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Atteintes gastro-intestinales à éosinophiles

Les éosinophiles (é-o-sin-o-files) sont un type de globules blancs qui constituent une composante normale du système immunitaire. En présence d’un déclencheur comme des allergies ou une infection, les éosinophiles s’accroissent et deviennent actifs. À court terme, cette réponse est importante et efficace pour débarrasser le corps des pathogènes. Certains tissus et organes du corps, y compris certaines sections du tractus gastro-intestinal (GI), sont habitués à la présence d’éosinophiles. Toutefois, un état pathologique peut se développer lorsque les éosinophiles se retrouvent là où ils n’y sont pas normalement de façon continue, entraînant alors une inflammation chronique. L’infiltration tissulaire et l’inflammation prolongées peuvent ultérieurement nuire à la fonction de l’organe touché.

Depuis les dernières années, les médecins diagnostiquent de plus en plus souvent chez les enfants et les adultes un groupe d’affections rares de cause inconnue, que l’on appelle atteintes gastro-intestinales à éosinophiles (EGID pour eosinophilic gastrointestinal disease). Les EGID se caractérisent par une inflammation chronique du tractus GI, causée par une quantité anormalement élevée d’éosinophiles en l’absence de toute autre cause (p. ex., infection ou allergie).

Les médecins classent les EGID en fonction de la région du corps où s’accumulent les éosinophiles. Chaque type requiert une surveillance. Il n’existe actuellement aucun remède pour les EGID.

  • L’œsophagite à éosinophiles (EoE) est le type le plus courant d’EGID et se caractérise par un grand nombre d’éosinophiles dans l’œsophage, endroit où ils seraient normalement absents. L’œsophage est le tube où s’acheminent les aliments de la bouche à l’estomac.
  • La gastro-entérite à éosinophiles (EG) touche l’estomac ou l’intestin grêle.
  • La colite à éosinophiles (EC) est la forme la plus rare d’EGID et présente des taux élevés d’éosinophiles dans le côlon.

Les EGID peuvent toucher les personnes de tout âge et de toute origine ethnique, bien que le sexe et la génétique semblent être des facteurs connexes. Les recherches ont révélé que 75 % des personnes atteintes d’une EoE sont de sexe masculin, et que de 70 à 80 % des personnes touchées souffrent aussi d’un autre trouble tel que l’asthme, l’eczéma, ou une allergie saisonnière ou alimentaire. Puisque la plupart des publications portent sur l’EoE, il y a une pénurie de données sur les interventions relatives à l’EG et à l’EC, celles qui existent étant souvent adaptées des études sur l’EoE. Malgré les progrès réalisés sur le plan de la connaissance et des critères de diagnostic de l’EoE, il est probable que chez de nombreuses personnes, l’EoE demeure non diagnostiquée.

 

Symptômes/Diagnostic

Une quantité trop élevée d’éosinophiles dans l’œsophage provoque une inflammation qui rend la déglutition difficile. Les symptômes varient d’une personne à l’autre et peuvent comprendre la difficulté à avaler les solides (notamment, viandes, riz et aliments plus secs comme le pain), la sensation de nourriture coincée après avoir mangé, les vomissements, le reflux, les brûlures d’estomac, de la douleur pendant la déglutition et la douleur abdominale ou thoracique. De nombreux patients se sont adaptés et ont appris à composer avec leur maladie en modifiant leurs comportements alimentaires (en évitant certains aliments susceptibles de déclencher des symptômes, en évitant de manger au restaurant, etc.). Cela peut donner lieu à l’isolement, à la peur et à l’anxiété sociale, et peut sérieusement nuire à la qualité de vie.

