Minéraux : Nous sommes ce que nous absorbons

Introduction

Nous sommes ce que nous mangeons? Il serait peut-être plus précis de dire : « Nous sommes ce que nous absorbons. » En théorie, il est possible de manger suffisamment pour répondre aux besoins nutritionnels recommandés, mais si le corps n’absorbe pas ces nutriments, l’alimentation est tout simplement insuffisante et le risque de malnutrition s’accroît. Les personnes dont l’intestin est fragilisé par des affections telles que la maladie de Crohn, le syndrome de l’intestin court et la maladie cœliaque ont besoin d’une plus grande quantité de minéraux qu’un adulte en bonne santé.

Des conseils diététiques et une surveillance et une évaluation continues par son équipe de soins de santé aident à assurer que ces besoins accrus sont satisfaits. Entre autres, des examens physiques axés sur la nutrition sont essentiels pour prévenir les conséquences des carences en micronutriments, comme l’anémie, la fatigue, la faiblesse et l’affaiblissement de la fonction immunitaire. Le présent article met l’accent sur les carences minérales courantes associées à un intestin fragilisé, offre des conseils pratiques pour améliorer l’absorption et formule des recommandations générales pour la prévention et le traitement de ces carences.

Maladie de Crohn

La malabsorption qui accompagne la maladie de Crohn varie d’une personne à l’autre et dépend de la localisation de la maladie, du degré d’inflammation, des interventions chirurgicales antérieures (y compris la résection intestinale), de la gravité de la diarrhée ou de la présence d’une stomie ou d’une fistule à haut débit (>500 ml/j). L’absorption sera réduite pendant une poussée active caractérisée par une inflammation et sera plus efficace pendant une rémission, lorsque l’inflammation est minime ou absente. Les carences minérales courantes dans la maladie de Crohn sont celles en fer, en zinc, en magnésium et en calcium.1 En présence d’une fistule à haut débit, une quantité additionnelle de cuivre, de zinc et de sélénium sera requise pour favoriser la cicatrisation des plaies.2

Syndrome de l’intestin court

Le syndrome de l’intestin court (SIC) est une affection caractérisée par une perte importante de la longueur ou de la fonction de l’intestin grêle, généralement de 70 à 75 %,3 ce qui entraîne une malabsorption grave. Plus de 90 % de l’absorption des nutriments se fait dans les premiers 100 à 150 cm de l’intestin grêle (duodénum et jéjunum). Si cette partie de l’intestin est manquante ou ne fonctionne pas adéquatement, le risque de malnutrition est extrêmement élevé. Le SIC peut découler d’une très importante résection chirurgicale, de la maladie de Crohn, d’un cancer, d’une entérite radique, d’une blessure ou d’autres raisons moins courantes. Une personne atteinte du SIC nécessite un soutien nutritionnel (p. ex., une alimentation par sonde ou par voie intraveineuse appelée nutrition parentérale totale ou NPT) à court ou à long terme. Les carences minérales les plus préoccupantes sont celles en magnésium, en zinc, en fer, en calcium et en sélénium, ainsi que celles en vitamines A, D, E, K et B12.3 Une surveillance et une supplémentation de ces nutriments sont requises tout au long de la vie chez les personnes aux prises avec le SIC.

Maladie cœliaque

La maladie cœliaque est une maladie auto-immune qui touche principalement l’intestin grêle, endroit où le corps absorbe la plupart des nutriments des aliments ingérés. Le traitement de cette maladie consiste à suivre un régime sans gluten strict et à vie afin de prévenir l’inflammation intestinale et la malabsorption résultante découlant de l’exposition au gluten. La carence en fer et l’anémie ferriprive sont toutes deux assez fréquentes dans la maladie cœliaque.4 Votre médecin pourrait soupçonner que vous êtes atteint de cette affection si vous souffrez d’anémie, d’ostéopénie ou d’ostéoporose, étant donné que ces troubles peuvent découler d’une malabsorption de divers minéraux. D’autres carences minérales pouvant résulter de la maladie cœliaque sont celles en zinc, en cuivre, en magnésium et en sélénium.

