Cliquez ici pour télécharger un fichier PDF contenant cette information.

Anémie ferriprive

Le mot anémie est dérivé du grec, signifiant « sans sang », l’affection étant caractérisée par une quantité de globules rouges insuffisante pour transporter l’oxygène partout dans le corps. Les causes de l’anémie sont nombreuses, y compris les maladies génétiques (telles que la drépanocytose), les carences alimentaires (y compris en fer, en acide folique ou en B12). Les affections comme la maladie cœliaque, la maladie de Crohn, les infections parasitaires intestinales et la maladie du foie, peuvent entraver la capacité du corps à utiliser les nutriments provenant des aliments. Cela se produit habituellement en raison d’une diminution de l’absorption, processus par lequel les nutriments traversent la paroi du tractus gastro-intestinal (GI) pour pénétrer dans la circulation sanguine. Lorsqu’une perturbation ou des dommages à la muqueuse du tractus GI se produisent, comme dans le cadre des maladies mentionnées ci-dessus, la capacité du corps à absorber bon nombre de nutriments (comme le fer) est réduite. C’est ce que l’on appelle la malabsorption. En absence d’une quantité suffisante de fer, le corps a de la difficulté à former des globules rouges en quantité suffisante ou correctement, entraînant une déficience de la partie du sang riche en fer (hémoglobine). Il en résulte une anémie ferriprive, la forme d’anémie la plus répandue dans le monde et représentant 50 % des cas.

L’apport moyen en fer d’un adulte est d’environ de 10 à 15 mg par jour, dont seulement 1 à 2 mg sont absorbés, le reste étant évacué du corps par les selles. L’apport quotidien recommandé pour les adultes âgés de 19 à 50 ans est de 8 mg pour les hommes et de 18 mg pour les femmes (sauf en cas de grossesse où la recommandation passe à 27 mg); pour les personnes de plus de 50 ans, la recommandation est de 8 mg à la fois pour les hommes et les femmes. Les cellules de la section de l’intestin grêle située juste après l’estomac (duodénum) absorbent le fer une fois que des enzymes ont transformé le fer présent dans les aliments, le faisant passer du fer ferrique (Fe3+) à un fer ferreux (Fe2+), plus facilement absorbé. Un environnement acide, au pH gastrique faible, est propice à ce processus. Si une quantité insuffisante de fer est ingérée, ou si l’organisme connaît des problèmes de conversion enzymatique ou qu’il n’arrive pas à maintenir un pH gastrique suffisamment bas, il se peut que le corps ne reçoive pas suffisamment de fer utilisable.

Le corps peut également perdre du fer en raison d’affections qui provoquent des saignements chroniques, telles que la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Avec le temps, si la perte de fer est plus importante que la capacité d’absorption, les réserves de fer du corps s’épuiseront.

Causes

La malabsorption est une cause courante d’une carence en fer chez les personnes souffrant d’une maladie digestive. Un faible apport en fer alimentaire, une perte accrue de fer par des saignements, les maladies génétiques ou une demande accrue de fer par l’organisme, sont d’autres causes courantes. Les femmes sont particulièrement susceptibles de développer une anémie ferriprive, puisque des saignements menstruels abondants et la grossesse augmentent les besoins en fer du corps.

Tableau 1 : Causes de l’anémie ferriprive

Malabsorption

  • maladie cœliaque
  • maladie de Crohn
  • diverticulose colique
  • hernie hiatale
  • hépatite chronique et affections hépatiques
  • gastrectomie antérieure
  • achlorhydrie et hypergastrinémie (utilisation fréquente d’antiacides ou d’inhibiteurs de la pompe à protons)
  • chirurgie de l’appareil digestif visant une perte de poids (chirurgie bariatrique)
  • infection à Helicobacter pylori
  • maladie rare se produisant lorsqu’une protéine anormale, appelée amyloïde, s’accumule dans les organes et fait obstacle à leur fonctionnement normal (amyloïdose)
  • autres types d’affections GI ayant endommagé ou compromis les sites d’absorption

