Les patients atteints de la MII souffrent d’anxiété
La maladie inflammatoire de l’intestin (MII) est un terme qui fait notamment référence à deux maladies de l’intestin : la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Ces maladies provoquent une inflammation chronique et ses symptômes comprennent une douleur abdominale grave, la diarrhée et les saignements rectaux. Dans la maladie de Crohn, l’inflammation peut toucher n’importe quelle partie du tractus digestif et peut traverser toute son épaisseur, pouvant se manifester par bandes à plusieurs endroits ou toucher une seule grande section. Dans la colite ulcéreuse, l’inflammation est limitée à la muqueuse interne, débutant à l’anus et progressant vers le haut, pas plus loin que le côlon.
La cause de la MII est toujours inconnue, mais les recherches indiquent fortement que des interactions entre les facteurs environnementaux, les microorganismes intestinaux, un dérèglement immunitaire et une prédisposition génétique en sont responsables.
Une étude récente1 a examiné le lien entre la MII et l’anxiété en analysant de nombreuses études publiées à ce sujet (méta-analyse) et a révélé qu’en plus de souffrir de symptômes physiques, les patients aux prises avec la MII connaissent fréquemment des comorbidités psychologiques. Une étude a montré que jusqu’à 40 % des personnes atteintes de la MII connaissent des taux anormaux d’anxiété. Dans une autre étude, l’anxiété touchait de 29 à 35 % des patients aux prises avec la MII qui étaient en rémission, mais ce taux augmentait de manière spectaculaire à 80 % lorsque les patients connaissaient une poussée active. La prévalence de cette anxiété est beaucoup plus élevée que l’on aurait pu attendre par le fait du hasard, et est particulièrement élevée chez les patients atteints de la maladie de Crohn. La gravité des symptômes occasionnés par la MII peut être un facteur dans le développement de l’anxiété, bien que chez certains, l’anxiété était présente avant la maladie.
Des recherches émergentes suggèrent que l’anxiété peut même déclencher une poussée active chez les patients souffrant de la MII. Une étude a révélé qu’une inflammation active de la muqueuse est associée à une aggravation des symptômes psychologiques. Ces résultats sont utiles, puisqu’ils montrent à quel point il est important de maîtriser l’inflammation. Les personnes souffrant de la MII qui reçoivent un traitement adéquat et qui maintiennent leur état de rémission sont moins susceptibles de souffrir d’anxiété.
Les personnes atteintes de la MII sont plus portées à développer un trouble de l’anxiété en présence de certains facteurs de risque, notamment le stress psychologique, l’âge, un état de maladie grave et actif, une chirurgie, un manque d’éducation relativement à la maladie et une situation socioéconomique défavorable.
Toutefois, les patients les plus à risque de développer un problème d’anxiété sont ceux ayant subi une stomie. Les stomisés sont plus susceptibles d’avoir une qualité de vie réduite et de connaître des problèmes psychologiques plus prononcés, mais très souvent ils n’obtiennent pas l’aide psychologique dont ils ont besoin. Il peut être difficile de composer avec une stomie en raison de son incidence sur divers aspects de la vie, et les médecins devraient prendre les mesures appropriées pour s’assurer que leurs patients reçoivent un traitement adéquat pour tous les aspects en cause.
Qu’est-ce qu’une stomie?
Le terme stomie s’applique à l’ouverture chirurgicale créée pour l’élimination des matières fécales. Lorsque l’appareil digestif cesse de bien fonctionner à cause d’une maladie ou d’une blessure, un médecin peut recommander de retirer ou de contourner certaines sections du petit intestin ou du côlon. Lorsque le chirurgien retire ou contourne ces sections, il devient quelquefois impossible d’éliminer les matières fécales (aller à la selle) par la voie anatomique habituelle. Le chirurgien redirige alors le bout de l’intestin toujours présent, à la surface de la peau; ceci se nomme stomie. Lorsque le petit intestin est abouché à la surface, on l’appelle iléostomie et lorsque le côlon (gros intestin) est abouché à la surface, on l’appelle colostomie. Selon la situation particulière, les iléostomies et les colostomies peuvent être soit temporaires, soit permanentes.
