La fibromyalgie et le microbiome

 En 2019, des chercheurs de Montréal ont été les premiers à démontrer un lien entre une perturbation du microbiome intestinal et la fibromyalgie.1

Renseignements de base

La fibromyalgie est un trouble chronique qui occasionne de la douleur partout dans le corps, de la fatigue, des troubles du sommeil et une cognition altérée. Elle nuit gravement à la vie d’environ 2 à 4 % de la population adulte canadienne. Il n’existe pas de test précis pour la fibromyalgie; son diagnostic est établi lorsqu’une douleur généralisée est présente pendant plus de trois mois en l’absence d’une affection médicale sous-jacente qui pourrait expliquer cette douleur. Le traitement met l’accent sur la gestion de la douleur, la physiothérapie, l’ergothérapie, la gestion du mode de vie et le counseling.

Au cours des dernières années, la recherche s’est penchée sur le rôle crucial que joue le microbiote intestinal dans plusieurs affections, notamment les troubles digestifs, cardiovasculaires, métaboliques et psychiatriques. Grâce à la recherche, on apprend à mieux comprendre l’axe cerveau-intestin — le lien entre le système nerveux central et le microbiote intestinal — et comment il influence la perception et le traitement de la douleur.

Les résultats de nombreuses études chez les animaux et les humains démontrent que le microbiote intestinal joue un rôle central dans le développement de la douleur provenant des organes internes (douleur viscérale). Malheureusement, il existe très peu de preuves semblables pour les troubles caractérisés par une douleur provenant des terminaisons nerveuses de la peau, des muscles et des tissus mous (douleur non viscérale), comme la fibromyalgie. Cependant, certaines études révèlent que les personnes atteintes de fibromyalgie souffrent souvent du syndrome de l’intestin irritable, comorbidité qui, selon les chercheurs, pourrait être révélatrice d’une dysrégulation courante de l’axe cerveau-intestin.2

Détails de l’étude

Dans le cadre de leur analyse, les chercheurs ont classé les participants en deux groupes principaux — ceux souffrant de fibromyalgie et ceux n’en souffrant pas :

  1. 77 patientes ayant reçu un diagnostic de fibromyalgie, âgées de 30 à 60 ans, et
  2. 79 participants témoins, comptant les sous-groupes suivants : a) parentes au premier degré d’une patiente participant à l’étude, en guise de témoins génétiques, b) femmes et hommes âgés de 30 à 70 ans, étant un membre du ménage d’une patiente participant à l’étude, en guise de contrôle de milieu, et c) femmes en santé de 30 à 60 ans, non apparentées aux patientes de l’étude.

Les critères d’exclusion comprenaient une maladie chronique grave, une antibiothérapie au cours des deux mois précédents, toute maladie aiguë au cours du mois précédent, un changement dans les médicaments pris régulièrement au cours du mois précédent et des modifications importantes au régime alimentaire au cours du mois précédent.

Un médecin spécialisé dans la gestion de la douleur a interrogé toutes les patientes et tous les participants témoins, recueillant une vaste gamme de données, à la fois en personne et par l’entremise de questionnaires, telles que données démographiques, mensurations, médicaments, apport alimentaire, activité physique, consommation d’alcool, tabagisme, gravité des symptômes, capacité physique fonctionnelle, qualité du sommeil, anxiété et dépression, et sites de la douleur. Les chercheurs ont pris note des comorbidités et de tous les médicaments que prenaient les sujets. Ceux-ci devaient également fournir un échantillon de selles à des fins d’analyse en laboratoire. De plus, un diététiste professionnel a interrogé les participants et leur a expliqué comment surveiller avec précision leur apport alimentaire.

Conclusions

Les chercheurs ont constaté qu’il n’existait pas de différences significatives entre les participants quant à la diversité des microbes dans leurs échantillons de selles. Cependant, l’analyse des échantillons visant l’ADN du microbiote a révélé que la plus forte variance relativement au microbiome se trouvait chez les participants ayant reçu un diagnostic de fibromyalgie. Ils ont découvert que le microbiote intestinal des patients atteints de fibromyalgie présentait un profil distinctif caractérisé par 19 espèces différentes, chacune ayant une quantité soit supérieure, soit inférieure à celle des personnes en santé (groupe témoin). Les bactéries telles que Flavonifractor plautii et Parabacteroides merdae étaient plus nombreuses, tandis que les bactéries telles que Faecalibacterium prausnitzii, bonnes bactéries comptant parmi les plus abondantes et les plus importantes du microbiote intestinal humain, étaient présentes en plus faible quantité.

Bien que les résultats suggèrent que les personnes atteintes de fibromyalgie ont une composition microbienne intestinale modifiée, les chercheurs reconnaissent que leur étude est la première en son genre et qu’elle comptait un faible nombre de participants. Ils recommandent donc que des recherches plus poussées soient menées pour explorer ce domaine intéressant.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 214 – 2020
1. Minerbi A et al. Altered microbiome composition in individuals with fibromyalgia. Pain. 2019;160(11):2589-2602.
2. Schatz RA et al. Gastrointestinal and Hepatic Disease in Fibromyalgia. Rheum Dis Clin North Am. 2018;44(1):131-142.
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