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Syndrome de l’intestin court

Le syndrome de l’intestin court (SIC) se manifeste lorsque l’intestin grêle cesse de fonctionner correctement à cause d’un trauma ou d’une maladie, ou lorsqu’on en a retiré une trop grande quantité. Il entraîne une absorption inadéquate des nutriments et des liquides ainsi qu’une diarrhée fréquente ou chronique. Le SIC peut donner lieu à une déshydratation, une malnutrition, de la fatigue, une perte de poids et une variété d’autres problèmes de santé. Des modifications alimentaires complexes, des médicaments ou d’autres procédures chirurgicales pourraient faire partie de sa gestion.

Anatomie intestinale

La partie supérieure du tractus gastro-intestinal (GI) comporte l’œsophage, l’estomac et le duodénum. La partie inférieure du tractus GI comporte l’intestin grêle ou petit intestin (environ 6 mètres de long) et le côlon ou gros intestin (2 mètres).

La partie supérieure de l’intestin grêle (40 %) se compose du jéjunum, mot provenant du latin et signifiant vide. La partie inférieure (60 %) est l’iléon, mot provenant du grec et signifiant rouler ou tourner. Ces sections de l’intestin grêle diffèrent grandement l’une de l’autre par leur nature et leur fonction. La paroi du jéjunum est plus épaisse que celle de l’iléon et sa zone interne (lumière) est plus large. De plus, les contractions musculaires intestinales (péristaltisme) sont plus intenses et rapides dans le jéjunum que dans l’iléon. Il est donc habituel que le contenu se déplace plus rapidement à travers la section supérieure de l’intestin grêle et qu’il ralentisse en s’acheminant plus loin.

La fonction principale de l’intestin grêle est de digérer et d’absorber les nutriments alimentaires, dont les protéines, les glucides, les gras, les vitamines et les minéraux. Le tube digestif travaille avec les bactéries du côlon ainsi qu’avec d’autres organes (le foie et le pancréas) pour décomposer les aliments complexes et en extraire les nutriments. L’eau et les sels sont absorbés dans le corps par le côlon.

Causes

Le besoin de pratiquer une résection chirurgicale peut se produire pour diverses raisons, y compris le blocage ou la réduction du flux sanguin à l’intestin, une hernie étranglée, la maladie de Crohn, un cancer gastro-intestinal, une radiothérapie, un intestin perforé, une torsion ou un emmêlement de l’intestin (volvulus), des anomalies congénitales et d’autres maladies rares. Chez les nourrissons et les jeunes enfants, les causes les plus courantes sont les anomalies congénitales de l’intestin ou une maladie qui entraîne la mort du tissu intestinal chez les bébés prématurés (entérocolite nécrosante).

L’intestin grêle possède une grande capacité d’adaptation; en fait, même lorsque l’on en retire jusqu’à 40 %, une bonne digestion est quand même possible. Cependant, retirer une plus grande quantité ou retirer des sections précises peut entraîner des conséquences néfastes. Par exemple, les personnes qui conservent leurs duodénum, jéjunum et iléon peuvent habituellement éviter des complications graves en raison de la nature adaptative de l’intestin grêle. En revanche, retirer seulement 25 % de la section distale de l’intestin grêle qui croise le gros intestin (iléon terminal) peut entraîner une diarrhée persistante et une malabsorption importante des nutriments.

Symptômes

Les symptômes et la gravité du SIC varient selon la partie de l’intestin qui est touchée. Par exemple, le duodénum absorbe le fer, le calcium et le magnésium. Le jéjunum absorbe les acides gras, les acides aminés, les monosaccharides et les vitamines hydrosolubles. L’iléon absorbe les vitamines liposolubles (A, D, E, K), la vitamine B12 et les acides biliaires. Une perte de fonction dans quelconque de ces sections entraîne des complications particulières selon les nutriments alimentaires que le corps aura de la difficulté à absorber.

Les symptômes du SIC comprennent généralement une diarrhée chronique, la fatigue, des ballonnements, des crampes, une perte de poids, une déshydratation et une malnutrition. Une grande partie des complications les plus dévastatrices sont directement liées à la malnutrition.

L’hypersécrétion d’acide gastrique peut se produire chez les personnes souffrant du SIC, surtout immédiatement après le retrait chirurgical d’une partie de l’intestin (résection). Des niveaux élevés d’acide gastrique peuvent s’introduire dans l’intestin modifié et faire obstacle à l’absorption de nutriments.

