Obésité — Mise à jour 2022

Des groupes du monde entier se penchant sur l’obésité ont élaboré de nouvelles lignes directrices pour le traitement des adultes vivant avec l’obésité. Ils ont été inspirés par les travaux acharnés réalisés par Obésité Canada, publiés en 2020 dans le Journal de l’Association médicale canadienne.1

En mai 2022, l’Organisation mondiale de la Santé a émis une alerte selon laquelle l’Europe est confrontée à une épidémie croissante de surpoids et d’obésité. En octobre 2022, l’Irlande est devenue le premier pays à adopter la norme d’excellence établie par Obésité Canada et appuyée par la Irish Coalition for People Living with Obesity.

Des réunions ont mis l’accent sur un aspect essentiel de l’obésité : elle est attribuable à une interaction complexe de facteurs environnementaux et biologiques, et non à un choix conscient.

Afin de lutter contre les inégalités en matière de santé, l’obésité doit être reconnue au même titre que d’autres maladies, telles que le diabète de type 2, la maladie du cœur, l’hypertension, l’apnée du sommeil, la sclérose en plaques, l’arthrite et les maladies pulmonaires chroniques. Il est également essentiel que l’accès aux traitements pour l’obésité soit financé tout comme pour les autres maladies, qu’il s’agisse d’une chirurgie bariatrique, de médicaments ou d’interventions par des diététistes.

Les Lignes directrices canadiennes de pratique clinique de l’obésité chez l’adulte, disponibles en ligne2, soulignent que l’obésité est une maladie chronique complexe, évolutive et récidivante et fort répandue, qui se caractérise par une accumulation anormale ou excessive de graisses corporelles (adiposité) nuisible à la santé. Le document contient des points clés à l’intention des patients et des professionnels de la santé, ainsi que des recommandations pharmacologiques ayant fait l’objet d’une rigueur académique.

Malheureusement, la stigmatisation, qui lie l’obésité au mode de vie plutôt qu’à une maladie chronique, fait obstacle à son traitement.

« Quand une fleur ne fleurit pas, on corrige l’environnement dans lequel elle est cultivée et non la fleur. » Alexander Den Heijer

Statistiques sur l’obésité chez les adultes au Canada3

En 2018, 26,8 % des Canadiens de 18 ans et plus (soit environ 7,3 millions d’adultes) ont déclaré une taille et un poids les classant dans la catégorie des personnes obèses. De plus, 9,9 millions d’adultes additionnels (36,3 %) ont été classés dans la catégorie des personnes en surpoids, ce qui portait à 63,1 % la proportion totale de Canadiens s’exposant à des risques accrus pour la santé en raison d’un excès de poids. Il s’agit d’une augmentation par rapport à 2015, alors que 61,9 % des Canadiens de 18 ans et plus étaient en surpoids ou obèses.

De façon générale, la proportion d’adultes en situation de surpoids ou d’obésité était plus élevée chez les hommes (69,4 %) que chez les femmes (56,7 %). En fait, la proportion de personnes souffrant de surpoids ou d’obésité était supérieure chez les hommes dans tous les groupes d’âge, dès l’âge de 20 ans.

Obésité et affections gastro-intestinales

Un article récemment publié dans le United European Gastroenterology Journal4 a rapporté les liens entre l’obésité et diverses affections gastro-intestinales (GI).

La situation a radicalement changé au cours des dernières décennies en ce qui concerne certaines maladies, comme la maladie inflammatoire de l’intestin (MII), où l’on a observé une augmentation importante du nombre de patients atteints d’une MII qui sont en surpoids et qui souffrent de problèmes liés à l’obésité. La maladie de Crohn, qui était auparavant presque synonyme de malnutrition et de perte de poids, est aujourd’hui caractérisée par une obésité ou un surpoids accompagné de malnutritions et d’une perte de masse musculaire. L’obésité chez les patients atteints de la MII compromet sensiblement l’application de nombreux traitements, tels que les traitements biologiques et la chirurgie. Dans certains cas, il est nécessaire de perdre du poids avant d’entreprendre un traitement biologique ou une chirurgie en lien avec la MII. Le problème est légèrement moins prononcé dans le cas de la colite ulcéreuse.

Le surpoids et l’obésité deviennent un problème de plus en plus courant, même chez les patients atteints de la maladie cœliaque, ainsi que chez les patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable, ce qui soulève des questions quant à l’influence potentielle du microbiome. Des recherches plus poussées sont requises dans ce domaine.

Le lien entre le reflux gastro-œsophagien pathologique et l’obésité est bien connu. Parmi les interventions liées à cette maladie, on compte les changements de mode de vie, les régimes amaigrissants et la chirurgie bariatrique.

