Biomarqueurs sanguins pour le diagnostic du SII-D

Lorsque les patients présentent des symptômes de diarrhée chronique, les médecins finissent souvent par diagnostiquer le syndrome de l’intestin irritable avec diarrhée (SII-D), la maladie inflammatoire de l’intestin (principalement la maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse), ou la maladie cœliaque. Alors qu’il existe des tests très précis pour la détection de la maladie cœliaque et de la maladie inflammatoire de l’intestin (MII), le dépistage du SII est à la traîne, puisqu’il comporte des critères de diagnostic s’appuyant sur les symptômes et l’élimination d’autres diagnostics, méthodes pouvant être moins précises et plus longues qu’un test diagnostique.

Cependant, les chercheurs ont fait des progrès dans le développement d’autres méthodes pour diagnostiquer le SII et ont réussi à en apprendre davantage sur sa pathogenèse. Par exemple, dans notre bulletin précédent, nous avons parlé d’un test qui utilise des biomarqueurs urinaires.1 Dans le présent numéro, nous vous présentons un aperçu d’un autre test par biomarqueur. Une fois les étapes d’identification, de validation et d’amélioration terminées, un groupe de scientifiques a réussi à cerner des biomarqueurs sanguins permettant de différencier le syndrome de l’intestin irritable avec diarrhée (SII-D) de la maladie inflammatoire de l’intestin (MII).

Le SII est un trouble chronique présentant des symptômes allant des douleurs abdominales et ballonnements à la constipation ou à la diarrhée (ou les deux). Cette affection gastro-intestinale, la plus courante au monde, compte trois principaux sous-types : le SII avec constipation (SII-C), le SII avec diarrhée (SII-D) et le SII avec constipation et diarrhée (mixte) (SII-M). Les modifications alimentaires et au mode de vie aident énormément à gérer les symptômes, tandis que des médicaments sous ordonnance ou en vente libre peuvent également être utiles.

La MII est un terme qui fait principalement référence à deux maladies : la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Dans la maladie de Crohn, l’inflammation se produit dans n’importe quelle partie du tube digestif et peut traverser toute l’épaisseur de la paroi intestinale. En revanche, dans la colite ulcéreuse, l’inflammation se limite à la muqueuse interne du gros intestin, débutant à l’anus et progressant vers le haut dans le côlon. Les symptômes les plus courants de la MII sont la diarrhée, la douleur abdominale, la fièvre, le saignement rectal, la perte de poids et l’anémie. En général, les médecins diagnostiquent la MII au moyen d’une endoscopie et la traitent avec une variété de médicaments puissants.

Bien que le SII et la MII soient deux affections gastro-intestinales distinctes, de nombreuses personnes les confondent. Cela dit, il est facile de comprendre le risque de confusion entre le SII-D et la MII, étant donné que ces affections partagent le symptôme de diarrhée.

Implications des biomarqueurs validés pour le SII

Grâce à l’identification de deux biomarqueurs nommés anti-vinculine et anti-entérotoxine cytolétale et distendante B (anti-CdtB) par analyse sanguine,2 les chercheurs de l’étude ont pu approfondir leurs études dans une analyse subséquente,3 améliorant ainsi de façon significative la précision du test. Non seulement ces biomarqueurs différencient-ils le SII-D d’autres troubles digestifs présentant des symptômes de diarrhée chronique, mais ils facilitent également le diagnostic du SII-D chez les nouveaux patients. Il est intéressant de noter que leurs constatations ont également fourni des éléments de preuve pour remettre en question le point de vue dominant selon lequel le SII est un trouble fonctionnel causé par une hypersensibilité au système nerveux, aux bactéries intestinales et aux facteurs psychologiques (c.-à-d. le stress). Ils émettent l’hypothèse que l’affection — ou du moins un de ses sous-types — est issue d’une interaction biologique, ce qui offre des pistes de solution pour un traitement curatif.

Les résultats de leurs études comblent une grave lacune dans les pratiques cliniques visant le SII, ce qui pourrait mener au remplacement des méthodes diagnostiques actuelles par un prélèvement sanguin. Cela offre de grandes possibilités de réduire non seulement les coûts de soins de santé découlant de tests d’exclusion, mais aussi la fatigue du patient. Ces biomarqueurs peuvent également être primordiaux pour les patients atteints à la fois du SII et de la MII, où la diarrhée chronique continue peut en fait être le résultat du SII et peut dissimuler le rétablissement de la MII.

