Parcours patient : Infection à C. difficile

L’infection à C. difficile (ICD) se produit lorsque la bactérie Clostridioides difficile prolifère de façon incontrôlée dans le tube digestif. La bactérie et ses spores résistent à de nombreuses méthodes de nettoyage courantes et peuvent donc être facilement transférées d’une surface à l’autre à défaut d’un lavage adéquat des mains ou en raison d’un manque d’observance à des protocoles de nettoyage stricts. C’est pourquoi cette bactérie est responsable de la plus courante forme de diarrhée infectieuse dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. L’ICD provoque une diarrhée aqueuse grave, des douleurs abdominales, une perte d’appétit et de la fièvre. Non traitée, cette infection peut entraîner une déshydratation extrêmement dangereuse et potentiellement mortelle.

Le parcours de chaque personne se caractérise par une trajectoire différente, bien que de l’apparition des symptômes jusqu’à leur résolution, il soit souvent long, ardu et parsemé de récurrences.

Si vous avez reçu un diagnostic d’ICD, vous pourriez vous sentir seul et être anxieux quant à votre pronostic. Lisez ce qui suit et examinez le diagramme ci-joint pour en savoir plus sur certaines des expériences vécues par les personnes atteintes d’une infection à C. difficile.

Vidéo : Parcours patient — ICD

Comment développe-t-on une ICD?

Deux facteurs sont en cause dans l’infection à C. difficile : l’équilibre du microbiome intestinal et l’exposition à la bactérie C. difficile.

Certaines personnes abritent la bactérie C. difficile dans leur intestin sans en ressentir d’effet néfaste puisqu’un équilibre bactérien est maintenu par la présence d’autres micro-organismes. C’est pourquoi la prise d’un antibiotique peut être une voie directe vers l’ICD. L’antibiotique peut tuer d’autres types de bactéries, ce qui permet à C. difficile présente dans l’intestin de proliférer de façon incontrôlée. Étant donné que bon nombre de prestataires de soins de santé (p. ex., médecins, chirurgiens, dentistes) ont la possibilité d’administrer des antibiotiques, si vous présentez de nouveaux symptômes gastro-intestinaux et que vous avez récemment pris des antibiotiques, assurez-vous d’en informer votre médecin.

Dans d’autres cas, une personne peut être exposée à C. difficile par l’entremise d’une surface contaminée ou d’aliments contaminés. Les personnes dont le système immunitaire est déjà affaibli sont plus susceptibles de développer une ICD après avoir été exposées à l’organisme. C’est pourquoi les personnes hospitalisées pour une intervention chirurgicale qui sont âgées de plus de 65 ans, celles qui reçoivent une chimiothérapie, celles qui prennent des médicaments immunodépresseurs et celles qui habitent dans un établissement de soins de longue durée sont plus susceptibles de développer une ICD que les personnes plus jeunes et en bonne santé. Malheureusement, les personnes qui ont déjà connu une ICD présentent un risque beaucoup plus élevé de développer cette infection à nouveau.

Infographie

Cliquez ici pour télécharger une PDF sur l’infographie du parcours d’un patient infecté par C. difficile.

Comment un diagnostic d’ICD est-il posé?

Le principal symptôme d’une ICD est l’apparition d’une diarrhée inhabituelle. Elle est généralement caractérisée par au moins six selles aqueuses en 36 heures ou au moins trois de ces selles en 24 heures. Outre la diarrhée, les symptômes suivants peuvent également se manifester : douleur/sensibilité abdominale, perte d’appétit, perte de poids rapide, nausées, fatigue, déshydratation et parfois fièvre. De nombreux patients souffrent d’une affection sous-jacente, telle que la maladie inflammatoire de l’intestin, qui provoque des symptômes semblables à ceux de l’ICD, rendant difficile le diagnostic précoce d’une ICD. Si vous êtes déjà aux prises avec une affection intestinale, il pourrait vous prendre plus de temps, à vous ou à votre équipe soignante, pour réaliser que les symptômes que vous ressentez sont différents des symptômes intestinaux associés à votre affection existante.

