-mêmes, se tournant vers des sources Internet dont plusieurs n’ont pas été vérifiées par des chercheurs scientifiques, dans l’espoir de trouver un traitement qui pourrait fonctionner. Une nouvelle thérapie proposée contre le SII, le régime appauvri en FODMAP, est de plus en plus présente sur le Web même s’il existe très peu de recherche à l’appui de son efficacité. Les résultats obtenus chez les personnes qui ont essayé cette approche sont variables. Dans cet article, nous présenterons des faits fondés sur la recherche et décrirons les limitations actuelles du régime appauvri en FODMAP en guise de traitement contre le SII. Toute personne souhaitant essayer ce programme devrait seulement le faire à la suite d’une consultation avec un diététiste professionnel possédant une formation spécifique relative au SII.

Les mystères du SII


Le SII peut apparaître au cours de l’enfance, à l’adolescence ou à l’âge adulte et il peut disparaître de façon inattendue pour certaines périodes de la vie d’une personne, puis réapparaître plus tard dans certains cas. Malgré sa prévalence élevée, sa cause est incertaine. Afin de déterminer l’origine du SII, les chercheurs étudient, entre autres, l’impact du stress physique ou émotionnel sur les intestins, les problèmes alimentaires tels que les allergies ou hypersensibilités alimentaires, l’infection aiguë comme la diarrhée du voyageur, l’inflammation intestinale et l’hypersensibilité neurologique dans le tractus gastro-intestinal. La recherche a démontré, par exemple, que les personnes atteintes du SII sont susceptibles de ressentir de la douleur dans leurs organes internes en réponse à des stimuli légers ou normaux, tels que le ballonnement (hypersensibilité viscérale).1

Parmi les traitements contre le SII, on compte souvent les modifications au régime et au mode de vie, les suppléments de fibres, les probiotiques et les médicaments (antispasmodiques, laxatifs et antidépresseurs). Les patients doivent adopter une thérapie alimentaire personnalisée puisqu’il n’existe pas un seul aliment ou un seul groupe alimentaire qui puisse déclencher les symptômes du SII chez tous les patients, ni un seul traitement qui fonctionne pour tous.

Mettre l’accent sur les aliments qui fermentent


L’Australienne Sue Shepherd, docteure en diététique et nutrition, a mis au point avec ses collègues une nouvelle approche de prise en charge diététique pour le SII. Le groupe affirme que cette approche réduit chez bon nombre de leurs patients les symptômes liés au SII. On l’a nommée régime appauvri en FODMAP (Fermentable Oligo-, Di-, and Mono-saccharides, and Polyols, ou oligo, di et monosaccharides et polyols fermentescibles). Ce régime cible les éléments suivants :

Oligosaccharides (p.ex., fructanes et galactanes);

Disaccharides (p.ex., lactose);

Monosaccharides (p.ex., glucose, fructose); et

Polyols (p.ex., sorbitol, mannitol, maltitol, xylitol et isomalt).

On suppose que les aliments qui fermentent dans les intestins provoquent des effets secondaires pénibles qui imitent ou amplifient les symptômes du SII. Certains aliments fermentent plus facilement que d’autres. Les noms techniques ci-dessus représentent différents types de glucides à chaîne courte et d’alcools de sucre à fermentation rapide que l’on retrouve dans bon nombre d’aliments que nous consommons (voir le tableau). Pendant le processus digestif, notre organisme décompose physiquement et chimiquement les aliments en des formes plus simples afin que l’absorption des nutriments se fasse plus facilement; cependant, en dépit de nos meilleurs efforts digestifs, bon nombre de ces glucides sont mal absorbés dans l’intestin grêle.1 Ces résidus alimentaires n’entraînent aucun symptôme défavorable chez la plupart des personnes.

Shepherd et ses collègues soutiennent que chez certains patients souffrant du SII, les aliments qui contiennent des FODMAP peuvent provoquer des ballonnements et de la diarrhée, et que ces symptômes semblent diminuer quand on limite la consommation totale de tous les FODMAP ou de certains FODMAP précis. Même si tous les types de FODMAP semblent aggraver les ballonnements et la diarrhée, suggèrent les chercheurs, leurs mécanismes d’action dans l’organisme varient d’un FODMAP à l’autre. Voici les différences qu’ils ont observées :

