Le genre et les intestins
Votre identité de genre et votre sexe biologique peuvent influer sur vos affections GI
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, « le mot sexe se réfère davantage aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui différencient les hommes des femmes. Le mot genre sert à évoquer les rôles qui sont déterminés socialement, les comportements, les activités et les attributs qu’une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes ».1
Lorsqu’il s’agit de votre expérience d’une maladie ou d’un trouble gastro-intestinal (GI), aussi bien que de vos expériences au niveau des soins de santé, votre sexe et votre genre peuvent tous deux influencer les résultats.
Le cycle menstruel et le SII
Vous avez peut-être entendu dire que le syndrome de l’intestin irritable (SII) touche plus couramment les femmes que les hommes. La raison n’est toutefois pas évidente. Le SII est un trouble gastro-intestinal chronique fonctionnel, souvent débilitant, dont les symptômes comprennent la douleur abdominale, les ballonnements, la constipation et la diarrhée. Certaines recherches démontrent que les femmes atteintes du SII connaissent des changements de symptômes à différents stades du cycle menstruel, portant les chercheurs à croire qu’il pourrait exister un lien hormonal.
Les femmes éprouvent souvent une aggravation de leurs symptômes à divers moments de leur cycle menstruel.2 Pendant les menstruations, le corps produit un genre d’acides gras cycliques appelés prostaglandines dont les effets variables sont comparables à ceux des hormones. Ils sont responsables de la douleur et de l’inflammation et, dans le cas des menstruations, ils signalent à la paroi utérine de se contracter. Cependant, certaines personnes (souffrant ou non du SII) produisent une plus grande quantité de prostaglandines que d’autres. Dans ce cas, l’excès de prostaglandines peut se déplacer dans la circulation sanguine pour se rendre à la paroi intestinale où il provoque une contraction des intestins, entraînant une diarrhée accrue accompagnée de crampes abdominales douloureuses. La prise d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) tel que l’ibuprofène peut aider puisque ce médicament réduit la production de prostaglandines.
Pendant la phase du cycle menstruel qui débute environ deux semaines avant la menstruation et qui se termine juste avant la menstruation (phase lutéale), aussi bien que pendant la grossesse, le corps produit une quantité accrue de l’hormone progestérone. Un des effets de la progestérone est de relaxer le tissu musculaire lisse. Cela a pour but de s’assurer que l’utérus ne se contracte pas afin d’éviter le rejet d’un œuf potentiellement fécondé. Cependant, comme pour les prostaglandines, l’effet de la progestérone ne se limite pas toujours à l’utérus; elle peut en fait ralentir le péristaltisme du gros intestin. Il est alors plus probable de connaître une durée de transit prolongée, augmentant la possibilité de constipation, mais réduisant celle de diarrhée.3
Une étude a permis de constater que les personnes aux prises avec le SII éprouvent une sensibilité rectale accrue pendant les menstruations. Cela pourrait expliquer pourquoi les femmes atteintes du SII répondent différemment aux variances des taux hormonaux comparativement à celles qui ne souffrent pas du SII.3
Le stress est un autre facteur clé dans le SII – il n’est pas responsable du syndrome, mais il peut exaspérer ses symptômes. Les changements hormonaux liés aux menstruations peuvent accentuer le stress chez certaines femmes,4 augmentant davantage la gravité des symptômes du SII pendant cette période.
Les effets liés au genre
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique se produit lorsque la partie supérieure du tube digestif ne fonctionne pas adéquatement et qu’il y a un dysfonctionnement du sphincter œsophagien inférieur, permettant alors au contenu de l’estomac, y compris les aliments et les sucs digestifs, tels que l’acide chlorhydrique, de remonter dans l’œsophage. Dans le RGO pathologique, ce reflux se produit sans cesse.