Toutefois, certains indices permettent de guider les professionnels de la santé vers l’ICD, tels que l’apparition de symptômes pendant ou immédiatement après une antibiothérapie. Si votre médecin soupçonne une ICD, il prescrira une analyse des selles pour confirmer la présence de la bactérie C. difficile ou de ses toxines. Dans certains cas, il peut également demander une sigmoïdoscopie ou une coloscopie, tests qui permettent d’examiner l’intérieur de votre tube digestif. Le diagnostic d’une ICD est souvent posé par le médecin de famille ou un médecin à l’hôpital lors d’une hospitalisation pour autre raison au moment où les symptômes font leur apparition. Suivant un diagnostic d’ICD, le médecin pourrait vous orienter vers un spécialiste pour obtenir un traitement, notamment un gastro-entérologue ou un spécialiste des maladies infectieuses.

Quels sont les traitements habituels?

Le traitement peut s’avérer différent pour chacun et dépend de la façon dont l’ICD s’est développée. Dans les cas où la prise d’antibiotiques a probablement joué un rôle, il est souvent préférable de cesser ce médicament si possible. Les personnes qui prennent un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) pour contrôler un reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique présentent un risque accru de développer une ICD. L’arrêt temporaire de ce médicament peut donc être nécessaire, mais il faut toutefois suivre les conseils de votre médecin et ne pas changer votre routine sans surveillance médicale.

Puisque les antibiotiques peuvent provoquer une ICD, il peut sembler contradictoire que d’autres types d’antibiotiques constituent le traitement principal contre l’ICD. Des antibiotiques spécifiques offrent le meilleur traitement contre l’ICD, notamment la vancomycine, le métronidazole et la fidaxomicine. L’antibiothérapie habituelle consiste en la prise du médicament pendant 10 à 14 jours ou, en cas de récidive de l’ICD, pendant une période plus longue dans le cadre d’une administration intermittente ou dégressive. N’arrêtez jamais de prendre des antibiotiques avant la fin de votre traitement, même si vous vous sentez mieux.

Les antibiotiques ont tendance à agir rapidement, de façon à ce que les symptômes disparaissent au bout de quelques jours. Cependant, il est important de prendre les antibiotiques pendant toute la durée du traitement, selon les instructions du médecin, afin d’éradiquer complètement l’infection. Bien que vous puissiez être nerveux à l’idée de prendre un antibiotique lorsqu’un autre type est à l’origine de votre ICD, il est important de se rappeler ce qui suit : les antibiotiques sont un traitement efficace, l’ICD n’est pas une réaction allergique aux antibiotiques et, même si des antibiotiques ont déjà occasionné une ICD chez vous, ils pourraient ne pas le faire à l’avenir.

Une autre thérapie pouvant s’avérer utile est le transfert de microbiote fécal (TMF). Dans le cadre de celle-ci, de la matière provenant du microbiote intestinal d’une personne saine est transférée à une personne malade, soit par lavement, soit par capsule, en vue d’améliorer l’équilibre de son microbiome. Comme il s’agit d’un traitement relativement nouveau et qu’il n’est offert que dans un nombre limité de centres au Canada, cette option n’est pas une possibilité pour toutes les personnes atteintes d’une ICD.

Les antibiotiques (et parfois le TMF) sont nécessaires pour traiter l’infection sous-jacente, mais de nombreux patients ont besoin d’une aide supplémentaire pour gérer les symptômes pendant leur rétablissement.

L’ingestion de nutriments et de liquides est importante pour la guérison, mais il peut être très difficile de manger en présence d’une infection à C. difficile. Les diététistes professionnels peuvent jouer un rôle important pour établir les aliments et les horaires de repas qui conviennent le mieux à votre situation personnelle. Il est important de manger de petites portions d’aliments simples et faciles à digérer et de boire des gorgées de liquide tout au long de la journée. La déshydratation est extrêmement fréquente dans l’ICD en raison d’un excès de selles liquides. Les solutions de réhydratation orale (boissons électrolytiques) peuvent être utiles pour les personnes qui gèrent l’infection à domicile. Cependant, celles qui ne sont pas en mesure de gérer leur apport de liquides par voie orale pourraient avoir besoin de liquides administrés par voie intraveineuse (IV) à l’hôpital.

Selon vos facteurs de risque et vos symptômes, votre médecin pourrait vous recommander d’autres médicaments. Certains cas extrêmes, comme ceux caractérisés par une perforation intestinale, nécessitent une intervention chirurgicale. Certaines personnes utilisent des probiotiques ou des prébiotiques en vue d’améliorer l’équilibre de leur microbiome, mais il existe peu de preuves scientifiques quant à leur utilité.

