Ce que vous devez savoir sur le cancer de l’œsophage

L’on pourrait croire que l’œsophage est un organe simple, strictement un tube qui relie la gorge et l’estomac, mais il est bien plus complexe que cela. Lorsqu’on avale, deux types de muscles se déplacent en parfaite synchronisation pour créer un mouvement ondulatoire vers le bas (péristaltisme), poussant les aliments à travers l’œsophage jusqu’à l’estomac. Le long du parcours, deux sphincters, le sphincter œsophagien supérieur et le sphincter œsophagien inférieur, s’ouvrent au besoin pour laisser passer les aliments. De plus, des glandes dans l’œsophage produisent un mucus lubrifiant qui empêche les aliments avalés de rester coincés.

Le cancer de l’œsophage est une maladie rare qui se produit lorsque les cellules de l’œsophage deviennent malignes. Il existe deux principaux types de cancer de l’œsophage, définis selon les cellules touchées : l’adénocarcinome et le carcinome épidermoïde. L’adénocarcinome touche les cellules qui produisent le mucus et le carcinome épidermoïde se développe à partir des cellules de la muqueuse de l’œsophage. Il existe également quelques autres types de cancer de l’œsophage, mais qui sont très rares.

Statistiques

Le cancer de l’œsophage est très rare, ne touchant que 33,5 Canadiens sur 1 000 000 par année.1 Il est plus fréquent chez les hommes, qui comptent environ 74 % des cas, ainsi que chez les personnes âgées de 60 ans ou plus, lesquelles représentent 92 % des cas.1 À l’échelle mondiale, la plupart des cas de cancer de l’œsophage sont des carcinomes épidermoïdes, mais dans des endroits comme le Canada, les États-Unis et certaines régions de l’Europe, les adénocarcinomes sont plus fréquents. Au cours des dernières décennies, l’incidence de l’adénocarcinome a augmenté au Canada, tandis que le taux du carcinome épidermoïde a diminué.

Au Canada, le taux de survie du cancer de l’œsophage après cinq ans est d’environ 15 %, ce qui signifie que, cinq ans après le diagnostic, ce pourcentage de personnes atteintes de cette maladie sont toujours en vie.2 Toutefois, ce taux varie en fonction de l’état d’avancement de la maladie. Le taux de survie est d’environ 43 % si la maladie est décelée suffisamment tôt et que le cancer est localisé dans l’œsophage, de 23 % si le cancer s’est propagé aux tissus avoisinants et de 5 % s’il s’est répandu partout dans le corps (métastases).2

Facteurs de risque

Les deux types de cancer de l’œsophage présentent des facteurs de risque différents. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique chronique, l’œsophage de Barrett et l’obésité augmentent tous le risque de développer un adénocarcinome œsophagien. La prévalence croissante de ces affections au Canada pourrait expliquer pourquoi le taux de diagnostic d’adénocarcinome augmente également au pays. Le tabagisme, la consommation d’alcool, et la consommation de boissons très chaudes (plus de 65 °C)3, peuvent augmenter le risque de développer un carcinome épidermoïde.

Symptômes

Pendant les premiers stades de la maladie, il peut y avoir une absence de symptômes. Au fur et à mesure que le cancer s’aggrave, une tumeur peut devenir suffisamment grosse pour occasionner des problèmes. Les difficultés de déglutition (dysphagie) sont courantes, tout comme les douleurs dans la gorge, la poitrine ou le dos, et tout particulièrement après avoir avalé. Parmi les autres symptômes, l’on compte les nausées, les vomissements, la perte d’appétit, la perte de poids, une toux chronique, une voix rauque et de la fatigue.

Cependant, un seul ou même une combinaison de ces symptômes ne signifie pas que vous avez un cancer de l’œsophage, puisqu’ils sont présents dans de nombreuses maladies et troubles courants et bénins. Si vous ressentez l’un de ces symptômes et que vous en êtes préoccupé, parlez-en à votre médecin.