Perte de fer

  • maladie inflammatoire de l’intestin (maladie de Crohn, colite ulcéreuse, proctite ulcéreuse)
  • ulcère (gastrique, duodénal, de Cameron)
  • certains types de polypes coliques ou gastriques
  • cancer (gastrique, œsophagien, de l’intestin grêle, colique)
  • gastrite, œsophagite
  • saignements aigus du tractus gastro-intestinal supérieur
  • utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène, le naproxène et l’aspirine, qui peuvent causer des hémorragies internes
  • infections parasitaires (ankylostome)
  • anomalies vasculaires (angiodysplasie, ectasie vasculaire gastrique antrale, angiomatose hémorragique familiale)
  • règles abondantes (ménorragie)
  • saignements de nez récurrents (épistaxis)
  • perte de sang urinaire
  • dégradation anormale des globules rouges (hémolyse intravasculaire chronique)
  • dons de sang réguliers, phlébotomie

Demande accrue en fer

  • adolescence
  • grossesse
  • traitement à l’érythropoïétine

Apport alimentaire insuffisant

Symptômes et complications

Les personnes souffrant d’anémie ferriprive peuvent fréquemment connaître des vertiges, une fatigue extrême, des maux de tête, un essoufflement, une lassitude et une faiblesse. D’autres signes et symptômes moins courants d’une anémie comprennent une pâleur extrême, des ongles cassants, des mains et des pieds froids, le syndrome des jambes sans repos et l’envie de manger des substances non alimentaires comme de la glace et de la terre (pica). Si la carence en fer n’est pas traitée, elle peut entraîner des complications telles qu’une fréquence cardiaque rapide ou irrégulière, puisque le cœur doit pomper davantage de sang pour compenser le manque d’oxygène. Cela peut également causer un élargissement du cœur ou une insuffisance cardiaque avec le temps. L’on a signalé des naissances prématurées ainsi qu’un faible poids à la naissance chez les bébés dont la mère souffrait d’une grave anémie ferriprive; des retards de croissance et de développement ont également été observés chez ces bébés.

Signes et symptômes de l’anémie ferriprive

  • fatigue ou lassitude
  • essoufflement
  • faiblesse
  • vertiges ou étourdissements
  • maux de tête
  • pâleur de la peau
  • douleurs à la poitrine, battements cardiaques rapides
  • mains et pieds froids
  • ongles cassants
  • perte d’appétit (souvent chez les jeunes enfants et les nourrissons)
  • envie pour des substances non alimentaires (pica)

Diagnostic

La fatigue générale, la lassitude et l’essoufflement poussent la plupart des personnes atteintes d’une anémie non diagnostiquée à consulter leur médecin. Pour diagnostiquer une anémie ferriprive, votre médecin évaluera vos symptômes et vous demandera probablement de fournir des échantillons à des fins d’analyse en laboratoire. Habituellement, un échantillon de sang est requis pour mesurer les réserves de fer et évaluer la taille, la couleur et la quantité de globules rouges, et un échantillon de selles pourrait être requis pour vérifier si vous perdez du sang (et du fer). Typiquement, le taux d’hémoglobine, le pourcentage du sang constitué de globules rouges (hématocrite) et la quantité d’une protéine indicatrice de la réserve de fer dans le corps (ferritine) sont généralement faibles si vous souffrez d’une anémie ferriprive. Si votre médecin soupçonne une malabsorption, vous devrez peut-être subir d’autres tests, y compris une échographie, une endoscopie et une coloscopie, permettant à votre médecin de visualiser tout changement dans l’abdomen et le tractus digestif pouvant être à l’origine d’une malabsorption.

Gestion

Modifications à l’alimentation

Bon nombre de personnes souffrant d’anémie ferriprive devront prendre des suppléments afin d’adéquatement augmenter leur réserve de fer et d’améliorer la quantité et la qualité de leurs globules rouges. Cependant, il peut quand même être bénéfique de consommer des aliments riches en fer.

