Malnutrition occasionnée par la MII

La maladie inflammatoire de l’intestin (MII) est un terme général qui fait référence à des maladies caractérisées par une inflammation chronique du tube digestif. La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse sont les deux principaux types de MII. Dans la maladie de Crohn, l’inflammation peut se produire dans n’importe quelle partie de l’appareil digestif, touchant souvent la partie la plus inférieure de l’intestin grêle, là où l’intestin absorbe la plupart des nutriments provenant des aliments ingérés. Dans la colite ulcéreuse, l’inflammation se produit dans le côlon. Certains symptômes de la MII sont la diarrhée, des douleurs abdominales intenses, la fièvre, les nausées et la perte d’appétit, lesquels peuvent être soulagés au moyen d’une variété de traitements et de stratégies de prise en charge.

Étant donné que la MII touche l’appareil digestif, le système responsable de transformer les aliments et d’absorber les nutriments, elle peut entraîner une malnutrition occasionnée par de nombreux facteurs. Bien qu’il soit difficile d’en déterminer la fréquence, les recherches montrent qu’entre 20 et 85 % des personnes atteintes de la MII seront touchées par une malnutrition.1 Les effets secondaires des médicaments, la diminution de la capacité d’absorption des nutriments (malabsorption), les résections chirurgicales, les poussées et les régimes restrictifs requis à des fins d’examens d’imagerie et de diagnostic sont quelques-uns des facteurs qui peuvent provoquer une malnutrition chez les personnes aux prises avec la MII. De plus, les personnes hospitalisées présentent un risque plus élevé de malnutrition en raison de l’absence de soins à domicile subséquents, d’une anorexie potentielle découlant de la maladie, ou d’exigences relatives à une procédure interdisant l’ingestion d’aliments et de boissons par voie orale, comme l’ordre de ne rien ingérer par la bouche (NPO). À son tour, la malnutrition est un facteur de risque en ce qui concerne les séjours hospitaliers répétés ou prolongés et, entre autres, elle accroît le risque d’infections et de mortalité. La malnutrition peut également augmenter le risque d’infection chez les personnes prenant un agent immunosuppresseur (p. ex., l’azathioprine et le méthotrexate).

Des chercheurs de l’Université de Calgary ont observé que les connaissances et les lignes directrices concernant la pratique clinique présentaient des lacunes importantes en matière de malnutrition chez les personnes souffrant de la MII.1 Les auteurs de l’étude ont réalisé un examen narratif d’ouvrages portant sur la prévalence de la malnutrition et ses lignes directrices existantes sur les soins. Ils ont recherché des publications en anglais sur la MII et sur les interventions en nutrition dans Ovid Medline et PubMed. En s’appuyant sur leurs constatations et leur analyse, ils ont rédigé un résumé d’opinions d’experts à l’intention des cliniciens, ce résumé portant sur l’intervention et le diagnostic en temps opportun de la malnutrition dans le contexte de la MII, non liée à la perte de poids ou à l’indice de masse corporelle (IMC). En effet, la malnutrition survient indépendamment des changements de poids corporel. Elle découle d’une consommation ou d’une absorption insuffisante des nutriments nécessaires, ce qui modifie la composition corporelle et les fonctions physiques et mentales, et entraîne d’autres déficiences.

Fait préoccupant, les auteurs de l’étude ont constaté qu’il n’existe pas de définition standard de la malnutrition dans le contexte de la MII chez les personnes hospitalisées et les populations communautaires, ni d’outils validés pour le dépistage et l’évaluation nutritionnels. Il existe également un manque de données sur l’utilisation de la nutrition parentérale chez les personnes atteintes de la MII, ainsi qu’un manque de preuves concernant l’efficacité des interventions nutritionnelles chez les patients hospitalisés aux prises avec la MII. La nutrition parentérale est l’administration de nutriments par voie intraveineuse et constitue une option lorsque le tractus gastro-intestinal ne fonctionne pas adéquatement. Les nutriments administrés comprennent des protéines, des glucides, des lipides, des vitamines et minéraux, des électrolytes et de l’eau. Comme modèle de soins, les chercheurs citent la clinique de malnutrition à risque élevé de l’Université de Calgary, un exemple d’établissement multidisciplinaire comptant des médecins spécialisés en nutrition et des diététistes professionnels spécialisés en nutrition pour les maladies du foie.

Les chercheurs soulignent qu’une meilleure sensibilisation et une meilleure reconnaissance de l’impact et de la prévalence de la malnutrition chez les personnes atteintes de la MII sont requises, en particulier chez celles qui sont hospitalisées. À titre préventif, les professionnels de la santé devraient effectuer un dépistage de la malnutrition chez tous les patients hospitalisés souffrant de la MII. Les personnes vivant avec la MII devraient également bénéficier d’interventions nutritionnelles appropriées. Les auteurs de l’étude ont proposé un algorithme comprenant le dépistage, le diagnostic et le traitement des patients hospitalisés souffrant de la MII. Ils suggèrent d’effectuer des recherches pour déterminer les meilleures options de traitement de la malnutrition dans le contexte de la MII.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 221 – 2022
1. Chiu E et al. Optimizing Inpatient Nutrition Care of Adult Patients with Inflammatory Bowel Disease in the 21st Century. Nutrients. 2021;13(5):1581.