Des protocoles d’hygiène rigoureux constituent un élément très important du traitement. Éviter de partager une salle de toilette pendant des épisodes de diarrhée, se laver soigneusement les mains avec de l’eau et du savon et désinfecter les surfaces avec un javellisant dilué 1:10 dans de l’eau peut aider à prévenir la propagation de la bactérie C. difficile à d’autres gens ainsi que la réintroduction de la bactérie chez une personne qui se remet d’une ICD.

Quelles sont les prochaines étapes?

Pendant votre rétablissement d’une ICD, continuez à maintenir une bonne hygiène jusqu’à ce que votre antibiothérapie soit terminée. Vous êtes considéré comme infectieux jusqu’à ce que votre diarrhée soit résolue. Si vos symptômes s’aggravent ou ne s’améliorent pas après quelques jours, retournez voir votre médecin. Quoique la plupart des personnes guérissent complètement, la triste réalité est que les récidives sont fréquentes. Il y a récidive lorsque vous devenez malade à nouveau dans les huit semaines qui suivent l’épisode précédent. La première fois que vous êtes atteint d’une ICD, la probabilité d’une récidive est de 20 à 25 %, mais suivant un deuxième épisode, le risque de récidive augmente à 30 à 45 %, après un troisième épisode, il grimpe à 50 à 65 % et, suivant une quatrième occurrence, vous êtes plus de 60 % à risque de contracter une ICD à nouveau. Il n’existe aucun moyen pour votre équipe soignante de déterminer si l’infection est disparue pour de bon ou si elle peut réapparaître; assurez-vous donc de l’informer immédiatement si vous présentez à nouveau les symptômes d’une ICD. Il est également conseillé de consulter votre médecin régulièrement en guise de suivi.

Certaines personnes rétablies développeront le syndrome de l’intestin irritable ou connaîtront d’autres symptômes gastro-intestinaux à long terme. Si tel est votre cas, parlez à votre médecin des possibilités de prise en charge.

La vie avec une ICD

Selon la gravité de votre ICD, celle-ci peut avoir des répercussions importantes sur votre qualité de vie. Certaines personnes ont besoin d’un aidant/soignant, soit un membre de la famille, soit un professionnel embauché, pour les aider à accomplir leurs activités quotidiennes. Cette infection peut également nuire à votre capacité à travailler, surtout si vous souffrez de nombreuses récidives. D’autres personnes trouvent particulièrement difficile la période d’isolement requise pour éviter la propagation de la maladie.

En plus de ces problèmes, l’ICD est une maladie hautement stigmatisée. Bon nombre de personnes ont une perception négative des symptômes digestifs et si l’on ajoute à cela le fait que l’ICD est très contagieuse, plusieurs personnes en éprouvent un sentiment de honte ou d’embarras. Les patients qui ont participé à un groupe de discussion avec nous au début de 2022 ont exprimé qu’ils se sentaient « impurs » et qu’ils avaient l’impression « d’être tout comme des déchets toxiques ». Il existe un besoin pressant de sensibiliser le public et la communauté des soins de santé à l’infection à C. difficile afin que davantage de personnes soient conscientes des protocoles de prévention nécessaires et que les patients reçoivent des diagnostics précis en temps opportun. La vie privée et la dignité doivent être respectées pendant le traitement.

Il existe des options au sein de la communauté pour vous aider à composer avec votre diagnostic, notamment des programmes financiers et des groupes de soutien. Un soutien professionnel en santé mentale peut également vous aider à surmonter les répercussions émotionnelles de l’ICD. Il est également important de parler avec vos amis et votre famille afin qu’ils connaissent les répercussions d’une ICD sur vous et pour leur demander de l’aide au besoin. Sensibiliser les autres à la réalité de l’ICD peut contribuer à réduire la stigmatisation et vous permettre de vous sentir soutenu et mieux armé pour composer avec cette maladie.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 212 – 2022
La Société GI remercie son personnel, les patients qui ont participé à notre groupe de discussion, le DTed Steiner, spécialiste des maladies infectieuses, le Dr James Gray, gastro-entérologue, et Anne-Marie Stelluti, diététiste, pour leur généreuse contribution à ce projet. Nous remercions également Ferring Canada pour sa subvention éducative sans restriction qui nous a aidés à tracer ce complexe parcours du patient.
Remarque : Clostridioides difficile était antérieurement connu sous le nom de Clostridium difficile.
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