Jonathan Abbey

Jonathan Abbey

Jonathan Abbey

Ma maladie

J’étais à mi-chemin dans ma 7e année lorsque j’ai commencé à souffrir de douleurs abdominales aiguës fréquentes, semblables à celles occasionnées par une appendicite, ce qui m’a fait manquer de nombreux jours d’école. Lorsque mon parcours à la recherche d’un diagnostic a commencé à l’hôpital Rouge Valley à Toronto, ma vie était en grande partie comme celle de n’importe quel enfant de 12 ans. Je ne m’inquiétais pas de ce que je mangeais ou à quel point je ressentirais de la douleur cette journée-là. Cela n’est venu que plus tard. Pendant huit mois j’ai subi une quantité énorme de tests y compris endoscopies, coloscopies, IRM, ERM, échographies et une douzaine d’analyses sanguines. Au début de 2013, j’ai été transféré à Sick Kids à Toronto, le « Disney World des hôpitaux ».

À Sick Kids j’ai reçu un diagnostic d’atteinte gastro-intestinale à éosinophiles, maladie chronique rare; c’était une nouvelle douce-amère. J’avais enfin un diagnostic, mais j’ai appris qu’il y avait peu d’options de traitement et très peu de recherches sur cette maladie. Il semblerait que ma douleur abdominale était causée par un nombre élevé de globules blancs, appelés éosinophiles (é-o-sin-o-files), s’accumulant dans mon corps, phénomène probablement lié à ma longue liste d’allergies alimentaires. Au début j’étais très fâché. Je me disais : « J’ai passé toutes ces épreuves pour me retrouver avec un médicament qui goûte tellement affreux, pire que les choux de Bruxelles. » Trente minutes avant un repas, je devais mélanger le médicament avec cinq sachets d’édulcorant artificiel, puis l’avaler. C’est pendant cette période que je me suis retrouvé physiquement et mentalement abattu, non seulement en raison de la douleur, mais aussi à cause de la sensation d’isolement. J’étais isolé de presque tout le monde sauf ma famille proche. J’ai essayé de fréquenter l’école pour trois périodes par semaine (chaque période étant de 45 minutes), mais je devais aussi m’inscrire au programme d’enseignement à domicile du Conseil scolaire de Toronto afin de ne pas échouer. Il était très difficile pour moi de n’avoir aucune vie sociale. J’avais toujours été un enfant sociable et j’aimais me réunir avec mes amis; pas facile cependant lorsque l’on ne figure plus sur l’écran radar. Je ne pouvais parler de rien avec mes amis puisque je ne savais pas ce qui se passait à l’école. Je me trouvais au bout d’une très, très, très longue ligne téléphonique coupée.

Juste avant mon entrée à l’école secondaire, les médicaments ont commencé à aider et j’étais déterminé d’apporter des changements et de me réintégrer dans la société. C’était très difficile au début. Beaucoup de gens avaient des questions sur mon absence d’un an; je répondais de façon honnête la plupart du temps, mais c’était difficile. J’étais inquiet d’être perçu comme un genre de monstre et je craignais que parler de ma maladie aux gens les rende déprimés et qu’ils ne veuillent plus me parler. Il semble bien que la représentation des adolescents dans les médias comme des enfants immatures ne soit pas tellement précise puisqu’on ne m’a pas évité comme je m’y attendais.

Alors que j’écris ces mots, je suis à la veille de commencer ma 11e année et je suis entouré d’un groupe d’amis sympathiques qui m’aident à oublier la douleur. Voilà un des catalyseurs à la racine de mon récit de triomphe, l’autre étant l’exercice.

Alors que j’étais au plus bas, je passais une bonne partie de ma journée au sous-sol ou dans ma chambre avec les lumières fermées, à jouer des jeux vidéos ou à regarder la télévision et YouTube. Je dépendais de ces distractions pour aider avec la douleur, tout comme un alcoolique dépend de l’alcool pour atténuer sa douleur. Je suis d’accord que les distractions peuvent être utiles. En fait, la seule façon que je pouvais respirer sans souffrir d’hyperventilation durant mes pires moments de douleur était grâce à NHL 12, un jeu vidéo de hockey sur glace; il est cependant malsain et peu réaliste d’avoir à se fier à de tels moyens afin de ne pas ressentir de douleur.

J’ai décidé que cela ne pouvait plus durer et que j’en avais assez de m’apitoyer sur mon sort — je me suis alors joint à un centre de conditionnement physique. J’ai choisi un programme au moyen duquel je pouvais obtenir des progrès linéaires valorisants, me redonnant la confiance que j’avais perdue. Un programme d’exercice régulier m’a permis de regagner ma vie sociale et de me sentir mieux dans ma peau, et a aidé avec ma douleur. Je recommande aux personnes qui se trouvent dans une situation semblable à la mienne de faire de l’exercice et d’essayer de trouver des gens qui leur font profiter de la vie. Ce sont les bienfaits d’une bonne forme physique et mentale qui ont eu l’incidence la plus positive sur ma santé.


Jonathan Abbey
Photo : © Nancy Abbey
Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMC numéro 195 – 2015