Dans le cadre d’une étude publiée en 2011, les chercheurs ont comparé les expériences vécues par les femmes et les hommes souffrant du RGO.5 Ils ont constaté que les femmes étaient plus susceptibles de rapporter des sensations de brûlure d’estomac et d’autres symptômes en parlant avec leur médecin. Cependant, lorsque l’affection pouvait être mesurée de façon objective, tel que dans le cas d’une ulcération de l’œsophage et une pression réduite du sphincter œsophagien inférieur (SOI), il a été constaté que plus d’hommes que de femmes souffraient de ces symptômes. Les chercheurs croient que l’augmentation des résultats négatifs chez les hommes atteints du RGO pourrait être liée aux rôles de genre et ce que la société estime comme normal pour les hommes et les femmes. Ils soutiennent que les hommes ont tendance à ignorer leurs symptômes plus longtemps que les femmes avant de consulter un médecin, et que les hommes sont plus enclins à minimiser la gravité de leurs symptômes. En revanche, les femmes sont plus susceptibles d’obtenir des soins plus tôt pour leurs brûlures d’estomac, ce qui aide à prévenir le développement de complications graves.
Pour ce qui est du SII, les recherches indiquent que les femmes ont tendance à connaître une diminution plus importante de la qualité de vie que les hommes. Les chercheurs croient que cela pourrait être causé par les tabous sociaux et les attentes liées au genre, qui dictent que les femmes devraient éprouver davantage de honte ou être plus discrètes en ce qui concerne les fonctions intestinales. Cela peut porter les femmes atteintes du SII à dériver vers l’isolement social par peur que d’autres personnes apprennent de l’existence de leur maladie.6
Les résultats liés à la MII influencés par le sexe
La maladie inflammatoire de l’intestin (MII) est un terme qui fait notamment référence à deux maladies de l’intestin : la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. La MII est une maladie complexe qui occasionne de nombreux symptômes débilitants tels que la diarrhée chronique, des saignements rectaux, des douleurs abdominales, des fissures anales et des fistules, des carences nutritionnelles et de nombreuses manifestations extra-intestinales résultant de l’inflammation, notamment des problèmes au niveau des organes, des articulations et des yeux.
Bien que les taux de MII sont semblables chez les femmes et les hommes (la maladie de Crohn est légèrement plus commune chez les femmes; la colite ulcéreuse est répartie uniformément), les femmes et les hommes ont tendance à développer des manifestations extra-intestinales différentes.
Une étude a révélé que les femmes connaissaient généralement une incidence plus élevée de complications des yeux et de la peau et que les hommes connaissaient une prévalence plus élevée d’angiocholite sclérosante primitive et de spondylarthrite ankylosante.7 Une autre étude a trouvé que les femmes présentaient un risque plus élevé de symptômes périanaux,7 et une autre encore a déterminé que les femmes sont plus susceptibles de déclarer des sensations de fatigue que les hommes.8 Une étude a révélé que les femmes qui prennent des contraceptifs oraux étaient plus susceptibles de développer une MII, surtout la maladie de Crohn.9 Cependant, les raisons pour ces différences ne peuvent pas être clairement expliquées.
Conclusion
Quoique les maladies et troubles GI touchent les personnes de tout genre, les façons dont elles se manifestent varient selon le sexe biologique et le rôle de genre. Les changements se produisant au niveau des hormones sexuelles féminines pendant le cycle menstruel et la grossesse peuvent être difficiles à prendre en charge, mais il est possible d’éliminer au moins certaines des différences liées au genre par le biais de la conscience sociale. Si vous éprouvez des symptômes GI, il est important de consulter votre médecin, peu importe votre sexe ou genre. Bien que des brûlures d’estomac occasionnelles peuvent sembler être un problème mineur, lorsqu’elles deviennent chroniques comme dans le cas du RGO, elles peuvent occasionner des complications dangereuses telles que l’œsophage de Barrett et le cancer de l’œsophage. Nous devrions tous travailler ensemble pour aider à réduire le stigmate social du SII et des autres maladies et troubles intestinaux – leurs symptômes sont déjà assez graves sans avoir à vivre avec la crainte additionnelle d’une persécution sociale.