Les carences vitaminiques et minérales peuvent donner lieu à de nombreux autres symptômes aggravants, y compris des troubles visuels, une sécheresse des yeux, une sensation de picotement de la peau, des spasmes musculaires, l’apparition facile d’ecchymoses, des problèmes de coagulation et de la difficulté à respirer à l’effort.

Les déséquilibres électrolytiques peuvent se produire lorsque l’intestin grêle est incapable d’absorber des minéraux tels que le potassium, le sodium et le magnésium, occasionnant une faiblesse, une nausée, des maux de tête et des battements de cœur irréguliers.

L’acidose se caractérise par des taux anormalement élevés d’acide lactique dans le sang découlant de la capacité réduite de l’intestin raccourci à digérer les glucides. Les glucides non digérés créent de l’acide lactique qui peut s’accumuler en raison de la capacité réduite à l’utiliser et à l’éliminer efficacement. L’acidose peut entraîner la confusion, une vision brouillée et des difficultés d’élocution.

La stéatorrhée se produit lorsqu’une quantité de graisses alimentaires non absorbées par l’intestin grêle se retrouvent dans les selles. Dans un intestin grêle normal, les sels biliaires, essentiels à l’absorption des graisses, s’introduisent dans le tractus gastro-intestinal par la vésicule biliaire. Ces sels se lient aux graisses et ensemble ils sont absorbés au niveau de l’iléon terminal. Si cette partie de l’intestin est absente ou endommagée, une quantité excessive de graisses se retrouvent dans les selles. La stéatorrhée donne lieu à des selles grises qui flottent et dont l’odeur est exceptionnellement nauséabonde.

Les calculs rénaux peuvent se former lorsque des graisses non absorbées se lient au calcium dans le côlon, empêchant la combinaison normale de calcium et d’oxalate, un composé trouvé dans les aliments de source végétale. Lorsque le côlon absorbe l’oxalate qui n’est pas lié au calcium, le corps en élimine une quantité supérieure à la normale par l’urine, provoquant la formation de calculs rénaux d’oxalate de calcium.

Diagnostic

Bien qu’une résection de 50 % ou plus de l’intestin grêle constitue un solide indicateur de la présence du SIC, les médecins utilisent certains outils pour poser un diagnostic : des analyses sanguines, un examen physique et un examen des selles. Les tests sanguins peuvent révéler des carences vitaminiques ou minérales ou un déséquilibre électrolytique. Un examen physique peut aider un médecin à repérer une perte de masse musculaire, une incapacité à maintenir son poids et des conditions dermatologiques liées à une carence vitaminique, telles que des éruptions cutanées ou une peau écailleuse. L’examen des selles est utile pour déterminer si l’individu absorbe une quantité saine de graisse et de glucides.

Gestion/Traitement

Il existe une variété d’options pour la gestion et le traitement du syndrome de l’intestin court, couvrant l’éventail de l’alimentation, des médicaments et de la chirurgie.

Modifications alimentaires

Après une résection intestinale, les patients nécessitent initialement l’administration de liquides, d’électrolytes et de nutriments liquides dans la circulation sanguine par l’entremise d’un tube placé dans une veine (intraveineux ou IV), ce que l’on appelle nutrition parentérale totale (NPT) ou nutrition parentérale (NP). Cette phase peut durer de trois à quatre mois. Cependant, la plus grande considération dans les deux à quatre jours suivant la résection chirurgicale concerne l’adaptation intestinale à long terme. Selon l’ampleur de la résection, certaines personnes peuvent reprendre une alimentation orale modifiée dans les quelques semaines suivant la chirurgie. Pour d’autres, l’adaptation peut prendre jusqu’à un an. Chose remarquable, pendant la période d’adaptation, les villosités intestinales qui restent s’allongeront et s’épaissiront afin de compenser la perte d’intestin, ce qui a pour effet d’accroître la superficie pour permettre une meilleure absorption des nutriments.

Les alimentations entérale et orale sont deux mécanismes qui contribuent à l’adaptation intestinale. La nutrition entérale se fait par l’administration d’un mélange alimentaire liquide spécial à l’estomac ou à l’intestin grêle par une sonde d’aliment. Ce processus stimule l’adaptation des villosités intestinales. Les patients doivent avoir un tractus GI fonctionnant partiellement pour que cette méthode soit efficace.

