Le déficit congénital en sucrase-isomaltase
Le déficit congénital en sucrase-isomaltase (CSID) est un trouble génétique qui survient lorsque le corps ne peut produire l’enzyme sucrase-isomaltase nécessaire au métabolisme adéquat des sucres contenus dans les fruits (sucrose) et des sucres contenus dans les céréales (maltose). Les mutations du gène de la sucrase-isomaltase (SI) perturbent la production de cette enzyme.
Nous mangeons des glucides sous des formes moléculaires simples et complexes : monosaccharides, disaccharides, oligosaccharides et polysaccharides. Toutefois, le corps peut seulement absorber les glucides sous la forme de sucre simple à molécule unique (monosaccharides).1 Le sucrose et le maltose sont des disaccharides, ce qui signifie que chacun est formé de deux molécules de sucre simple. Le glucose et le fructose se combinent pour former le sucrose, alors que deux molécules de glucose forment le maltose. Sans l’enzyme sucrase-isomaltase nécessaire, les personnes ayant un CSID ne peuvent décomposer le sucrose et le maltose en sucre simple absorbable.
Symptômes et diagnostic
Les symptômes comprennent des douleurs et des ballonnements abdominaux, la flatulence excessive et la diarrhée; ils peuvent varier d’une personne à l’autre et selon la quantité de sucrose et de maltose ingérée. Habituellement, la carence devient apparente lorsqu’un bébé est sevré et commence à manger des fruits et des céréales, et à boire des jus.2 L’incapacité du nourrisson à décomposer et à absorber le sucrose et le maltose peut limiter sa prise de poids (retard staturo-pondéral) et entraîner une malnutrition.
Les résultats de recherches laissent entendre que 5 % des populations autochtones du Groenland, de l’Alaska et du Canada souffrent d’un CSID, par opposition à seulement 0,02 % de la population nord-américaine de descendance européenne.1 La variabilité des symptômes que présentent les personnes pourrait signifier que l’incidence est plus élevée. Dans certains cas, les symptômes liés à cette carence peuvent ressembler à ceux d’autres maladies gastro-intestinales comme le syndrome de l’intestin irritable. Cette carence peut ainsi se révéler assez difficile à diagnostiquer.
Normalement, les médecins analysent l’activité de l’enzyme sucrase-isomaltase dans les tissus de l’intestin grêle prélevés par biopsie en vue de diagnostiquer la carence, ce qui est la méthode de diagnostic par excellence sur le plan de la précision et de la fiabilité. Or, en 2015, des chercheurs ont remis cette méthode en question en isolant la mutation génétique particulière responsable du CSID dans la population inuite. Maintenant il est possible d’utiliser les tests sanguins comme méthode de diagnostic.3
Quand rare n’est pas inhabituel : Le cas des Inuits du Canada
Alors que les scientifiques établissaient déjà la prévalence du CSID entre 5 et 10 % chez les Inuits, ils n’en avaient toujours pas identifié la cause génétique particulière. Un projet de recherche a vu le jour quand une petite fille inuite de l’île de Baffin a souffert d’une diarrhée et d’une distension abdominale sévères à l’hôpital après avoir bu une préparation contenant du sucrose. L’analyse de son sang a révélé une mutation dans le gène du SI, c.273_274delAG, ce qui a causé une perte de l’expression enzymatique SI.3 Ils ont fait un recoupement de cette découverte avec le génotypage de 128 autres Inuits répartis sur le territoire du Nunavut, et ils ont constaté que la mutation génétique se produisait aussi dans 17 % de l’échantillon de population.