Il existe deux types de fer absorbable : le fer hémique et le fer non hémique. Le fer hémique, provenant de l’hémoglobine et de la myoglobine d’origine animale comme la viande, les fruits de mer et poissons, et la volaille, est plus facilement absorbé. Les mollusques et crustacés, le foie et la viande rouge sont de très bonnes sources de fer hémique, mais la plupart des viandes, des fruits de mer et poissons, et les œufs constituent de bonnes options. Le fer non hémique, provenant de plantes et retrouvé dans les aliments enrichis de fer et dans la plupart des suppléments de fer, est moins bien absorbé. Les haricots, les lentilles, le tofu, les épinards, les grains enrichis, les noix et les graines, et la mélasse de cuisine sont une bonne source de fer non hémique. Vous pouvez augmenter la quantité de fer non hémique que votre corps absorbe en mariant des aliments riches en fer à ceux riches en vitamine C. Pour en savoir plus sur l’augmentation de votre taux de fer par l’alimentation, consultez un diététiste.

Suppléments oraux de fer

La prise de fer sous forme de comprimés oraux est la façon la plus simple et la plus accessible de reconstituer les réserves de fer. Il existe toute une variété de suppléments de fer. Ceux en vente libre sont les plus courants, mais les pharmaciens conservent certains de ces produits derrière le comptoir, puisque leur utilisation nécessite la prestation de conseils approfondis; renseignez-vous auprès de votre pharmacien à leur sujet.

Les suppléments de fer sont disponibles en une variété de sels de fer, de dosages et de formes posologiques. Un pharmacien peut vous aider à interpréter l’ordonnance de votre médecin ou peut vous recommander le meilleur produit en fonction de vos besoins individuels. Il peut également vous aider à choisir une dose, si votre médecin ne vous en a pas fourni une.

L’administration orale habituelle des suppléments de fer se fait en une dose deux à trois fois par jour, mais les experts ont récemment constaté que la thérapie d’un jour sur deux comporte moins d’effets secondaires. Certaines études ont évalué l’utilisation d’une dose tous les deux jours visant à réduire la consommation du produit sur une période de deux jours. Une étude en particulier a comparé une prise de 200 mg de sulfate ferreux deux fois par jour à une prise de 400 mg une fois tous les deux jours. Bien que le dosage biquotidien ait donné lieu à une augmentation plus rapide de l’hémoglobine, il occasionnait une augmentation du taux d’effets secondaires, en particulier des nausées. Ce type d’étude est utile, car il fournit des suggestions qui aident à personnaliser le traitement et qui permettent à chacun d’envisager les risques et les avantages des différentes options thérapeutiques et des différents régimes posologiques.

Les suppléments de fer non hémique à prise orale offrent une récupération progressive du fer. Il peut prendre plusieurs mois pour reconstituer les niveaux et les réserves de fer. Les produits de fer hémique à prise orale agissent plus rapidement que les produits de fer non hémique.

Quelques mises en garde

Certains spécialistes du marketing prétendent que leurs produits à base de fer sont mieux absorbés que d’autres, mais aucun essai clinique comparatif définitif n’a été mené pour étayer ces affirmations. De plus, chaque personne a un processus digestif et des caractéristiques GI qui lui sont uniques.

Méfiez-vous des produits à base de fer qui prétendent occasionner moins d’effets secondaires que d’autres suppléments, puisque cela peut s’expliquer par le fait que la dose de ce produit (ou la quantité de fer dans celui-ci) est inférieure à celle des autres. Il existe sur le marché de plus récents produits qui sont constitués de molécules de fer liées à des sels ou à des sucres différents; certains sont présentés comme des produits d’origine naturelle qui tentent d’améliorer le profil des effets secondaires du fer. Les études sur ce type de produits ne sont pas toujours rigoureuses et pourraient ne pas comparer de manière adéquate l’efficacité et l’innocuité du produit à ceux des suppléments de fer standard utilisés pour traiter l’anémie ferriprive. Pour cette raison, il peut être difficile de déterminer si ces produits d’origine naturelle prétendant être mieux absorbés et tolérés, ou ceux faits de fer hémique, sont réellement meilleurs que les sels de fer, tels que le sulfate ferreux, le gluconate ferreux et le fumarate ferreux. Certaines personnes soutiennent qu’ils sont meilleurs et estiment que leur coût relativement plus élevé en vaut la peine. Discutez avec votre médecin ou votre pharmacien des options qui vous conviennent le mieux et évitez de prendre au mot les allégations de marketing, y compris celles portant sur les effets secondaires.

