COVID-19 et symptômes GI

La COVID-19 était initialement considérée comme une maladie respiratoire, mais nous savons maintenant que le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2) peut entraîner de graves conséquences systémiques en touchant les principaux organes, y compris l’appareil digestif.1,2 La diarrhée, la perte d’appétit et les nausées sont des symptômes gastro-intestinaux (GI) courants dont les causes sont nombreuses, de sorte que l’apparition d’un d’entre eux ne signifie pas que vous êtes atteint de COVID-19. Cependant, ces symptômes peuvent parfois en être des signes précurseurs et accompagnent souvent, mais pas toujours, les symptômes habituels d’une infection par le virus de la COVID-19. Bien que les données varient, jusqu’à 50 % des adultes hospitalisés atteints de COVID-19 signalent au moins un symptôme gastro-intestinal, tel que des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales ou une diarrhée, leur apparition et leur gravité étant variables.1,2,3  De plus, près du quart des enfants infectés par le virus présentent des symptômes GI,4 la majorité étant légers et se résorbant sans traitement médical.1,2 Néanmoins, il est indéniable que le SRAS-CoV-2 infecte le tractus GI. En général, les patients qui présentent des symptômes GI seront également touchés par des symptômes plus courants se manifestant dans les voies respiratoires supérieures, notamment une toux sèche, un mal de gorge et des difficultés respiratoires, ainsi que de la fièvre. Les symptômes GI sont parfois les premiers à apparaître, suivi des symptômes respiratoires environ un jour après.1,2 Il est intéressant de noter que, dans environ 20 % des cas étudiés, les personnes atteintes de COVID-19 ne présentaient uniquement que des symptômes GI. De plus, les patients aux prises avec des symptômes digestifs connaissaient une plus longue durée de la maladie, depuis l’apparition de leurs symptômes jusqu’à la clairance virale, et ils étaient plus susceptibles d’obtenir un résultat positif au test de recherche de virus dans les selles.1,2,3

Les symptômes couramment observés, tant pour la COVID-19 que la grippe saisonnière, comprennent les nausées, la toux, la fièvre et la fatigue.1,2,5 L’une des principales différences observées avec la COVID-19 est la perte du goût ou de l’odorat, ce qui est rare avec la grippe ordinaire.5 La perte transitoire du goût ou de l’odorat s’explique par le fait que le virus infecte les cellules qui tapissent la paroi de notre bouche par l’intermédiaire du récepteur portant le nom d’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ECA2).1,3 Les vomissements sont également un symptôme plus courant avec la COVID-19 qu’avec la grippe saisonnière.

La COVID-19 peut-elle être transmise par les selles?

En début de pandémie, la transmission oro-fécale de la maladie était une source de préoccupation, étant donné que du matériel génétique du virus ainsi que le virus vivant avaient été repérés dans les selles de patients infectés1. Dans certains cas, l’on avait décelé du matériel génétique viral dans les selles indépendamment de la présence de symptômes gastro-intestinaux, ainsi que dans les selles à la suite d’un test nasal négatif.1,6 Ces observations suggèrent que le SRAS-CoV-2 peut activement occasionner une infection dans le tube digestif et s’y répliquer. Malgré ces constatations, les scientifiques ne croient pas que la transmission oro-fécale soit une voie d’infection importante pour le virus.6

Quels sont les effets de la COVID-19 sur le tractus GI?