Chez les jeunes enfants, on peut observer des retards de croissance, des vomissements, le refus de nourriture et des difficultés de transition vers des aliments plus solides. Si l’EoE demeure non traitée, il y a généralement une persistance des symptômes et de l’inflammation, ce qui peut entraîner des dommages permanents à l’œsophage en raison de la cicatrisation et de la formation d’une sténose (rétrécissement de l’œsophage). Il peut en résulter une obstruction prolongée de l’œsophage, où les aliments qui y restent coincés (impaction du bol alimentaire) doivent être retirés par procédure d’urgence. L’évolution de l’EoE est chronique chez la plupart des patients et est caractérisée par une persistance des symptômes et une éosinophilie œsophagienne en l’absence d’un traitement approprié. La qualité de vie peut être améliorée grâce à un traitement efficace.

Les symptômes de l’EG sont encore moins précis, mais peuvent comprendre la diarrhée, les douleurs abdominales, les ballonnements, la satiété précoce, le gonflement (l’œdème) et l’anémie ferriprive. Les symptômes de l’EC sont habituellement des selles sanglantes et la diarrhée.

Malheureusement, de nombreuses personnes souffrant d’une EGID peuvent passer plusieurs années sans recevoir le bon diagnostic. En effet, les symptômes de l’EoE sont semblables à ceux d’autres maladies GI bien connues, telles que le reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique; les symptômes de l’EG sont semblables à ceux de la dyspepsie fonctionnelle; et les symptômes de l’EC sont semblables à ceux de la maladie de Crohn, de la colite ulcéreuse et de la maladie cœliaque. Les EGID sont des affections relativement récentes, dont le premier rapport date de 1978, pour lesquelles il n’y a qu’une faible sensibilisation générale et dont le diagnostic n’est pas toujours simple. Vous ne devez pas amorcer un traitement sans avoir tout d’abord consulté un gastro-entérologue, qui est apte à diagnostiquer ces affections.

À l’heure actuelle, la seule façon de diagnostiquer une EGID est au moyen de biopsies prélevées lors d’une endoscopie ou d’une coloscopie. Pendant l’endoscopie, le médecin insère par la bouche un tube flexible muni d’une lumière et d’une caméra vidéo minuscule (un endoscope) pour examiner l’œsophage, l’estomac et la première section de l’intestin grêle. Pendant la coloscopie, le médecin insère par l’anus un long tube flexible (un coloscope) pour visualiser l’intérieur du côlon. Pendant la biopsie, le médecin prélève un minuscule morceau de tissu qui sera examiné au moyen d’un puissant microscope. Le pathologiste qui examine les échantillons de biopsie cherchera la présence d’éléments caractéristiques des EGID, et comptera aussi le nombre d’éosinophiles présents. C’est la combinaison de symptômes pertinents et d’un nombre élevé d’éosinophiles qui mène au diagnostic d’une EGID.

Traitement

Le traitement varie selon la partie de l’appareil GI qui est touché. Il comprend habituellement des médicaments et des modifications au régime alimentaire, que prescrira un gastro-entérologue à la suite d’une évaluation exhaustive. L’apport multidisciplinaire d’un diététiste et d’un allergologue est souvent requis pour optimiser la gestion de l’affection. L’objectif du traitement est d’atténuer les symptômes et d’améliorer l’apparence endoscopique et histologique, c’est-à-dire de réduire le nombre d’éosinophiles dans le tissu touché ou, encore mieux, de les éliminer au complet. Les traitements doivent être individualisés, puisque ce qui fonctionne pour l’un peut ne pas fonctionner pour l’autre.

Les EGID nécessitent nécessite un traitement à long terme. Si les traitements sont interrompus, l’inflammation réapparaît généralement au bout de quelques mois, comme c’est le cas pour d’autres maladies chroniques.

Thérapie alimentaire

La thérapie alimentaire est une des principales méthodes de traitement. Elle peut être efficace, que vous ayez ou non déjà reçu un diagnostic d’une affection de type allergique.

Bien que cela ne soit pas intuitif, l’élimination des allergènes alimentaires les plus courants est plus efficace que l’élimination d’aliments s’appuyant sur des résultats de tests (appelée élimination ciblée). Ceci s’explique par le fait que ces tests sont conçus pour identifier les réactions allergiques immédiates (réactions à médiation IgE). Les tests d’allergie donnent un rendement très faible dans la gestion des EGID et ne sont donc pas recommandés de façon systématique.