Une étude menée en 20204 auprès de jeunes patients atteints de la maladie cœliaque et souffrant d’une carence en fer a révélé qu’un régime sans gluten peut être suffisant pour inverser la carence en fer. Cependant, puisqu’il peut prendre de six mois à un an pour régler cette carence, il est aussi recommandé dans le cadre d’un régime sans gluten de prendre des suppléments et de consommer des aliments riches en fer. Le chercheur a noté que les choix alimentaires généraux effectués dans le cadre d’un régime sans gluten dans ce groupe d’âge étaient pauvres en nutriments et que l’observance inadéquate d’un régime équilibré et sans gluten jouait également un rôle dans le développement de carences nutrionnelles.4 Les grains céréaliers contenant du gluten renferment également des minéraux tels que le cuivre et le zinc. Il est donc très important de les remplacer par des aliments et des grains sans gluten qui sont riches en nutriments, tels que le quinoa et le teff, au lieu de se limiter au riz blanc et aux pommes de terre. La variété et l’équilibre sont essentiels!

Carences spécifiques

Une carence en fer peut résulter d’une malabsorption, d’une diminution de l’apport oral et de pertes (p. ex., des saignements), et peut nécessiter une supplémentation IV pour y remédier. Nous recommandons une surveillance régulière des taux de fer pour prévenir l’anémie ferriprive, ainsi que la consommation d’aliments riches en fer ou la prise de suppléments. Ceci est particulièrement nécessaire chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn qui suivent un régime végétarien ou végétalien et chez les femmes en âge de procréer. (Demandez notre brochure sur l’Anémie ferriprive).

Une carence en zinc peut découler de diarrhées graves ou de pertes occasionnées par une stomie ou une fistule à haut débit. Le zinc est essentiel au bon fonctionnement du système immunitaire, à la guérison des plaies et à la synthèse des protéines et de l’ADN.5 Les personnes aux prises avec la maladie de Crohn peuvent perdre jusqu’à 12 mg de zinc pour chaque litre de selles ou d’effluents (matières évacuées par la stomie) et peuvent nécessiter une supplémentation additionnelle pour compenser ces pertes. Il faut être prudent cependant, puisqu’une trop grande quantité de suppléments de zinc oraux peut entraîner une carence en cuivre au fil du temps; il faut donc limiter la supplémentation à une durée de six semaines.

Une carence en magnésium peut se produire en raison d’une malabsorption, d’une réduction de l’apport alimentaire, de pertes excessives (diarrhée, stomie ou fistule à haut débit) et en présence d’un intestin fragilisé. Les suppléments oraux de magnésium aggravent généralement la diarrhée puisqu’ils ne sont pas bien absorbés; ils sont principalement utilisés comme laxatif pour prévenir et traiter la constipation. Il convient de noter qu’il existe une nouvelle forme de magnésium oral portant le nom de pidolate de magnésium (Magdolate™), dont la biodisponibilité serait améliorée, signifiant que le magnésium serait plus facilement absorbé par l’organisme. Ce produit ne provoquerait donc pas de diarrhée comme les suppléments de magnésium traditionnels. Cependant, la majorité des recherches proviennent d’études sur les animaux, et des études plus importantes chez les humains sont nécessaires pour confirmer les résultats.6 Étant donné que les os emmagasinent la majorité du magnésium corporel total (60 %), des niveaux de magnésium chroniquement faibles peuvent entraîner des troubles osseux tels que l’ostéopénie et l’ostéoporose.3 En plus du calcium et de la vitamine D, le magnésium est essentiel au maintien d’une bonne santé osseuse, alors il ne faut surtout pas l’oublier!

Une carence en calcium peut découler d’une malabsorption, d’un apport alimentaire réduit et de besoins accrus occasionnés par certains médicaments (p. ex., les stéroïdes). Il est plus facile pour l’organisme d’absorber un supplément de calcium en doses plus petites et plus fréquentes, généralement prises deux ou trois fois par jour. Le citrate de calcium, offert également sous forme à mâcher, est le type de calcium le mieux absorbé par les personnes atteintes de la maladie inflammatoire de l’intestin3.