  • Certains FODMAP empêchent les selles de devenir fermes en attirant un excès d’eau dans le tube digestif (petites molécules osmotiquement actives).
  • D’autres FODMAP fournissent l’aliment parfait (substrat) nécessaire à la prolifération des bactéries coliques.2 Très peu de gaz sont formés dans l’intestin grêle en raison de sa faible concentration bactérienne. Lorsque les glucides non digérés atteignent le côlon, les bactéries qui y sont normalement présentes les font rapidement fermenter. Cette fermentation occasionne souvent la production de gaz, semblable à la production de bulles lors de la fermentation de raisins dans la fabrication du champagne. L’accumulation de gaz dans le côlon peut occasionner de l’inconfort, des ballonnements et de la douleur. Ces symptômes sont beaucoup plus prononcés chez les personnes atteintes du SII puisqu’il est probable qu’elles soient déjà hypersensibles à des stimuli normaux.

Fait important : les FODMAP sont bons


En général, les FODMAP font partie d’un régime alimentaire nutritif et les personnes en santé devraient continuer de profiter de leurs bienfaits. Le lait et les produits laitiers sont une source importante de calcium, lequel contribue à la formation de bons os et aide à lutter contre l’ostéoporose. Les fruits et les légumes sont une source de fibres et contiennent beaucoup de vitamines et de minéraux. Les légumineuses sont riches en protéines et sont surtout importantes au régime alimentaire végétarien. Les oligosaccharides tels que les oignons et l’ail encouragent de façon sélective la croissance de bactéries bénéfiques dans le côlon, ce qui décourage la croissance de bactéries néfastes telles que C. difficile et E. coli. Pour ces raisons et bien d’autres, vous ne devriez pas tenter de réduire les FODMAP dans votre diète sauf si votre équipe de soins de santé et vous-même croyez qu’il s’agit d’une étape nécessaire dans votre plan de traitement et que vous avez fait les ajustements alimentaires complexes appropriés pour que votre régime comporte des aliments nutritifs aussi nourrissants que les FODMAP.

Une approche ciblée


Les FODMAP ne causent pas le SII, mais leur consommation limitée pourrait fournir à certains patients l’occasion de gérer leurs symptômes. Le régime appauvri en FODMAP commence avec l’élimination de tous les FODMAP pendant 6 à 12 semaines, période à la suite de laquelle ils sont graduellement réintroduits jusqu’à ce que le patient atteigne un apport qui est tolérable. Idéalement, les symptômes du SII s’atténueront pendant la période de restriction et resteront stables lorsque le patient réintroduira doucement des quantités limitées de FODMAP à son régime. Si une diminution des symptômes ne se produit pas pendant le processus d’élimination, il est inutile de continuer à suivre ce régime. Shepherd elle-même l’a souligné : « Un changement d’alimentation peut soulager le SII chez certaines personnes, mais ne faire aucune différence chez d’autres. »3

Afin de vous assurer de satisfaire à vos besoins nutritionnels quotidiens, il est important de toujours obtenir les conseils d’un professionnel avant d’éliminer ou de limiter des aliments de tous les jours de votre régime alimentaire. Les FODMAP sont naturellement présents dans de nombreux aliments et couramment ajoutés aux aliments emballés et aux médicaments, en vertu de quoi il est très difficile pour le consommateur moyen de les détecter et de les éviter complètement sans l’aide d’un professionnel.

Recherches

L’Australie est à l’origine de la plupart des études portant sur les effets de la diminution de la consommation de FODMAP sur les symptômes du SII, et Shepherd a cosigné bon nombre de celles-ci. Quoique les recherches en soient toujours à un stade expérimental et sont parfois contradictoires, les résultats sont prometteurs. Une petite étude britannique a comparé l’efficacité clinique du régime appauvri en FODMAP à celle des lignes directrices du NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence du Royaume-Uni) relatives à la thérapie alimentaire pour le SII. Les lignes directrices du NICE portent sur les conseils alimentaires généraux (p. ex., la prise régulière de repas, les changements de consommation de fibres, la réduction de caféine) et les conseils alimentaires en fonction des symptômes pour la flatulence, les ballonnements, la diarrhée et la constipation.4 L’étude de neuf mois ne comportait que 82 adultes atteints du SII, 39 appartenant au groupe NICE et 43 au groupe FODMAP. Tous les participants ont consulté un diététiste et reçu de la documentation spécifique à leur groupe à apporter à la maison. Lors du suivi, les patients ont rempli un questionnaire dans lequel ils ont attribué des cotes aux changements de symptômes. Lorsque les chercheurs ont combiné tous les symptômes pour obtenir un score composite, ils ont constaté qu’un plus grand nombre de patients du groupe de régime appauvri en FODMAP (86 %) avaient connu une amélioration de leur score comparativement au groupe standard NICE (49 %). Fait intéressant, aucune différence appréciable n’a été observée entre les groupes par rapport à la proportion de patients ayant signalé une amélioration de la constipation. Au total, 32 patients sur les 42 du groupe de régime appauvri en FODMAP ont affirmé être satisfaits des changements de symptômes, comparativement à 20 patients sur les 37 du groupe standard NICE. En demandant à un sous-groupe de patients combien de temps les symptômes ont pris à se résorber, les chercheurs ont obtenu un temps moyen de 3,5 semaines.

