Probiotiques et prébiotiques : traitement futur contre la stéatose hépatique non alcoolique et la stéato-hépatite non alcoolique?
Le microbiote intestinal est un vaste réservoir diversifié de microorganismes composé de bactéries, de champignons et de virus habitant en équilibre relatif chez les personnes en santé. Au moins 1 000 espèces différentes de bactéries colonisent le tube digestif humain. Un certain nombre d’études montrent que les personnes souffrant de stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD – acronyme anglais) et de stéato-hépatite non alcoolique (SHNA) sont dotées d’un microbiote intestinal dont la composition diffère de celle des personnes en bonne santé. Par conséquent, certains chercheurs se demandent si le microbiote intestinal pourrait être un domaine thérapeutique à cibler au moyen de probiotiques et de prébiotiques en vue de traiter la NAFLD et la SHNA.1 Ils ont mené une recherche littéraire sur l’utilisation de prébiotiques, de probiotiques ou de produits contenant une combinaison des deux (symbiotiques) comme agents thérapeutiques contre la NAFLD et la SHNA et leurs effets sur le microbiote intestinal. Leurs objectifs consistaient à acquérir une compréhension concrète des défis que la recherche doit toujours surmonter et à explorer davantage les possibilités de gestion de ces maladies au moyen de tels agents.
La NAFLD se manifeste lorsqu’une grande quantité de graisse, non associée à une forte consommation d’alcool, s’accumule dans le foie (de 5 à 10 % en poids). Le Canada compte une forte prévalence de la NAFLD, l’ensemble de l’Amérique du Nord affichant un taux total de 20 à 30 %. La NAFLD est une affection plutôt bénigne, occasionnant très peu de symptômes ou de complications (voire aucun). Toutefois, si elle n’est pas traitée, elle peut donner lieu à la SHNA. Cet état pathologique est beaucoup plus nocif, car il est caractérisé par une inflammation du foie. Bien qu’il existe une variété de traitements contre la NAFLD, tels que médicaments, vitamines et suppléments, les preuves de leur efficacité ne sont pas suffisantes pour justifier leur utilisation généralisée. D’autre part, les recherches révèlent qu’un bon régime alimentaire et l’exercice physique sont des traitements efficaces.
Les auteurs de l’étude ont également envisagé d’autres traitements, tels que les antibiotiques, la transplantation de microbiote fécal (TMF) et la chirurgie bariatrique. Cependant, ils soutiennent que ces options thérapeutiques présentent des limites variables en termes d’innocuité et d’efficacité. Par exemple, bien que les antibiotiques puissent éliminer les infections bactériennes, ils peuvent également éliminer par inadvertance des bactéries intestinales bénéfiques. En revanche, la TMF est sûre mais présente certains effets indésirables; des études sont en cours pour observer son applicabilité pour le traitement de la NAFLD et de la SHNA. Après avoir surmonté le facteur « dégueu », le défi du processus consiste en l’acquisition d’échantillons provenant de donneurs appropriés. Historiquement, cette procédure s’est avérée effractive en raison du besoin d’utiliser une sonde nasogastrique pour introduire les échantillons de selles dans les patients. Toutefois, la thérapie évolue rapidement et la société à but non lucratif OpenBiome, une banque de selles qui élargit l’accès sûr aux transplantations fécales et catalyse la recherche sur le microbiome humain, a mis au point des capsules orales pour faciliter le processus de la TMF, quoique principalement pour d’autres indications à l’heure actuelle. Enfin, la chirurgie bariatrique, bien que très efficace, a été associée à plusieurs risques, notamment le développement d’une prolifération bactérienne de l’intestin grêle (PBIG) et les complications chirurgicales.
En évaluant l’efficacité des prébiotiques et des probiotiques dans le traitement de la NAFLD et de la SHNA, les chercheurs ont constaté que le nombre d’études disponibles était limité et que celles-ci présentaient des difficultés de conception. En fait, la plupart des publications disponibles consistent en des études chez les animaux. Cela présente une lacune importante en matière de preuves, puisque non seulement les microbiotes intestinaux des humains et des souris affichent-ils une composition différente, mais le mécanisme de développement de la NAFLD diffère aussi chez ces espèces. Par conséquent, l’extrapolation de ces traitements aux humains peut produire des résultats sensiblement différents de ceux obtenus chez la souris. Toutefois, le manque de preuves n’est pas la seule limite qui empêche l’utilisation de probiotiques et de prébiotiques pour le traitement de la NAFLD et de la SHNA. Les études actuelles (à la fois chez les animaux et les humains) ne montrent qu’une association, plutôt qu’une causalité, relativement aux bienfaits que procurent les probiotiques et les prébiotiques. Il s’agit également d’études exploratoires destinées à cerner les domaines nécessitant une analyse et une définition plus poussées, et non à obtenir une réponse définitive ou concluante. En outre, il est difficile de surveiller l’efficacité des probiotiques et des prébiotiques en l’absence de formulations standardisées. Le fait que les chercheurs soupçonnent que certaines espèces du microbiote intestinal restent à être identifiées confond aussi les choses.
Les scientifiques doivent également analyser quels résultats à long terme, le cas échéant, ce traitement pourrait avoir sur le microbiote intestinal, y compris la durée de son efficacité sur la NAFLD et la SHNA, la question de savoir si certaines souches sont plus bénéfiques que d’autres, et les conséquences inattendues sur d’autres domaines de la santé. Des écarts peuvent se produire en raison de différences innées entre les humains, comme la génétique, de l’interaction avec le régime alimentaire et de facteurs environnementaux. Les auteurs suggèrent qu’une compréhension des interactions entre les microbiomes intestinaux individuels et les probiotiques et les prébiotiques pourrait conduire à une médecine personnalisée fondée sur les caractéristiques de notre microbiote intestinal, notre alimentation, et plus encore. L’étude du microbiote intestinal pourrait également mener au développement d’outils de diagnostic précoce, qui offriraient, par exemple, des moyens d’identifier les personnes chez qui il existe un risque de progression de la NAFLD.
Quoique les probiotiques et les prébiotiques présentent des avantages considérables (p. ex., accessibilité) en tant qu’option de traitement, il est encore trop tôt pour savoir si leur utilisation serait sûre et efficace dans le traitement de la NAFLD et de la SHNA. Afin de surmonter certaines des limites et des difficultés, les auteurs suggèrent que la prochaine étape devrait être la réalisation d’essais cliniques randomisés à grande échelle avec groupe témoin chez les humains. Ils affirment également qu’il est urgent de combler ces lacunes au chapitre des preuves en raison du manque de traitements efficaces et de l’augmentation prévue des cas de NAFLD et de SHNA partout dans le monde.