La COVID-19 perturbe l’appareil gastro-intestinal et porte atteinte au corps de deux principales façons. En premier lieu, le SRAS-CoV-2 attaque l’organisme au moyen d’un récepteur appelé enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ECA2),1,3,7 que l’on retrouve dans de nombreux organes du corps. Ce récepteur se trouve couramment sur les cellules qui tapissent les parois intérieures de notre corps, comme celles des voies respiratoires et du tractus gastro-intestinal, où il est le plus prévalent.7,8 Le SRAS-CoV-2 se lie à l’ECA2 pour faciliter son entrée dans les cellules épithéliales. Le virus s’introduit dans ces cellules au moyen de la protéine spiculaire de l’enveloppe virale, qui est activée par la protéase à sérine transmembranaire de type 2 (TMPRSS-2) des cellules. Cette interaction peut perturber la fonction de barrière en modifiant le rôle de diverses protéines de barrière, notamment la ZO-1, les occludines et les claudines3,7, ce qui peut entraîner une diarrhée induite par le virus. La perturbation de l’intégrité de la barrière peut accroître la perméabilité intestinale, permettant aux produits bactériens et aux toxines de passer dans le système circulatoire, aggravant davantage la réponse inflammatoire systémique. L’inflammation qui en résulte entraîne le recrutement de cellules immunitaires qui pourraient provoquer un choc cytokinique et une défaillance des organes.

Le SRAS-CoV-2 se lie aux récepteurs ECA2, puis s’introduit dans nos organes et y cause des dommages. Dans le tractus GI, il porte atteinte à la muqueuse intestinale, provoquant une diarrhée, des maux d’estomac, des vomissements et une inflammation.9 Dans les cas graves, il peut même y avoir des obstructions, des co-infections ou une nécrose intestinale et une défaillance des organes.10

L’autre façon dont la COVID-19 influe sur le tractus gastro-intestinal est en modifiant le microbiome.10,11 Notre microbiome intestinal se compose de billions de bactéries ainsi que d’autres micro-organismes qui participent au métabolisme, à la digestion, à la lutte contre les infections et à la régulation de l’humeur. Les dommages au microbiome intestinal peuvent entraîner des infections opportunistes, des symptômes GI graves (douleurs, nausées, diarrhée), voire l’anxiété et la dépression.12

Une étude réalisée à Hong Kong a cerné les altérations du microbiome intestinal résultant de la COVID‑19.13 L’infection entraînait une diminution de la diversité du microbiome (constitué d’organismes tels que Faecalibacterium prausnitzii, Lachnospiraceae bacterium, Eubacterium rectale, Ruminococcus obeum et Dorea formicigenerans), une augmentation des pathogènes opportunistes (p. ex., Clostridium hathewayi, Actinomyces viscosus et Bacteriodes nordii) et une diminution des commensaux bénéfiques. Une étude de suivi de six mois portant sur des patients atteints de COVID-19 a montré des diminutions importantes de la richesse du microbiome intestinal au cours des phases aiguës, de convalescence et de post-convalescence de l’infection.9

D’autres études ont obtenu des résultats semblables et ont établi un lien entre les effets négatifs sur les bactéries intestinales et les maladies graves, les infections opportunistes et même les symptômes de la COVID de longue durée (également connue sous le nom de séquelles post-aiguës de COVID-19).9,10 Des études sont en cours pour déterminer si les probiotiques pourraient être utiles dans la prévention ou l’atténuation des symptômes de la COVID-19.

COVID-19 et MII

Au début de la pandémie, une initiative de collaboration internationale, soit la base de données Surveillance Epidemiology of Coronavirus Under Research Exclusion (SECURE-IBD), a été lancée pour suivre de près les résultats de la COVID-19 chez les patients aux prises avec une MII dans le monde.2 Elle a donné lieu à de nombreuses découvertes importantes. Il est courant pour les patients atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin (MII) de prendre des immunosuppresseurs injectables, ceux-ci pouvant les rendre plus susceptibles aux maladies et aux infections.2 Cependant, la base de données a révélé que les patients prenant de puissants immunosuppresseurs, tels que ceux de la classe de médicaments appelés inhibiteurs du FNT-alpha (p. ex., infliximab, adalimumab et certolizumab), n’ont pas à s’inquiéter d’une augmentation du risque d’infection.2 Les chercheurs ont également déterminé que la prévention est un élément clé.