Le CSID est un trouble récessif, c’est-à-dire qu’une personne avec deux copies du gène muté (un gène hérité de chacun des parents) présentera cette carence. Les porteurs ont seulement une copie du gène muté dans chaque cellule. Les chercheurs ont découvert que 28,5 % de la population inuite au Canada était porteuse du gène muté du SI. Bien que leur analyse statistique des données probantes de l’échantillon n’ait changé en rien le taux de prévalence attendu du déficit congénital dans la population inuite, les résultats semblent fortement indiquer que la mutation génétique qu’ils ont identifiée est responsable du CSID lorsque cette mutation se produit chez les Inuits du Canada.3
Pour les Inuits, cette affection est un exemple de l’interaction gène-environnement. Il est fort probable que la mutation du gène du SI s’est produite à l’origine chez leurs lointains ancêtres, mais était asymptomatique jusque dans les années 1960, époque où les aliments transformés et sucrés ont fait leur apparition dans leur diète traditionnellement faible en glucides. À la lumière de cette étude, un simple prélèvement sanguin plutôt qu’une biopsie intestinale suffirait à diagnostiquer cette affection chez les Inuits, ce qui permettrait aux médecins et aux patients de commencer le traitement plus rapidement.
Gestion
Même si le CSID est une maladie génétique rare, il engendre de graves répercussions dans la vie de ceux qui en sont affligés. Jusqu’à ce que les médecins ne diagnostiquent correctement son affection, la petite fille de l’île de Baffin ne souffrait pas seulement de diarrhée et de distension abdominale sévères, mais son corps n’absorbait pas les nutriments ni les éléments énergétiques malgré la diète à forte teneur calorique qu’on lui donnait à l’hôpital. La gestion appropriée de cette maladie requiert la collaboration du médecin et du diététiste qui peuvent aider à maîtriser les symptômes tout en assurant une nutrition adéquate.
Dans la plupart des cas, il suffit de s’en tenir consciencieusement à une diète faible en sucrose et en amidon (et même exempte de ces éléments). Parfois, les enfants deviennent mieux en mesure de tolérer l’amidon à l’âge de trois ou quatre ans, et peuvent mieux digérer le riz et le maïs. Le taux de succès de cette diète restrictive est mitigé. Une étude pédiatrique de 2012 a révélé que seulement 10 % des patients assujettis à une diète faible en sucrose et en amidon n’éprouvaient aucun symptôme lié au CSID; 60 à 75 % d’entre eux souffraient toujours de diarrhée et de douleurs abdominales tandis que 20 % avaient la nausée.4 Toutefois, les chercheurs ont indiqué que seulement la moitié des enfants se soumettaient à la diète prescrite.
Si les restrictions alimentaires ne suffisent pas pour maîtriser les symptômes, un médecin pourrait prescrire de la sacrosidase (Sucraid®), un traitement enzymatique substitutif. Sous forme liquide, Sucraid® est sans goût lorsqu’il est mélangé avec de l’eau froide ou à température ambiante, du lait ou une préparation pour nourrissons. Il réduit les symptômes avec efficacité tout en allégeant le fardeau que représente le maintien d’une diète restrictive. Dans le cadre d’une étude où les chercheurs ont examiné des enfants ayant cette carence; après l’ingestion de sucrose, les échantillons d’haleine prélevés ont montré une hausse du taux d’hydrogène respiratoire, et des symptômes gastro-intestinaux indésirables se sont manifestés. Lorsque les enfants ont aussi consommé de la sacrosidase, le taux d’hydrogène respiratoire est resté stable et ils n’ont éprouvé aucun symptôme.4
Pronostic
La médecine moderne fait état d’au moins dix mutations dans le gène du SI pouvant potentiellement donner lieu à un CSID.5 Toutefois, les chercheurs continuent de découvrir de nouvelles mutations génétiques du SI non documentées auparavant. Ces résultats viennent confirmer le fait que cette affectation génétique demeure difficile à diagnostiquer. Si certains chercheurs ont réussi à trouver la mutation causale particulière liée au CSID chez les Inuits du Canada, il reste que la recherche actuelle doit aussi faire de même pour les autres groupes ethniques. Néanmoins, une fois la carence diagnostiquée, les restrictions alimentaires et un traitement enzymatique substitutif (p. ex. Sucraid®) offrent des options de gestion viables et efficaces. Pour obtenir de meilleurs résultats, il est important de discuter ouvertement avec son équipe de professionnels de la santé.
Note : La solution orale Sucraid® (sacrosidase) est offerte par l’entremise de programmes d’accès spéciaux de Santé Canada.6