La maladie hépatique stéatosique associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD) est la pathologie gastro-intestinale la plus fréquemment associée au surpoids et à l’obésité.

La sensibilisation au surpoids et à l’obésité en gastro-entérologie présente un intérêt particulier.

Régimes amaigrissants

Les médias sociaux nous bombardent de publicités offrant des solutions magiques pour résoudre le problème de l’obésité, mais ces fausses affirmations n’ont aucun fondement scientifique. Certains régimes à la mode peuvent fonctionner temporairement, puisqu’ils nous poussent à entrer en mode d’hyperconcentration et à sévèrement limiter notre consommation alimentaire. Cependant, ils ne fonctionnent pas à long terme, étant donné qu’ils ne peuvent pas être maintenus et peuvent entraîner des répercussions négatives sur la santé.

En août 2022, le Dr Yoni Freedhoff, directeur médical du Bariatric Medical Institute à Ottawa, a publié en ligne5 que les régimes les plus rétrogrades, les plus inversés, les plus antiscientifiques et les plus absurdes du monde fonctionnent à court terme, puisque la souffrance à court terme pour perdre du poids est une compétence que l’humanité cultive assidûment depuis au moins 100 ans. Il a ajouté que nous sommes vraiment doués dans ce domaine!

L’une des allégations alimentaires qui nous tracassent ici, à la Société GI, est qu’il est possible de modifier le pH de son tube digestif. Cette affirmation est tellement écartée de la biologie fondamentale qu’elle en est tout simplement risible. Par exemple, les partisans du régime alcalin affirment que la consommation d’aliments au pH élevé augmente le pH de votre sang, vous protégeant ainsi de toutes sortes de maladies, y compris le cancer. En réalité, de différentes parties de notre corps maintiennent des niveaux de pH très particuliers. Par exemple, l’estomac affiche un pH de 2 à 3,5, ce qui est très acide, tandis que le sang a un pH de 7,35 à 7,45, ce qui est légèrement basique. Ces niveaux de pH sont étroitement régulés dans le corps, et un écart du pH sanguin peut être fatal. Le fait le plus important à retenir est que les aliments que nous mangeons n’ont aucune influence sur le pH sanguin.

Les partisans de régimes peuvent prétendre qu’il existe un complot visant à étouffer leurs idées, mais ils critiquent généralement la science nutritionnelle traditionnelle.

De nombreux régimes à la mode promettent une perte de poids rapide, au-delà de ce qui est sûr ou possible, et ce, en exerçant peu d’efforts. Ils présentent souvent l’exemple de personnes qui prétendent avoir réussi et affirment que si celles-ci peuvent le faire, vous devriez pouvoir le faire aussi. Ces régimes semblent généralement trop beaux pour être vrais, mais leurs partisans peuvent vous convaincre qu’ils fonctionneront, comme par intervention magique ou divine.

Certains régimes diabolisent des aliments spécifiques ou des classes d’aliments, donnant lieu à une élimination de nutriments ou à l’abus d’autres aliments. Ils parlent souvent de combinaisons alimentaires afin de créer l’illusion d’une découverte.

Un autre signal d’alarme est l’obligation d’acheter des suppléments exclusifs qui fonctionnent à merveille et que personne d’autre ne vend. Souvent, on prétend qu’il est possible de réussir sans suivre un régime alimentaire sain traditionnel. Méfiez-vous des régimes nécessitant une inscription à un programme d’adhésion ou l’achat de plans de repas coûteux, et vérifiez toujours que les régimes proviennent d’une source crédible supervisée par des diététistes professionnels.

Les auteurs de régimes font parfois entrer en jeu des méthodes alambiquées qui vous obligent à regarder de longues vidéos ou des webinaires sur les médias sociaux. Ceux-ci s’appuient généralement sur des témoignages et des histoires anecdotiques non prouvées, souvent d’une célébrité ou d’une personne à la personnalité pétillante qui prétend avoir retrouvé vigueur et vitalité. Ils prétendent tous offrir la prochaine meilleure chose à laquelle personne n’a jamais pensé, ou une technique secrète remontant à plusieurs siècles.

Il y a aussi les régimes de désintoxication, qui sont insensés étant donné que le corps est équipé de son propre organe de désintoxication, le foie. Le foie joue un rôle important dans la désintoxication et la décomposition des poisons toxiques, des drogues, de l’alcool et des déchets. Chez les patients souffrant d’insuffisance hépatique, ces substances indésirables ont tendance à s’accumuler dans l’organisme et peuvent entraîner des toxicités. Les prétendus régimes de désintoxication sont toutefois inutiles à cet égard.