Une fois la phase d’adaptation passée et que l’alimentation orale est possible, le régime et les habitudes alimentaires peuvent aider à prévenir la malnutrition et la déshydratation. Les diététistes peuvent personnaliser les régimes, ceux-ci variant selon les parties de l’intestin qui fonctionnent toujours.

Voici quelques recommandations alimentaires générales :

  • consommer de petits repas plus fréquents (5 à 7 par jour)
  • consommer des liquides entre les repas au lieu d’avec les repas
  • consommer des aliments à haute teneur en protéines
  • consommer des glucides complexes tels que des pâtes, du riz, des patates, du pain et des céréales
  • suivre un régime faible en matières grasses, surtout s’il y a présence de stéatorrhée ou si l’iléon terminal est absent
  • limiter la consommation d’alcool et de boissons contenant de la caféine
  • envisager de limiter les aliments à haute teneur en oxalate (pour ceux sans iléon, mais dont la fonction colique est intacte)
  • consommer des aliments qui aident à contrôler la diarrhée, notamment les bananes, le gruau, le riz, le tapioca, la compote de pommes et le yogourt

Bien que la nutrition orale soit préférable, certaines personnes pourraient être incapables d’obtenir une nutrition adéquate uniquement au moyen de leur régime. Dans les cas graves, même l’alimentation entérale pourrait être inadéquate, et il pourrait être nécessaire d’utiliser une NPT à long terme. Cependant, cette thérapie complexe est associée à un risque de complications graves y compris les infections du cathéter central, une maladie osseuse et une maladie du foie.

Médicaments

En plus des modifications alimentaires, un médecin pourrait prescrire des médicaments, sous ordonnance ou en vente libre, pour soulager certains symptômes et pour traiter la condition sous-jacente.

Les médicaments antidiarrhéiques ralentissent le temps qu’il faut aux aliments pour passer à travers l’intestin grêle en diminuant le taux de contraction et relaxation (péristaltisme) dans les muscles intestinaux. Les médicaments de cette catégorie comprennent le diphénoxylate (Lomotil®) et le lopéramide (Imodium®). La codéine pourrait aussi être utile.

Les acidoréducteurs sont de deux principaux types — les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine (anti-H2) et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) — qui peuvent inhiber ou réduire la sécrétion d’acide gastrique. Parmi les anti-H2 on compte la cimétidine, la ranitidine, la famotidine (Pepcid®) et la nizatidine (Axid®). Les IPP comprennent l’oméprazole (Losec®), le lansoprazole (Prevacid®), le pantoprazole sodique (Pantoloc®), l’ésoméprazole (Nexium®), le rabéprazole (Pariet®) et le pantoprazole magnésien (Tecta®), aussi bien que des capsules d’un IPP à double libération retardée, appelé dexlansoprazole (Dexilant®). Un excès d’acide passant de l’estomac aux intestins peut nuire à l’adaptation intestinale et occasionner de la douleur et de l’inconfort, surtout immédiatement après une chirurgie.

Un chélateur de l’acide biliaire, la cholestyramine (Olestyr®), réduit l’incidence de la diarrhée de cause biliaire en augmentant l’élimination d’acides biliaires. Quand le corps perd des acides biliaires, il les remplace en convertissant le cholestérol trouvé dans le sang en acides biliaires, entraînant aussi une diminution du taux de cholestérol sanguin.

La glutamine est l’acide aminé le plus abondant dans l’organisme et est impliquée dans un plus grand nombre de processus métaboliques que tout autre acide aminé. Elle favorise l’intégrité des intestins en agissant comme source d’énergie et en empêchant les bactéries intestinales de passer à travers la muqueuse intestinale pour atteindre d’autres tissus et organes du corps (translocation bactérienne). La translocation bactérienne peut donner lieu à l’accumulation de bactéries nuisibles et leurs toxines (sepsie), habituellement par l’infection d’une plaie, et peut être mortelle. La glutamine agit comme source importante d’énergie pour les globules blancs du système immunitaire. Elle améliore l’équilibre en azote, aidant ainsi les personnes aux prises avec le SIC à éviter l’occurrence du stress nutritionnel où le corps utilise plus de protéines qu’il en absorbe. La glutamine a aussi la possibilité de réduire la diarrhée puisqu’elle contribue à la réabsorption du sodium et de l’eau.