L’influence des troubles gastro-intestinaux fonctionnels
La MII est une maladie intestinale organique, ce qui signifie qu’elle a des effets physiologiques précis et mesurables sur le corps. D’autres troubles, tels que le syndrome de l’intestin irritable (SII) sont des affections fonctionnelles, où il y a présence de symptômes en l’absence d’une raison physique évidente. Généralement, les symptômes psychologiques sont plus courants chez les personnes souffrant d’un trouble gastro-intestinal (GI) fonctionnel, et il est donc commun pour les médecins d’effectuer un dépistage de l’anxiété chez ces patients. Cependant, puisque la MII est une maladie organique, les médecins ne tiennent souvent pas compte du fait que les patients en étant atteints peuvent aussi souffrir d’anxiété, et manquent donc de poser le diagnostic chez certains.
Fait intéressant, les médecins se servent souvent d’un diagnostic d’une maladie GI organique comme moyen d’éliminer la possibilité d’un trouble fonctionnel. Cependant, il est possible d’être atteint des deux et cela semble se produire assez souvent. Une étude australienne a révélé que 66 % des patients aux prises avec la MII répondaient également aux critères pour au moins un trouble GI fonctionnel, ce qui était particulièrement commun chez ceux souffrant à la fois de la MII et d’anxiété. Il est important que les médecins reconnaissent les différences entre les symptômes réguliers de la MII et ceux qui pourraient être indicatifs du syndrome de l’intestin irritable ou de la dyspepsie fonctionnelle.
Traitement de la MII et de l’anxiété
Les auteurs de l’étude affirment qu’il est important pour les médecins de déterminer si les patients atteints de la MII souffrent également d’un trouble fonctionnel. Faire la distinction entre les symptômes des deux troubles peut être difficile, et ils recommandent donc aux médecins de chercher la présence d’inflammation et de la traiter le cas échéant; si les symptômes sont toujours présents, cela pourrait être indicatif d’un trouble fonctionnel et ils devraient alors envisager un traitement pour ce trouble. Voir le tableau à la page 18.
Les médecins généralement impliqués dans les soins aux patients souffrant de la MII, notamment les médecins de famille et les gastro-entérologues, n’ont parfois pas de formation officielle en matière de troubles psychologiques, et puisque les patients hésitent souvent à parler de symptômes psychologiques en raison de la stigmatisation sociale, il est fréquent qu’ils demeurent non diagnostiqués et non traités pendant très longtemps. Lorsque les patients aux prises avec la MII subissent une stigmatisation par rapport à un trouble d’anxiété, et en conséquence ne cherchent pas à être traités, il peut en résulter d’autres incapacités. Il est très important pour les médecins d’être conscients du risque accru d’anxiété chez les patients aux prises avec la MII et de promptement déceler et traiter tout trouble d’anxiété coexistant. Les patients ont aussi la responsabilité de se faire entendre et de demander de l’aide s’ils perçoivent que leur anxiété pose un problème.
Les auteurs de l’étude recommandent que les médecins utilisent des questionnaires de dépistage officiels pour déceler l’anxiété chez les patients atteints de la MII. Ils suggèrent qu’un questionnaire, qui est de préférence simple et assez long pour assurer un résultat précis, mais pas si long qu’il est pénible pour les patients, pourrait être un moyen efficace d’identifier l’anxiété chez les patients souffrant de la MII. Voir Détecteur d’anxiété et de dépression en cinq questions, à titre d’exemple.
La gestion du patient qui souffre d’anxiété devrait comprendre les soins d’un gastro-entérologue et d’un psychologue ou psychiatre. Le traitement devrait inclure des médicaments contre la MII en plus d’une thérapie et des médicaments pour l’anxiété. Cependant, les études montrent que les traitements psychologiques n’ont pas d’effets bénéfiques chez les patients souffrant de la MII qui ne sont pas aux prises avec un trouble psychiatrique ou d’anxiété; il est donc important d’utiliser des méthodes de dépistage efficaces pour déterminer quels patients devraient être soumis à certains traitements.
Le traitement de l’anxiété peut même présenter des effets bénéfiques additionnels en atténuant les symptômes de la MII. Une étude a déterminé que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) chez les adolescents atteints de la MII et d’anxiété ne réduisait pas seulement l’anxiété, mais atténuait aussi la douleur et la gravité de la MII. Il convient aussi de noter que les études appuient depuis longtemps l’utilisation de la TCC pour le SII.
Si vous êtes un patient qui souffre de la MII et que vous craignez souffrir d’anxiété ou d’un trouble gastro-intestinal fonctionnel, parlez-en avec votre médecin.