De manière générale, il n’existe actuellement aucune preuve d’un risque accru ou de résultats plus graves chez les patients atteints d’une MII11; de plus, la prévalence de la COVID-19 n’est pas plus élevée chez ces patients que dans la population générale. Cependant, les patients qui présentent une poussée aiguë de MII peuvent avoir besoin de prendre des immunosuppresseurs plus puissants. Cet état accru d’inflammation et d’immunosuppression peut augmenter le risque de contracter la COVID-19 et d’en connaître des conséquences graves.2

Les preuves de l’impact potentiel de la COVID-19 sur les affections inflammatoires chroniques, telles que la MII, continuent d’évoluer. Il est préférable de consulter votre médecin à ce sujet si vous êtes immunodéprimé.

Conclusion

Le SRAS-CoV-2 s’est répandu de manière exponentielle pour en arriver au stade de pandémie. Il occasionne principalement des symptômes respiratoires graves, mais chez de nombreux patients, il touche également le système gastro-intestinal. L’importance de l’homéostasie intestinale et d’une réponse immunitaire appropriée en présence d’une infection virale a pris de l’ampleur au cours de la pandémie de la COVID-19.

Il est manifeste que les répercussions GI sont une caractéristique importante chez certains patients atteints de COVID-19. Au cours des dernières années, nous avons acquis de vastes connaissances qui nous ont permis de comprendre les effets GI du SRAS-CoV-2 et les mécanismes sous-jacents de la pathogenèse. Des chercheurs ont commencé à explorer l’utilisation de probiotiques comme thérapie pour la COVID-19 ainsi qu’à examiner les marqueurs du microbiome pour déterminer l’efficacité des vaccins.


Mis à jour le 2022-11-27
1. Kariyawasam JC et al. Gastrointestinal manifestations in COVID-19. Trans R Soc Trop Med Hyg. 2021;115(12):1362-1388.
2. Bilal M et al. Coronavirus disease-2019: implications for the gastroenterologist. Curr Opin Gastroenterol. 2021;37(1):23-29.
3. Pola A et al. COVID-19 and gastrointestinal system: A brief review. Biomed J. 2021;44(3):245-251.
4. Lo Vecchio A et al. Factors Associated With Severe Gastrointestinal Diagnoses in Children With SARS-CoV-2 Infection or Multisystem Inflammatory Syndrome. JAMA Netw Open. 2021;4(12):e2139974.
5. Piroth L et al. Comparison of the characteristics, morbidity, and mortality of COVID-19 and seasonal influenza: a nationwide, population-based retrospective cohort study. Lancet Respir Med. 2021;9(3):251-259.
6. Moura IB et al. Can SARS-CoV-2 be transmitted via faeces? Curr Opin Gastroenterol. 2022;38(1):26-29.
7. Roy K et al. COVID-19 and gut immunomodulation. World J Gastroenterol. 2021;27(46):7925-7942.
8. Hikmet, F et al. The protein expression profile of ACE2 in human tissues. Molecular Systems Biology. (2020)16:e9610. https://doi.org/10.15252/msb.20209610.
9. Clerbaux LA et al. Mechanisms leading to gut dysbiosis in COVID-19: Current evidence and uncertainties based on adverse outcome pathways. Journal of Clinical Medicine. 2022;11(18):5400.
10. Soeselo DA et al. Bowel necrosis in patient with severe case of COVID-19. BMC Surgery. 2021;21(1).
11. Singh AK et al. Risk and outcomes of coronavirus disease in patients with inflammatory bowel disease: A systematic review and meta-analysis. United European Gastroenterol J. 2021;9(2):159-176.
12. Clapp M et al. Gut microbiota’s effect on Mental Health: The gut-brain axis. Clinics and Practice. 2017;7(4):987.
13. Yeoh YK et al. Gut microbiota composition reflects disease severity and dysfunctional immune responses in patients with COVID-19. Gut. 2021;70(4):698-706.
Photo : Tumisu | pixabay.com
Nous remercions tous les contributeurs de contenu qui ont participé à l’élaboration de cette page. Les informations sont vérifiées par divers experts de la santé et mises à jour régulièrement pour assurer leur pertinence. Toutefois, nous ne pouvons pas garantir que tous les liens externes sont à jour.