Les régimes les plus dangereux sont ceux qui prétendent offrir un remède miracle pour des maladies spécifiques, voire un remède contre toutes les maladies. Ces régimes peuvent être nocifs même pour les gens en très bonne santé, et peuvent donc provoquer de graves problèmes de santé pour ceux qui le sont moins. Un tel produit, présenté comme une bonne source de fibres pour la maladie de Crohn, a été retiré du marché après avoir occasionné des occlusions intestinales. Les mises en garde n’avaient pas été divulguées aux clients — elles étaient seulement indiquées dans un livre devant être acheté séparément du vendeur.6

Nous sommes exploités au moyen de matériel promotionnel extravagant et d’offres uniques et exclusives qui garantissent une perte de poids. La seule chose que nous pouvons perdre à long terme est notre argent, et peut-être notre tranquillité d’esprit.

Vous croyez que les édulcorants artificiels sont utiles?

Dans le cadre d’une récente étude approfondie et bien documentée,7 des chercheurs ont testé quatre édulcorants non nutritifs (ENN) — la saccharine, le sucralose, l’aspartame et la stévia — en les comparant à deux groupes témoins, l’un recevant du glucose et l’autre aucun édulcorant. Cette étude ouverte, multi-bras, contrôlée et randomisée, évaluait les effets d’une supplémentation à court terme d’édulcorants non caloriques sur le microbiome, la tolérance au glucose et d’autres paramètres de santé chez des adultes en bonne santé. Ils ont constaté, chez les quatre groupes recevant un ENN, une altération importante et distincte du microbiome intestinal et oral. Un tel effet n’a pas été observé chez les deux groupes témoins.

Le principal paramètre à l’étude était la glycémie, mesurée lors de tests de tolérance au glucose standardisés effectués à l’aide d’un glucomètre continu. Les paramètres secondaires comprenaient une évaluation du microbiome au moyen d’échantillons prélevés des selles et de la bouche, ainsi que d’autres mesures anthropométriques.

Les éléments fondamentaux de l’anthropométrie sont la taille, le poids, la circonférence crânienne, l’indice de masse corporelle (IMC), les circonférences de la taille, des hanches et des membres, ainsi que l’épaisseur des plis cutanés.

Au total, 120 participants, 20 dans chaque groupe, ont terminé l’essai avec succès, ayant obtenu un nombre suffisant de mesures de glucose à des fins d’analyse. Les chercheurs ont constaté que deux des ENN, la saccharine et le sucralose, influent sensiblement sur la tolérance au glucose chez les adultes en bonne santé.

En outre, les ENN ont eu un effet considérable sur le microbiome intestinal, l’effet le plus marqué étant observé avec le sucralose. Les ENN pourraient modifier la fonction du microbiome et donner lieu à des changements glycémiques. Ils pourraient interagir avec les récepteurs du goût sucré ou du goût amer dans l’intestin, provoquant des effets en aval sur le microbiome et même sur le système immunitaire. Les auteurs de l’étude suggèrent que des recherches plus poussées sont nécessaires pour surveiller l’effet de ces édulcorants artificiels.

La malnutrition et l’obésité sont étroitement liées

Avec la montée en flèche des taux d’inflation au Canada en 2022, surtout en ce qui concerne les aliments, bon nombre de personnes ont du mal à obtenir des aliments nutritifs à un coût abordable. Que fait-on lorsque confronté à ces défis de la vie? On choisit d’économiser. Les étagères de nos épiceries sont remplies d’aliments bon marché, riches en calories, mais peu nutritifs. La variété et la disponibilité des aliments nutritifs peuvent également dépendre de l’endroit où l’on habite. Le Canada est un vaste pays, dont un grand nombre de personnes habitent dans des régions éloignées où il est presque impossible d’obtenir des produits frais.

Bien que la malnutrition soit généralement attribuée à l’ingestion de trop peu de calories, elle peut aussi se manifester par la consommation d’aliments inadéquats sur le plan nutritionnel, généralement par nécessité financière. Notons que les aliments bon marché, plus riches en glucides, sont pro-inflammatoires.

Les habitudes de sommeil chez les enfants influent sur leur alimentation

Un sommeil insuffisant est également un important facteur de risque indépendant de l’obésité chez les enfants. Des recherches intéressantes menées en Nouvelle-Zélande montrent qu’une modification des habitudes de sommeil des enfants influe sur ce qu’ils mangent et les moments où ils mangent, ainsi que sur leur activité physique. Au cours de l’essai croisé randomisé DREAM (Daily Rest, Eating, and Activity Monitoring — Surveillance quotidienne du repos, de l’alimentation et de l’activité physique),8 les chercheurs ont modifié les habitudes de sommeil d’enfants âgés de 8 à 12 ans pour déterminer si cela influençait leur alimentation ou leur niveau d’activité physique.