Il existe diverses options de thérapie alimentaires; six catégories d’aliments constituent les allergènes les plus courants : les produits laitiers, le blé, les œufs, le soja, les arachides/noix et le poisson/les fruits de mer. Les aéroallergènes ont également été mis en cause chez un petit groupe de patients aux prises avec une EGID.

Les recommandations antérieures consistaient à supprimer tous les six groupes d’aliments pour ensuite les réintroduire progressivement si ce régime alimentaire s’avérait efficace (tel que déterminé par l’examen de biopsies). Or, les preuves démontrent maintenant qu’une thérapie qui élimine moins d’aliments peut être suffisante et plus durable. Cependant, il est important de noter que vous devez éliminer les aliments pendant une période prolongée, généralement huit semaines, pour déterminer si le régime est efficace. Une des approches consiste d’abord à éliminer un seul groupe, tel que les produits laitiers ou le blé. Une autre approche porte le nom de régime d’élimination progressive 2-4-6 (step-up). Cette thérapie par étapes consiste à éliminer les deux catégories d’aliments les plus allergènes (produits laitiers et blé), puis, si cela ne suffit pas, à éliminer les quatre catégories d’aliments les plus allergènes (produits laitiers, blé, œufs et soja) et, si cela ne suffit toujours pas, à éliminer les six catégories.

Bien qu’il n’existe pas de méthode parfaite pour effectuer les éliminations, il est essentiel que les essais d’élimination d’aliments soient suivis d’une endoscopie et de biopsies.

L’approche alimentaire la plus efficace est le régime élémentaire, qui consiste à boire uniquement un mélange équilibré spécialisé ne contenant aucune protéine intacte. Cette option est restrictive et difficile à suivre, étant donné que la nutrition provient seulement d’un mélange liquide d’acides aminés et non de la consommation d’aliments. La plupart des gens suivant ce régime doivent utiliser une sonde d’alimentation, puisque la préparation a un goût désagréable. De plus, celle-ci est très dispendieuse. La thérapie élémentaire n’est pas destinée à être un traitement à long terme et est pratiquée dans des circonstances exceptionnelles.

Quoique les approches alimentaires puissent être attrayantes, puisqu’elles offrent potentiellement un traitement efficace sans médicaments, elles limitent de façon substantielle les choix alimentaires quotidiens et peuvent donc avoir un impact sur la qualité de vie. D’autres facteurs importants, tels que l’aspect financier, doivent aussi être considérés par le patient souffrant d’une EGID. En premier lieu, les médecins ne recommandent pas d’éliminer les aliments au-delà des six groupes alimentaires mentionnés ci-dessus, car cela pourrait entraîner une mauvaise nutrition. Deuxièmement, selon le régime de soins médicaux adopté, le traitement peut être difficile sur le plan financier — la personne touchée peut ne pas avoir les moyens de consulter un diététiste ou de payer la préparation du régime élémentaire.

Au Canada, les services d’un diététiste peuvent rapidement entraîner un coût énorme pour les personnes qui ont besoin de conseils permanents. Comme le nombre de personnes aux prises avec cette maladie continue de s’accroître, il sera important d’aborder les problèmes d’accès au soutien d’un diététiste financé par des fonds publics, pour s’assurer que les patients reçoivent une nutrition convenable. Les gouvernements provinciaux devraient aussi réexaminer leurs critères d’admissibilité relativement à la couverture publique de toutes les préparations thérapeutiques médicales, telles que les préparations élémentaires. Par exemple, les personnes habitant en Ontario ne sont pas admissibles à cette couverture si elles peuvent tolérer certains aliments solides.