De plus en plus d’études révèlent que la gastroentérite est une cause probable d’un sous-type du SII, connu sous le nom de SII post-infectieux (SII-PI) et qui touche de 5 à 32 % des personnes ayant connu une gastroentérite.4 La gastroentérite, une inflammation de l’estomac et des intestins, est principalement déclenchée par une infection bactérienne par des organismes comme Campylobacter jejuni, Escherichia coli, Salmonella ou Shigella. Une toxine commune à ces infections est l’entérotoxine cytolétale et distendante (Cdt), laquelle compte trois sous-unités appelées CdtA, CdtB et CdtC. Les chercheurs se sont concentrés sur la CdtB parce que cette toxine interagit avec une protéine hôte appelée vinculine, qui traduit et régule les mouvements essentiels des éléments biochimiques entre les récepteurs de la cellule et son cytosquelette, interagissant constamment avec le microenvironnement interne et externe de la cellule.2

Les scientifiques ont découvert que les taux d’anti-CdtB et d’anti-vinculine étaient significativement plus élevés chez les patients souffrant du SII-D comparativement aux participants en santé et n’ayant aucun antécédent de maladies digestives, aux participants atteints de la MII (maladie de Crohn ou colite ulcéreuse) et aux participants aux prises avec la maladie cœliaque. La quantité de ces biomarqueurs était semblable ou la même entre les sujets témoins en bonne santé, les patients atteints de la MII (maladie de Crohn ou colite ulcéreuse) et les patients souffrant de la maladie cœliaque, les résultats ne présentant donc aucune différence statistiquement significative.

Il est important de noter que ces biomarqueurs ne sont pas retrouvés chez tous les patients souffrant du SII-D. Cependant, grâce aux études menées sur ce sous-groupe de patients et à l’amélioration de notre compréhension de la pathogenèse précise du SII, il sera possible de mettre au point des thérapies pour aider les patients à gérer leur diarrhée chronique.

Améliorer la puissance diagnostique

Les chercheurs ont mené une étude de suivi en 2019,3 lors de laquelle ils ont remarqué que les épitopes des biomarqueurs étaient facilement sujets à des dommages en raison d’une sensibilité à des changements environnementaux tels que la chaleur et les taux de pH. Ces dommages rendent difficile l’identification des biomarqueurs dans les échantillons de sang et peuvent même les dissimuler. Pour remédier à ce problème, les chercheurs ont ajouté une étape au processus du test de détection des biomarqueurs, c’est-à-dire la stabilisation des épitopes (stabilisation des épitopes propriétaire). Ceci a sensiblement amélioré le test en augmentant sa spécificité et sa sensibilité de façon à obtenir un taux d’exactitude supérieur à 98 % dans le diagnostic du SII, et supérieur à 90 % dans la différenciation des patients souffrant du SII de ceux atteints de la MII.

Mise en œuvre en pratique clinique

Les chercheurs reconnaissent que leurs études présentent des limites démographiques (telles que le manque d’inclusion d’aînés âgés de plus de 65 ans et de personnes de populations asiatiques), auxquelles ils devront remédier dans leurs recherches futures. Toutefois, cela n’enlève rien à l’importance de leurs résultats, surtout en raison du fait que d’autres études ont confirmé la valeur des biomarqueurs anti-CdtB et anti-vinculine depuis leur validation initiale dans l’étude de 2015. De plus, les chercheurs postulent que la voie à suivre est d’évaluer la faisabilité de la mise en œuvre du test en pratique clinique en effectuant une analyse des coûts entre les méthodes de diagnostic actuelles et l’application du test dans le monde réel.

Comment recevoir votre test de dépistage du SII

L’analyse sanguine pour déceler le syndrome de l’intestin irritable est maintenant disponible au Canada et aux États-Unis sous le nom de ibs-smart™. Pour en savoir plus, consultez le site www.ibssmart.com. Si vous habitez au Canada, vous pouvez connaître le processus dirigé par le patient au www.ibssmart.com/canada. Vous pouvez commander le test en ligne. La trousse ibs-smart™ kit et le formulaire de demande doivent être traités par votre médecin, puis expédiés au laboratoire à des fins d’analyse. Les résultats sont envoyés à votre médecin dans les quatre jours ouvrables suivant la réception des échantillons de sang.


Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 212 – 2019
1. Détection du SII par l’urine. Bulletin Du Coeur au ventreMD, numéro 211. 2019.
2. Pimentel M et al. Development and Validation of a Biomarker for Diarrhea-Predominant Irritable Bowel Syndrome in Human Subjects. PLoS ONE. 2016;10(5):1-12.
3. Morales W et al. Second-Generation Biomarker Testing for Irritable Bowel Syndrome Using Plasma Anti-CdtB and Anti-Vinculin Levels. Digestive Diseases and Sciences. 2019.
4. Thabane M et al. Post-infectious irritable bowel syndrome. World Journal of Gastroenterology. 2009;15(29):3591-6.
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