Au Canada


Les résultats d’études menées sur un régime appauvri en FODMAP suggèrent que ce régime est prometteur en ce qui concerne une approche de gestion pour les symptômes du SII, surtout chez les patients qui souffrent du SII à diarrhée prédominante. D’autres recherches sont cependant requises, surtout pour déterminer l’effet de ces modifications alimentaires sur la population nord-américaine. Depuis 2001, Shepherd et d’autres chercheurs australiens travaillent à l’élaboration de ce régime, ce qui comprend la mise au point de listes d’aliments sûrs qui indiquent clairement quels aliments sont permis chez les patients qui veulent suivre ce régime. Bien que bon nombre des aliments figurant sur ces listes soient disponibles au Canada, d’autres aliments sûrs qui font partie de notre diète courante n’existent pas en Australie, diminuant ainsi la valeur de ces listes pour les utilisateurs canadiens. Alors que des experts au Canada et dans d’autres pays testent et étudient l’innocuité et l’efficacité du régime appauvri en FODMAP, il est préférable de suivre les conseils de votre équipe de soins de santé pour gérer les symptômes de votre SII.

Toute personne souhaitant essayer ce programme devrait seulement le faire à la suite d’une consultation avec un diététiste professionnel possédant une formation spécifique relative au SII.

 

FODMAP Sources alimentaires les plus riches1
Oligosaccharides Fructo-oligosaccharides (FOS) (fructanes) blé, seigle, oignons, ail, artichauts
Oligosaccharides Galacto-oligosaccharides (GOS) légumineuses
Disaccharides lactose lait
Monosaccharides glucose, fructose miel, pommes, poires, melon d’eau, mangues
Polyols sorbitol pommes, poires, fruits à noyau, menthes et gomme sans sucre
Polyols mannitol champignons, chou-fleur, menthes et gomme sans sucre
Fermentescibles

Points importants

  1. Les FODMAP sont des glucides à chaîne courte et des alcools de sucre fermentescibles qui sont mal absorbés par le corps.
  2. Le régime consiste à éliminer les FODMAP pendant 6 à 12 semaines, période à la suite de laquelle ils sont graduellement réintroduits jusqu’à une limite tolérable.
  3. Ce régime est difficile à suivre sans les conseils et le soutien d’un diététiste professionnel.
  4. Les FODMAP ne causent pas le SII, mais un régime appauvri en FODMAP pourrait aider à atténuer les symptômes chez certains patients.
  5. Le régime appauvri en FODMAP est prometteur pour le soulagement de symptômes chez les patients de l’Australie et du Royaume-Uni qui sont atteints du SII; cependant, à cause des différences de régime et de sources alimentaires entre ces régions et la nôtre, des recherches nord-américaines sont requises pour déterminer si ce régime s’avérera efficace chez les patients souffrant du SII chez nous.

Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 184 – 2012
1. Barrett J et al. Fermentable oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides and polyols (FODMAPs) and nonallergic food intolerance: FODMAPs or food chemicals? Therapeutic Advances in Gastroenterology. 2012;5(4):261-268.
2. Gibson PR et al. Evidence-based dietary management of functional gastrointestinal symptoms: The FODMAP approach. Journal of Gastroenterology and Hepatology. 2010;25:252-258.
3. Shepherd Works. Irritable Bowel Syndrome (IBS). Available at http://shepherdworks.com.au/disease-information/irritable-bowel-syndrome-ibs. Accessed 2012-08-23.
4. Staudacher HM et al. Comparison of symptom response following advice for a diet low in fermentable carbohydrates (FODMAPs) versus standard dietary advice in patients with irritable bowel syndrome. Journal of Human Nutrition and Dietetics. 2011;24:487-495.