Médicaments

Il existe actuellement deux médicaments approuvés par Santé Canada pour le traitement de l’EoE. Le budésonide (Jorveza™) est un comprimé orodispersible qui aide à induire et à maintenir une rémission chez les adultes. Le dupilumab (Dupixent®) est un médicament administré par injection sous-cutanée hebdomadaire qui est offert aux personnes âgées de 12 ans et plus pesant au moins 40 kg (88 lb). Dupixent® est aussi approuvé pour l’asthme grave, la dermatite et la rhinosinusite chronique, affections qui coexistent parfois avec l’EoE. Les deux traitements réduisent l’inflammation de l’œsophage, mais ils le font par différents modes d’action : Jorveza™ est un corticostéroïde tandis que Dupixent® est un produit biologique.

Pour certaines personnes atteintes d’EoE, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) tels que l’oméprazole (Losec®), le lansoprazole (Prevacid®), le pantoprazole sodique (Pantoloc®), l’ésoméprazole (Nexium®), le rabéprazole (Pariet®), le pantoprazole magnésien (Tecta®) et le dexlansoprazole (Dexilant®) pourraient s’avérer efficaces. Dans le passé, les médecins utilisaient les IPP pour exclure un diagnostic d’EoE, puisqu’ils croyaient qu’une réponse positive aux IPP signifiait que les symptômes étaient le résultat d’un reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique plutôt que de l’EoE. Cependant, certaines recherches démontrent que les IPP pourraient également traiter l’EoE, grâce à leurs effets anti-inflammatoires et à leur capacité à réduire les lésions œsophagiennes chez les personnes souffrant à la fois de RGO et de l’EoE. Bien que ces médicaments soient approuvés pour le traitement du RGO, ils ne sont pas indiqués spécifiquement pour le traitement de l’EoE.

D’autres médicaments moins étudiés tels que les antihistaminiques (p. ex., le kétotifène), dont on se sert couramment pour traiter les affections comme le rhume des foins, l’asthme et l’eczéma, ont aussi été utilisés pour soulager les symptômes des EGID en empêchant le corps de réagir aux allergènes. Le montélukast (antagoniste des récepteurs des leucotriènes) a également été utilisé chez des patients atteints d’EoE.

Que la maladie soit contrôlée par des modifications à l’alimentation, des médicaments ou une combinaison des deux, il est important de noter que les symptômes réapparaissent souvent lorsque l’on met fin au traitement.

L’avenir

Les patients souffrant d’une EGID nécessitent des soins continus pouvant comprendre des endoscopies additionnelles pour évaluer à quel point le tube digestif répond au traitement en question. Une EGID non traitée peut entraîner une malnutrition, une croissance insuffisante et une anémie. Certaines personnes souffrant de l’EoE peuvent développer un rétrécissement de l’œsophage (sténose) ou connaître un remodelage œsophagien, ce qui peut entraîner des difficultés de déglutition et une impaction du bol alimentaire. L’on ignore combien de temps s’écoule avant que l’EoE donne lieu à la formation d’une sténose, mais, généralement, celle-ci se forme graduellement avec les années en présence d’une inflammation non contrôlée.

Le principe général consiste à contrôler l’inflammation pour prévenir les complications telles que les rétrécissements. Si la personne affligée d’une sténose a suivi un traitement efficace (généralement, la prise d’un médicament), une dilatation de l’œsophage (étirement avec un ballon ou un dilatateur) peut être indiquée. Il est important de garder à l’esprit que la dilatation ne traite pas l’état inflammatoire sous-jacent, mais qu’elle contribue plutôt à atténuer les symptômes et à réduire le risque additionnel d’une impaction alimentaire.

Le pronostic à long terme est incertain et il faudra encore beaucoup de travail, y compris des recherches poussées, pour trouver un remède. À ce jour, aucune preuve ne permet de conclure que l’EoE augmente le risque de cancer de l’œsophage. Nous avons besoin d’une sensibilisation accrue à ces affections — elles sont toujours mal connues au niveau des soins primaires, ce qui fait obstacle à un diagnostic en temps opportun. À la suite d’un diagnostic, l’orientation et les recommandations canadiennes en matière d’algorithmes diagnostiques et thérapeutiques, chez les enfants et les adultes, pourraient être très bénéfiques puisque tout gastro-entérologue devrait pouvoir faire preuve de compétence dans la gestion de ces affections.