Le cannabis pourrait-il offrir une nouvelle option thérapeutique contre la stéatose hépatique non alcoolique?

La stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) est une maladie caractérisée par l’accumulation de graisse dans les cellules du foie (hépatocytes). Elle touche plus de 20 à 30 % des adultes en Amérique du Nord et est de plus en plus courante. De nombreuses personnes atteintes de cette affection ne présentent aucun symptôme; les professionnels de la santé peuvent poser le diagnostic dans le cadre d’une enquête visant des résultats anormaux d’analyses de laboratoire ou d’une imagerie de l’abdomen pour des raisons non liées. La NAFLD est probablement occasionnée par des facteurs métaboliques, tels que l’obésité, le diabète ou le prédiabète, des taux de cholestérol élevés, l’hypertension artérielle, un mode de vie sédentaire et l’utilisation de certains médicaments.

Bien que la NAFLD soit généralement asymptomatique dans ses premiers stades et qu’elle puisse sembler relativement inoffensive, elle peut entraîner de graves dommages au foie avec le temps. La présence de graisse dans le foie peut déclencher une inflammation qui, à son tour, peut entraîner une cicatrisation du tissu hépatique, appelée cirrhose, à un stade avancé. Lorsque la cirrhose est établie, un certain nombre d’autres complications peuvent faire leur apparition, étant donné que le foie est incapable d’effectuer ses processus normaux. Entre autres, l’on peut noter une aggravation de la fatigue, une accumulation de fluides dans l’abdomen (ascite), le saignement de veines de l’œsophage ou de l’estomac (varices) et la confusion (encéphalopathie).

Généralement, le traitement contre la NAFLD vise les changements à l’alimentation et au mode de vie, tels que l’amélioration du régime alimentaire et l’accroissement de l’exercice physique. Ceci permet de perdre du poids et d’inverser les facteurs métaboliques, tels qu’un taux de cholestérol élevé et le diabète. Il n’existe pas de médicaments approuvés pour le traitement de la NAFLD, et les modifications au mode de vie peuvent être très difficiles à maintenir. Puisqu’un plus grand nombre de traitements s’impose et que les taux de NAFLD augmenteront probablement au cours des prochaines années, à mesure que l’obésité et que le diabète deviendront de plus en plus courants, les chercheurs étudient des options pharmacologiques.1

Le cannabis est un domaine d’intérêt particulier. Selon les scientifiques, notre corps produit naturellement une famille de neurotransmetteurs appelés endocannabinoïdes, lesquels interagissent avec des récepteurs spécialisés situés dans le cerveau, les muscles, la graisse et le tube digestif, appelés récepteurs cannabinoïdes. Cette panoplie d’interactions entre les éléments déclencheurs du corps et ses récepteurs forme le système endocannabinoïde. Le cannabis contient des molécules similaires à celles du corps, appelées cannabinoïdes; ces molécules, notamment le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD), interagissent également avec ces récepteurs.

Les chercheurs ont trouvé une corrélation inverse entre la NAFLD et la consommation de cannabis. Cela signifie que les personnes qui consomment (ou qui ont déjà consommé) une quantité importante de cannabis sont moins susceptibles de développer la NAFLD que celles qui s’en abstiennent, et celles dont le taux de consommation est le plus élevé sont les moins susceptibles de développer la NAFLD.1,2,3 Des études ont également montré qu’il y a une corrélation entre la consommation de cannabis et des taux plus faibles d’obésité et de diabète, deux facteurs de risque connus de la NAFLD. Les chercheurs postulent que cela pourrait être la cause du risque réduit de NAFLD chez les consommateurs de cannabis.3 Toutefois, l’avantage apparent était toujours présent lorsque les chercheurs ont ajusté les données en fonction de l’indice de masse corporelle, du diabète et de l’hypertension, lesquels sont des facteurs de risque connus de la NAFLD, ainsi que d’autres variables comme le niveau d’éducation, la situation économique et la consommation d’alcool, de cocaïne, d’héroïne ou d’amphétamine, lesquels pourraient influencer le taux de NAFLD.1 Cette corrélation n’a pas encore été prouvée en tant que relation de cause à effet, ce qui signifie qu’il n’a pas été démontré que l’usage de cannabis préviendra ou réduira le risque d’obésité et de diabète, mais seulement qu’une association a été établie.

Les chercheurs suggèrent que les cannabinoïdes pourraient produire un effet thérapeutique dans le cas de la NAFLD, possiblement à cause de la façon dont ils influent sur le système endocannabinoïde. À l’heure actuelle, les chercheurs ne savent toujours pas exactement comment le cannabis pourrait réduire le taux de NAFLD et ils recommandent des recherches plus poussées sur ses modes d’action. Ils proposent néanmoins que l’ajout de cannabinoïdes au plan de traitement contre la NAFLD pourrait offrir une autre méthode par laquelle renverser l’accumulation de graisse dans le foie et empêcher de futures complications.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 210 – 2019
1. Dibba P et al. Potential Mechanisms Influencing the Inverse Relationship Between Cannabis and Nonalcoholic Fatty Liver Disease: A Commentary.  Nutrition and Metabolic Insights. 2019. https://doi.org/10.1177/1178638819847480
2. Kim D et al. Inverse association of marijuana use with nonalcoholic fatty liver disease among adults in the United States. PLoS One. 2017;12(10):e0186702.
3. Adejumo AC et al. Cannabis use is associated with reduced prevalence of non-alcoholic fatty liver disease: A cross-sectional study. PLoS One. 2017;12(4):e0176416.