Parmi les effets secondaires courants des suppléments de fer à prise orale, citons les maux d’estomac, les selles noires et la constipation, ainsi que les taches dentaires provoquées par l’utilisation continue de produits liquides.

Perfusion de fer par voie intraveineuse (IV)

Il est impossible pour certaines personnes d’absorber la quantité de fer souhaitée par l’entremise du tube digestif en raison du besoin d’une forte dose de fer, d’un état de malabsorption ou du développement d’effets secondaires GI intolérables avec le fer à prise orale. Les personnes qui ont subi des pertes sanguines importantes ou celles dont le taux de fer est très faible peuvent nécessiter une reconstitution immédiate et importante de leur fer. L’administration par voie IV est l’option la plus efficace pour les personnes qui se classent dans de telles catégories puisqu’elle peut fournir plus rapidement une grande quantité de fer à l’organisme. Les personnes qui reçoivent du fer par voie IV connaissent une atténuation plus rapide de leurs symptômes et, en fait, ressentent souvent un soulagement immédiat des symptômes occasionnés par l’anémie. Cependant, l’un des désavantages qui accompagnent l’administration du fer par voie IV est la perfusion elle-même et les effets secondaires qui l’accompagnent. Ceux-ci comprennent les infections, les maux de tête, les nausées et les vomissements et, quoique rares, les éruptions cutanées et les réactions allergiques.

Les plus anciens produits à base de fer pour administration IV, p. ex., le fer-dextran (Dexiron®), le complexe de gluconate ferrique (Ferrlecit®) et le fer-saccharose (Venofer®), nécessitent généralement plusieurs (trois ou plus) perfusions de plus longue durée (2 à 3 heures) toutes les 4 à 6 semaines.

Le fer-isomaltoside 1000 (Monoferric®) est une nouvelle préparation intraveineuse à base de fer, récemment commercialisée et approuvée par Santé Canada pour le traitement de l’anémie ferriprive chez les adultes qui présentent une intolérance ou une absence de réponse à la thérapie ferrique orale. Ce produit requiert généralement une perfusion de 30 minutes et produit une augmentation plus rapide du taux d’hémoglobine sans toutefois aggraver les effets secondaires. Les professionnels de la santé formés pour gérer les effets secondaires et les réactions allergiques connexes qui pourraient survenir, administrent typiquement les perfusions de fer en milieu hospitalier ou en consultation externe. Étant donné que la plupart des réactions se produisent dans les 30 minutes suivant la perfusion, on pourrait vous demander de rester dans l’aire de soins aux patients après votre perfusion.

Une perfusion de fer pourrait ne pas augmenter le taux d’hémoglobine immédiatement; les effets sont habituellement observés après quelques semaines, variant selon l’état du patient, le produit et la dose utilisée. Si la supplémentation en fer n’est pas efficace ou si la situation exige une réponse immédiate afin d’accroître le taux d’hémoglobine ou le nombre de globules rouges fonctionnels, une transfusion sanguine pourrait être nécessaire, et ce, habituellement en milieu hospitalier.

Un nombre réduit de perfusions de fer dont la durée est raccourcie pourrait potentiellement réduire la fréquence des effets secondaires et apporter des économies au système de soins de santé.

L’avenir

Quoique nous ne puissions pas toujours corriger la malabsorption, l’anémie ferriprive qui en résulte peut être traitée afin de gérer les symptômes connexes. Des études sont en cours pour identifier de nouveaux agents qui sont mieux absorbés par voie orale, ainsi que des versions IV plus pratiques à administrer et mieux tolérées. Il pourrait être bénéfique de rendre le fer IV plus accessible puisque les médecins le reconnaissent comme une solution de rechange plus efficace aux suppléments oraux chez certains patients.