Une carence en sélénium peut aussi résulter d’une malabsorption, d’un apport alimentaire réduit et de pertes excessives. Le sélénium, minéral essentiel et puissant antioxydant, protège contre les dommages oxydatifs dans l’organisme. Il joue un rôle clé dans les fonctions thyroïdienne, musculaire et cardiaque, et contribue au maintien et à l’optimisation de la santé du système immunitaire. Le sélénium est présent en grande quantité dans les noix du Brésil, les fruits de mer, les reins et le foie, ainsi que dans les grains et les légumineuses, quoique sa teneur dans ces derniers dépende de la teneur en sélénium du sol dans lequel ils sont cultivés. L’apport quotidien recommandé (AQR) en sélénium est de 55 µg/jour et l’apport maximal tolérable est de 400 µg/jour. Il est possible de consommer trop de sélénium; les signes de toxicité comprennent les nausées, la diarrhée, la perte de cheveux et des changements dans les ongles. Nous suggérons de consommer un maximum de deux noix du Brésil par jour pour obtenir un apport suffisant en sélénium tout en évitant les symptômes de toxicité.

Conclusion

Les personnes souffrant d’un trouble qui fragilise l’intestin sont exposées à un risque accru de carences minérales, la gravité de celles-ci variant largement d’une personne à l’autre. La bonne nouvelle, c’est qu’avec le soutien d’une équipe soignante (médecin, infirmière, pharmacien, diététiste professionnel, etc.), les taux de minéraux peuvent être suivis de près. L’on peut prévenir ou gérer les carences en nutriments au moyen d’un plan alimentaire adéquat qui comprend une supplémentation ciblée.

Ce que vous mangez est important, mais ce que votre corps absorbe l’est encore plus.

Dix conseils pratiques pour améliorer l’absorption des nutriments

  1. Mastiquez bien jusqu’à ce que les aliments aient la consistance d’une compote de pommes.
  2. Mangez lentement.
  3. Consommez les solides et les liquides à un intervalle de 30 à 60 minutes.
  4. Prenez des repas plus petits et plus fréquents.
  5. Choisissez des légumes cuits plutôt que crus.
  6. Modifiez la texture des aliments (p. ex., soupes à consistance homogène, gruau en purée, boissons fouettées et légumes/fruits pilés).
  7. Prenez des suppléments de calcium en dose divisée (2 à 3 fois/jour) et renseignez-vous auprès de votre médecin ou de votre pharmacien au sujet du citrate de calcium.
  8. Mangez plus de fibres solubles (p. ex., gruau, bananes, compote de pommes) pour aider à ralentir le transit intestinal et permettre plus de temps pour l’absorption.
  9. Buvez le café ou le thé caféiné entre les repas, puisque ces boissons diminuent l’absorption du fer trouvé dans les aliments lorsqu’ils sont pris avec les repas.
  10. Questionnez votre médecin ou votre diététiste sur les préparations élémentaires que vous pouvez prendre pendant des épisodes de malabsorption grave.

Anne-Marie Stelluti, R.D.
Publié pour la première fois dans le bulletin Du coeur au ventreMD numéro 218 – 2021
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1. Naik AS, Venu N. Nutrition Care in Adult Inflammatory Bowel Disease. Practical Gastroenterology. 2012; 106: 18-27.
2. Couper C, et al. Nutrition Management of the High-Output Fistulae. Nutrition in Clinical Practice. 2021; 36 (2): 282-296.
3. Parrish CR. The Clinician’s Guide to Short Bowel Syndrome. Practical Gastroenterology. 2005; 31: 67-106.
4. Nestares T, et al. Is a Gluten-Free Diet Enough to Maintain Correct Micronutrients Status in Young Patients with Celiac Disease? Nutrients. 2020; 12:844.
5. Ratajczak AE, et al. Nutrients in the Prevention of Osteoporosis in Patients with Inflammatory Bowel Diseases. Nutrients. 2020; 12: 1702.
6. Maier JA, et al. Headaches and Magnesium: Mechanisms, Bioavailability, Therapeutic Efficacy and Potential Advantage of Magnesium Pidolate. Nutrients. 2020; 12: 2660.