La glutamine à prise orale peut être trouvée dans certains magasins d’aliments naturels, certaines pharmacies ou en ligne. Des exemples de ce produit sont NutreStore® et GlutaSolve®. Consultez votre médecin avant de l’utiliser pour le syndrome de l’intestin court.

Le téduglutide (Revestive®) est le premier médicament qui a été approuvé par Santé Canada pour traiter les adultes et les enfants souffrant du SIC qui ont besoin de nutriments ou de liquides additionnels par alimentation parentérale. Le téduglutide est un peptide 2 de type glucagon (GLP-2) qui aide l’intestin à absorber nutriments et fluides. Il fonctionne en régénérant les cellules de la muqueuse intestinale, en améliorant l’absorption intestinale de fluides et nutriments, en encourageant la croissance au niveau de la surface de la muqueuse intestinale, et possiblement en restituant la vidange gastrique et la sécrétion. Les patients peuvent l’injecter eux-mêmes sous la peau (sous-cutanée) une fois par jour dans les régions de l’estomac, du haut des jambes ou du haut des bras.

Chirurgie

Malheureusement, la chirurgie peut quand même être nécessaire lorsque d’autres options thérapeutiques ne fonctionnent pas. Elle vise à augmenter les propriétés d’absorption des intestins et peut être du type transplantation ou du type non-transplantation.

Les chirurgies de non-transplantation consistent en une manipulation de l’intestin pour l’allonger. Dans la procédure Bianchi, le chirurgien coupe une section de l’intestin dans le sens de la longueur en deux parties qu’il joint de bout en bout. Cela produit une section d’intestin plus étroite, mais plus longue. Les chirurgiens réservent généralement l’entéroplastie transverse sérielle (STEP) pour les enfants dont la quantité de l’intestin grêle est suffisante pour son allongement et le rétablissement de sa fonction. Dans la procédure STEP, le chirurgien pratique une série de coupures dans l’intestin grêle et utilise des agrafes pour le refermer en forme de zigzag, produisant un intestin plus étroit et plus long. En raison de la nouvelle forme de l’intestin, les aliments prennent plus de temps à traverser l’intestin, augmentant ainsi la durée de contact avec la muqueuse intestinale et donnant une meilleure chance aux nutriments d’être absorbés.

Dans le cas d’une transplantation de l’intestin grêle, le chirurgien retire la section de l’intestin lésée et la remplace par l’intestin d’un donneur. Cette procédure comporte cependant des complications potentielles, notamment le rejet de l’organe, les infections et la production excessive de lymphocytes (variété de globules blancs) qui donne lieu à une maladie lymphoproliférative. Pour réduire l’incidence de rejet, la prise de médicaments immunosuppresseurs est requise. Toutefois, les techniques chirurgicales et les médicaments immunosuppresseurs sont continuellement améliorés, augmentant les chances de transplantations réussies.

L’avenir

Chez les individus aux prises avec le syndrome de l’intestin court, surtout ceux dont une partie importante de l’intestin a été chirurgicalement retirée, le but est d’améliorer l’adaptation intestinale et la nutrition, et d’éliminer le besoin d’une nutrition parentérale totale. L’avenir des traitements pour le SIC est axé sur l’amélioration des façons dont l’adaptation intestinale peut être maximisée et sur le perfectionnement des techniques de transplantation intestinale. Pour l’instant, il existe une variété d’options pour aider les individus à gérer leurs symptômes.

Une équipe solide pour la gestion efficace du SIC se compose habituellement de gastro-entérologues, de chirurgiens, de diététistes, d’infirmières spécialisées et de pharmaciens. Le maintien de solides relations avec ces personnes est essentiel pour ceux souffrant du SIC, leur permettant de trouver un plan de traitement qui leur convient. Bien qu’il n’existe pas de remède ou de régime unique pour le syndrome de l’intestin court, l’éducation et une communication ouverte avec des professionnels médicaux de confiance pourraient aider ceux qui en souffrent à éviter les conséquences néfastes de la malnutrition, de la déshydratation et de la diarrhée chronique, effets associés au syndrome de l’intestin court.