Les personnes atteintes du SII sont-elles plus susceptibles de souffrir de migraines?

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est une affection digestive fonctionnelle caractérisée par des douleurs abdominales, des ballonnements et une constipation ou une diarrhée. Il est si courant que vous connaissez probablement au moins une personne qui en est atteinte. Pourtant, les gens parlent rarement du SII en raison de la nature taboue des symptômes digestifs. Les symptômes du SII sont chroniques et peuvent être difficiles à traiter chez certaines personnes; ils peuvent influer sur de nombreux aspects de la vie, notamment la santé physique, la santé mentale, les activités sociales et le travail.

La migraine est une affection neurologique qui se traduit par des maux de tête douloureux et pulsatiles. Les épisodes sont récurrents, généralement ressentis d’un seul côté de la tête, et provoquent habituellement une douleur modérée à grave. Chez la plupart des personnes, de nombreux autres symptômes accompagnent la migraine, notamment des nausées, des vomissements, des étourdissements et une sensibilité à la lumière et aux sons. De plus, un bon nombre des personnes atteintes peuvent reconnaître lorsqu’une migraine s’annonce puisqu’elles ressentent des symptômes jusqu’à un jour avant son apparition. Cette période, nommée phase prodromique, est caractérisée par de la fatigue, des changements d’humeur, une raideur musculaire, des difficultés à dormir, des nausées, de la constipation et de la diarrhée. Certaines personnes connaissent également une phase d’aura entre la phase prodromique et le mal de tête, qui se traduit généralement par des troubles visuels tels que des lignes ondulées, une vision floue ou la perte d’une partie du champ visuel. Cette phase peut également inclure des difficultés à parler et des troubles sensoriels tels que des picotements ou un engourdissement des extrémités. Une migraine peut durer de quelques heures à plusieurs jours. Tout comme le SII, la migraine peut avoir des répercussions sur de nombreux aspects de la vie, les symptômes pouvant obliger ceux qui en souffrent à s’absenter du travail ou à se priver d’activités sociales.

Dans le cadre d’une étude récente,1 des chercheurs ont analysé des données provenant de la UK Biobank, une base de données biomédicale et une ressource de recherche qui contient des informations détaillées sur près d’un demi-million de personnes, en vue de rechercher des liens entre la migraine et les maladies et troubles gastro-intestinaux. Des recherches antérieures ont suggéré un lien potentiel entre la migraine et diverses affections digestives, notamment le SII, les ulcères gastro-duodénaux, l’infection à Helicobacter pylori, la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse et la maladie cœliaque.

L’étude s’est penchée sur 489 753 participants âgés de 37 à 69 ans. Malgré la grande cohorte, l’étude comportait un manque d’enfants, de jeunes adultes et d’aînés. Une autre limitation possible de cette étude réside dans le biais lié à la santé des participants : les personnes ayant participé à l’étude avaient généralement moins de problèmes de santé que la population moyenne. Les taux d’affections gastro-intestinales et de migraines dans ce groupe étaient tous deux inférieurs à ceux attendus dans une sélection aléatoire de personnes.

Après avoir analysé les données, les chercheurs ont constaté que les personnes atteintes du SII étaient 2,25 fois plus susceptibles de souffrir de migraines que les sujets témoins. La recherche a également montré que les personnes souffrant d’un ulcère gastro-duodénal étaient 1,63 fois plus susceptibles de souffrir de migraines que les sujets témoins. Quoique l’infection à H. pylori soit une cause principale des ulcères gastro-duodénaux, les personnes atteintes d’une infection à H. pylori sans ulcère ne présentaient pas un risque accru de migraines. Contrairement aux recherches antérieures qui ont démontré une corrélation potentielle, cette étude a révélé que les personnes atteintes de la maladie de Crohn, de la colite ulcéreuse ou de la maladie cœliaque n’étaient pas plus susceptibles de souffrir de migraines que les sujets témoins.

Les auteurs de l’étude supposent que la corrélation entre le SII et la migraine pourrait être attribuée à des perturbations de l’axe intestin-cerveau. L’un des mécanismes possibles mettrait en jeu un problème des taux de sérotonine. Des recherches antérieures ont montré que la migraine pourrait être liée à des taux de sérotonine chroniquement bas qui augmentent pendant les migraines actives. En outre, il est possible que certains cas de SII soient occasionnés par de faibles niveaux de sérotonine dans l’intestin, ce qui explique pourquoi les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine peuvent constituer une méthode de traitement efficace du SII. De plus, le SII et la migraine sont plus courants chez les femmes que chez les hommes, de sorte que les hormones féminines pourraient également jouer un rôle.

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre pleinement la raison de ce lien et pour savoir si les personnes souffrant d’autres troubles digestifs présentent un risque accru de migraines.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 219 – 2021
Photo: Keira Burton | Pexels.com
1. Welander NZ et al. Migraine and gastrointestinal disorders in middle and old age: A UK Biobank study [publiée en ligne avant impression, 21 juill. 2021]. Brain Behav. 2021;10.1002/brb3.2291. doi:10.1002/brb3.2291.