Les chercheurs ont suivi les enfants pendant plusieurs semaines, une des semaines étant consacrée à l’observation des habitudes de sommeil normal et deux autres semaines à des interventions du sommeil. Pendant les interventions du sommeil, les enfants ont été invités à se coucher une heure plus tôt que d’habitude pendant une semaine et à se coucher plus tard que d’habitude pendant une autre semaine. Les chercheurs ont effectué des mesures minutieuses en vue de comprendre si la fatigue a réellement une incidence sur les habitudes alimentaires et l’activité physique des enfants.

Les chercheurs de l’étude DREAM ont constaté qu’en dormant moins, les enfants consommaient plus de calories, en particulier celles provenant d’aliments de mauvaise qualité et d’aliments hautement transformés. Fait intéressant, les habitudes d’activité physique des enfants ont très peu changé.

La prochaine étape consistera à explorer les ressources nécessaires à l’amélioration du sommeil des enfants. La mise au point d’interventions efficaces visant à améliorer le sommeil des enfants pourrait jouer un rôle important dans la prévention et le traitement de l’obésité infantile. D’autres études sur le sommeil et les habitudes alimentaires ont obtenu des résultats semblables.9,10,11,12


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 224 – 2022
1. Warton, S. et al L’obésité chez l’adulte : ligne directrice de pratique clinique. JAMC, 4 août 2020 192 (31) E875-E891; DOI: https://www.cmaj.ca/content/192/49/E1757.
2. L’obésité chez l’adulte : Lignes directrice de pratique clinique. Obésité Canada https://obesitycanada.ca/fr/deslignesdirectrices/
3. Statistics Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-625-x/2019001/article/00005-eng.htm Accessed 2022-11-15
4. Krznaric, Z. Burden of obesity in gastrointestinal and liver diseases. United European Gastroenterol J, 2022. 10: 629-630. https://doi.org/10.1002/ueg2.12302
5. Freedhoff, Y. ‘Stop Pretending’ There’s a Magic Formula to Weight Loss. Medscape Commentary. https://www.medscape.com/viewarticle/979229_print
6. Seligson H. Lawsuit: Health influencer’s diet made people sick. Rolling Stone, Oct 12, 2022 https://www.rollingstone.com/culture/culture-news/lawsuit-f-factor-diet-zuckerbrot-influencers-sick-1234608445/
7. Suez, J. et al. Personalized microbiome-driven effects of non-nutritive sweeteners on human glucose tolerance Cell. Vol 185, Issue 18, p3307-3328.e19, September 1, 2022. https://doi.org/10.1016/j.cell.2022.07.01
8. Ward AL, Galland BC, Haszard JJ, Meredith-Jones K, Morrison S, McIntosh DR, Jackson R, Beebe DW, Fangupo L, Richards R, Te Morenga L, Smith C, Elder DE, Taylor RW. The effect of mild sleep deprivation on diet and eating behaviour in children: protocol for the Daily Rest, Eating, and Activity Monitoring (DREAM) randomized cross-over trial. BMC Public Health. 2019 Oct 22;19(1):1347.
9. Ward AL, Reynolds AN, Kuroko S, Fangupo LJ, Galland BC, Taylor RW. Bidirectional associations between sleep and dietary intake in 0-5 year old children: A systematic review with evidence mapping. Sleep Med Rev. 2020 Feb;49:101231.
10. Ward AL, Jospe M, Morrison S, Reynolds AN, Kuroko S, Fangupo LJ, Smith C, Galland BC, Taylor RW. Bidirectional associations between sleep quality or quantity, and dietary intakes or eating behaviors in children 6–12 years old: A systematic review with evidence mapping. Nutrition Reviews. Published online 13 January 2021. doi: 10.1093/nutrit/nuaa125
11. Morrison S, Galland BC, Haszard JJ, Jackson R, McIntosh DR, Beebe DW, Elder DE, Ward AL, Meredith-Jones K, Taylor RW. Eating in the absence of hunger in children with mild sleep loss: a randomized crossover trial with learning effects. Am J Clin Nutr. 2021 Oct 4;114(4):1428-1437. doi: 10.1093/ajcn/nqab203.
12. Jackson R, Haszard JJ, Morrison S, Galland BC, McIntosh D, Ward AL, Meredith-Jones KA, Taylor RW. Measuring short-term eating behaviour and desire to eat: Validation of the child eating behaviour questionnaire and a computerized ‘desire to eat’ computerized questionnaire. Appetite. 2021 Dec 1;167:105661. doi: 10.1016/j.appet.2021.105661.
Photo : © IndiaPix | stock.adobe.com