Dépistage

Il existe des tests de dépistage de routine pour certains types de cancers qui sont effectués chez les personnes présentant un risque accru, par exemple la coloscopie pour le cancer colorectal et la mammographie pour le cancer du sein. Ces méthodes de dépistage sont utiles puisqu’elles permettent souvent de déceler le cancer à un stade précoce lorsqu’il est traitable. Malheureusement, selon le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs, un dépistage chez les personnes présentant un risque élevé de développer un adénocarcinome œsophagien n’offre aucun avantage.4 Toutefois, si votre médecin soupçonne que vous êtes atteint d’un cancer de l’œsophage après avoir effectué un examen physique et pris en compte vos symptômes, ainsi que vos antécédents médicaux et familiaux, il utilisera des techniques de diagnostic pour déterminer si vous êtes atteint de ce cancer et, le cas échéant, à quel stade il se trouve. Parmi les tests que votre médecin pourrait effectuer, citons l’endoscopie, la radiographie, l’échographie, la tomodensitométrie, les analyses de sang et la biopsie.

Traitements

Les options de traitement du cancer de l’œsophage étaient auparavant très limitées. Les soins comprenaient généralement la chirurgie, la chimiothérapie ou la radiothérapie, ainsi que des médicaments pour gérer les symptômes et rendre le patient plus confortable dans les cas terminaux.

Cependant, au cours de la dernière décennie, une variété de nouveaux médicaments ont fait leur apparition. Les agents immunothérapeutiques sont une classe particulière de médicaments qui travaillent de concert avec votre système immunitaire pour détruire les cellules cancéreuses. Ils comprennent le pembrolizumab (Keytruda®) et le nivolumab (Opdivo®). Notre système immunitaire produit des lymphocytes T, qui combattent les maladies dans tout l’organisme. Cependant, les cellules cancéreuses peuvent utiliser un processus portant le nom de voie PD-1 pour se « cacher » des lymphocytes T. Les immunothérapies ont pour fonction de bloquer cette voie, de sorte que les cellules T puissent combattre le cancer.

L’avenir

Un diagnostic du cancer de l’œsophage est dévastateur et son pronostic est sombre. Cependant, une détection précoce améliore considérablement la capacité à éliminer la maladie, tandis que des recherches additionnelles sur des méthodes de dépistage novatrices pourraient contribuer à améliorer les résultats. La qualité des traitements ne cesse de progresser grâce à des mécanismes plus efficaces pour cibler le cancer, augmenter la survie et améliorer la qualité de vie. Disposer d’un système de soutien est également utile pour gérer le fardeau physique et mental du cancer de l’œsophage. Si vous développez de nouveaux symptômes qui vous inquiètent, parlez-en à votre médecin.

Défense des droits des patients

La Société GI défend sans relâche les intérêts des patients relativement à un large éventail d’affections gastro-intestinales, y compris les cancers du tube digestif. En collaboration avec deux autres groupes de patients, nous avons récemment mené un sondage sur le cancer de l’œsophage afin de mieux comprendre le vécu des personnes qui ont été confrontées à cette maladie ou de celles agissant à titre d’aidant pour une personne souffrant de cette maladie. Ensemble, nous avons également soumis une demande à l’ACMTS (CEEP) et à l’INESSS pour préconiser la couverture publique du médicament Keytruda®. Par souci de cohérence, nous procédons aux mêmes démarches pour tous les médicaments à l’étude au Canada visant le tube digestif et le foie. Nous ne recevons jamais de financement de l’industrie pharmaceutique pour cette pratique; il s’agit strictement d’un bienfait offert aux patients que nous servons.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 218 – 2021
1. Cattelan L et al. Epidemiologic trends and geographic distribution of esophageal cancer in Canada: A national population-based study. Cancer Med. 2020;9(1):401-417.
2. Société canadienne du cancer. Statistiques de survie pour le cancer de l’œsophage. Disponible à : https://www.cancer.ca/fr-ca/cancer-information/cancer-type/esophageal/prognosis-and-survival/survival-statistics/?region=on. Consulté le 2021-05-12.
3. Loomis D et al. Carcinogenicity of drinking coffee, mate, and very hot beverages. Lancet Oncol. 2016;17(7):877-878.
4. Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs. Adénocarcinome œsophagien (2020). Disponible à : https://canadiantaskforce.ca/lignesdirectrives/lignes-directrices-publiees/adenocarcinome-oesophagien/?lang=fr. Consulté le 2021-05-14.
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